L'Article
« L’écrivain », fuyant le malheur d’une séparation amoureuse, se rend dans un Palace de Verbier, dans les Alpes Suisses. Il découvre qu’un mystère entoure une chambre qui n’existe d’ailleurs plus : la 622. Un peu par hasard, il se lance dans une enquête, qui lui fera remuer le passé bien sombre d’une banque suisse et de nombreux de ses protagonistes…
Après presque six mois de pause (eh oui, la naissance d’un deuxième enfant, même pendant le confinement, ça n’aide pas beaucoup pour s’attaquer à des romans !), voilà donc que j’ai enfin relu en entier un livre. Et comme je ne suis pas le roi de l’originalité, je me suis directement attelé à un roman qui figure sans aucun doute dans le Top 5 des meilleures ventes depuis le début de l’année, à savoir le nouveau Joël Dicker. Même si son précédent ouvrage, La disparition de Stephanie Mailer, m’avait quelque peu agacé, j’avais tout de même envie de redonner une chance à l’auteur de La vérité sur l’affaire Harry Québert en espérant que le fait qu’il situe son intrigue dans son pays de naissance – la Suisse – allait lui donner d’une certaine manière un nouveau souffle. Espoir un peu déçu, il faut le dire… Car, même si j’ai dévoré en quelques jours ce livre (ça, il faut bien avouer que le bonhomme sait faire), il ne m’en est pas resté grand-chose de positif au final. J’ai surtout eu le sentiment de lire une nouvelle fois le même livre, comme un Harlan Coben qui ne saurait pas vraiment se réinventer. Le fait que ça se passe en Suisse ne change ainsi absolument rien, ni au style, ni aux thèmes. Ca pourrait se passer à Boston que ce serait exactement la même chose. Et c’est peut-être ce qui est le plus frustrant et qui m’a le plus laissé sur ma faim.
Car, dans sa construction