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TimFaitSonCinema
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THE IMMIGRANT

Ewa débarque aux Etats-Unis avec sa sœur Magda. Mais, à Ellis Island, cette dernière est considérée comme malade et doit rester en quarantaine. Ewa, elle, est sauvée par Bruno, un homme qui, malgré tous ses défauts, pourrait bien lui offrir la possibilité de retrouver sa sœur. Ewa n’a pas beaucoup d’autres choix…
Verdict:
James Gray signe un vrai film classique, très beau visuellement, d’une intensité dramatique progressive et très bien interprété. Pourtant, il manque un peu d’une vraie émotion et d’un peu de vie pour en faire un très grand long métrage.
Coup de coeur:

La dernière image

La date de sortie du film:

27.11.2013

Ce film est réalisé par

James GRAY

Ce film est tagué dans:

Drame

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 La Critique


C’est seulement le cinquième film en presque vingt ans de James Gray, qui nous a habitués, malgré deux longs métrages en deux ans (La nuit nous appartient en 2007 et Two Lovers l’année suivante) à être très patient et à laisser passer beaucoup de temps entre ses longs métrages. Là, en plus, il a été un peu occupé par l’écriture de Blood Ties, dont il s’est occupé avec Guillaume Canet. Depuis que j’ai découvert ce réalisateur, j’ai tout de suite apprécié son cinéma : classique, net, porteur d’enjeux forts, très travaillé… Ca ne peut que me plaire. Ses deux précédents longs métrages sont de véritables modèles, l’un de film noir dense, l’autre d’une histoire d’amour filmée comme un vrai thriller. Deux claques, où, en plus d’une vraie maitrise de la mise en scène, le talent de Joaquin Phoenix éclaboussait la pellicule. Pourtant, ce qui est assez cocasse, c’est que James Gray est peu reconnu aux Etats-Unis (jamais nominé à quoi que ce soit et films qui ne fonctionnent finalement pas très bien) alors que la France offre toujours un bel accueil à son cinéma. Il a aussi un rapport particulier au Festival de Cannes puisque ses quatre derniers films y ont été présentés en sélection officielle mais ils y ont été souvent sifflé (siffler La nuit nous appartient, quelle bêtise !) ou, en tout cas, très mal reçu. L’œuvre de James Gray est donc pleine de paradoxes, mais, pour moi, elle fait déjà partie du panthéon, le genre à voir absolument. Forcément, donc, une nouvelle réalisation de sa part est un événement et savoir que Joaquin Phoenix (devenu très rare) était dans le coup ne faisait que renforcer mon attente. Et, si The Immigrant n’atteint jamais le niveau des films précédents, je ne peux pas dire que je suis déçu car James Gray livre quand même un long métrage d’une très grande force.

Le premier plan annonce finalement ce que sera le programme de tout le film. En effet, on voit la Statue de la Liberté de dos, un peu dans le flou de la brume. C’est bien l’envers du rêve américain qu’il nous sera donné de voir et non les habituelles histoires sur une immigration réussie. Très vite, on comprend que l’arrivée aux Etats-Unis ne sera pas de tout repos pour Ewa et sa sœur Magda. On abandonne d’ailleurs très tôt cette dernière aux mains des médecins et on ne la reverra plus, même si sa figure traverse tout le film et en est presque la clé principale. Sa sœur ne va en effet jamais s’arrêter de chercher comment la sortir de cette situation. Et c’est aussi pourquoi Ewa noue cette relation avec Bruno, qu’elle voit comme le seul à même de l’aider. Ce personnage est vraiment intéressant car il a absolument tout pour être un salaud complet (souteneur, menteur, manipulateur, pleutre…) mais, en même temps, il se dégage de lui une certaine humanité qui va peu à peu se dévoiler. C’est bien autour de cette relation qui devient peu à peu ambigu que va se cristalliser l’intrigue, surtout qu’un troisième larron va se rajouter à l’affaire, en la personne d’un cousin de Bruno, illusionniste de métier, qui va lui-aussi essayer de conquérir le cœur d’Ewa. C’est en ce sens un drame amoureux assez traditionnel mais de très forts enjeux traversent le long métrage, notamment autour de la culpabilité, de ce que l’on est prêt à faire pour sa famille, de l’immigration… D’ailleurs, ce sont dans des scènes de confessions très fortes, et qui se font à différents niveaux, que toutes ces problématiques sont vraiment mises à jour. Ce sont les seuls moments où Ewa notamment se confie vraiment et que l’on comprend tout ce qui peut l’habiter. A côté de cela, il y a aussi une certaine pudeur par rapport à l’activité qui la fait vivre – la prostitution – puisqu’on en voit finalement très peu.

Pour mettre en scène une histoire finalement peu originale, James Gray fait appel à sa science d’une réalisation excessivement classique, sans effets mais avec toujours une capacité à parfaitement cadrer, à ne jamais faire le mouvement de trop, à trouver un ton juste et à réussir à saisir parfaitement ce que ses personnages ressentent. D’ailleurs, comme toujours avec ses films, les acteurs sont (presque tous) excellents. Cela signifie d’abord qu’il les choisit bien (en même temps, avec Joaquin Phoenix, on n’est jamais déçu) mais, surtout, qu’il arrive à les diriger à la perfection, en leur permettant d’interpréter leurs personnages avec naturel mais aussi une bonne dose d’émotions. Ici, seul Jeremy Renner apparaît un peu en retrait : il manque de charisme (ce qui est un peu embêtant pour un magicien) et se retrouve donc un peu effacé devant le duo principal. Car, par contre, Joaquin Phoenix est encore dément. Il n’est jamais aussi bon que dans les rôles un peu troubles, ce qui est vraiment le cas ici. Une nouvelle fois, il est très bon et prouve même en une seule séquence qu’il est bien un acteur à part aujourd’hui, bien au-dessus d’une grande majorité, en tout cas. Le grand pari résidait cependant dans l’actrice principale et Marion Cotillard remplit parfaitement sa tâche. Elle parle la plupart du temps polonais (paraît-il parfaitement) et a surtout une composition finalement assez silencieuse où elle doit montrer la force de son personnage (car Ewa semble capable de résister à tout) tout en parlant peu et, même, en faisant passer peu de choses sur son visage. Aux Etats-Unis, on ne l’avait jamais vu jouer aussi bien. Cela tient donc sans doute à l’immense talent de James Gray pour donner une réelle profondeur à ses personnages et leur offrir des interprètes à la hauteur.

Mais – car il y a un mais – cette réalisation très soignée, portée notamment par une photographie dorée absolument sublime (Darius Khondji y prouve une nouvelle fois tout son talent après le gros boulot sur Amour), finit presque par se retourner contre le film. En effet, avec un scénario de ce type, très linéaire, qui n’avance pas beaucoup et qui manque peut-être un peu d’enjeux dramatiques annexes, le film a peu à peu tendance à devenir presque scolaire et même « froid ». C’est comme si James Gray nous offrait un très beau devoir sur la forme mais que, dans le fond, on ne serait pas loin du vide. On en n’est quand même pas là mais c’est parfois l’impression que ça peut donner. Derrière la façade de cette mise en scène, on a un peu de mal à réellement chercher les personnages et essayer de les comprendre. Ils seraient presque désincarnés. C’est notamment vrai dans la première moitié du film qui réserve quelques longueurs un peu malvenues. En même temps, ces séquences ont aussi une pertinence car elles servent finalement un dernier tiers du film qui propose une vraie montée dramatique qui aboutit à une fin déchirante et magnifique, notamment marqué par une dernière image sensationnelle, techniquement parfaite et qui reste longtemps gravée dans les mémoires. Dans toute cette partie finale, les enjeux sont exacerbés et on assiste à une forme de retournement de ce que l’on aurait pu imaginer : celui qui soutient l’autre n’est pas nécessairement celui que l’on croit. C’est très fort et l’émotion, honnêtement un peu absente jusque là, culmine dans ces dernières minutes. C’est juste dommage qu’il faille attendre ces plans finaux pour y arriver mais sans doute tout ce qui est fait avant participe aussi à la force de cette fin.

J’ai entendu ci et là que c’était un « petit film », voire même un ratage. Comment peut-on en arriver à dire ça ? On se satisferait largement que tous les longs métrages qui sortent soient aussi bien réalisés et aient la même puissance, quand même, non ? Sans doute l’identité du metteur en scène et la grandeur de ses œuvres précédentes précède-t-elle un tel jugement, ce qui apparaît finalement un peu logique. Alors, oui, The Immigrant est beaucoup moins impressionnant que La nuit nous appartient ou Two Lovers qui sont, rappelons-le, de vrais chefs d’œuvre, reconnus presque unanimement comme tels, en tout cas. Mais il n’en reste pas moins un vrai film de qualité, beau, fort par moments, mais qui n’est pas parfait. On a aussi pu accuser ce film d’être « trop classique ». C’est vrai que ce n’est ni très inventif en termes de mise en scène, ni même dans l’histoire racontée. Mais, en même temps, le cinéma ne doit pas toujours se réinventer mais doit aussi rester fidèle à une certaine Histoire. Avec ce genre de longs métrages, James Gray montre un côté assez intemporel et universel du Septième Art. Ce film aurait presque pu être tourné de la même manière il y a bien longtemps et c’est aussi le côté merveilleux du cinéma. En ayant précédemment placé la barre si haute, James Gray nous « piège » un peu car on ne peut être que déçu devant son nouveau long métrage. Il ne faut pas, car si, avec ce film, il redescend peut-être de son (très haut) piédestal, il prouve quand même qu’il est encore largement au-dessus de l’immense majorité des réalisateurs actuels… En tout cas, The Immigrant en est une parfaite démonstration et si ses films « ratés » ressemblent éternellement à ça, alors on tient vraiment là un très grand nom du cinéma…



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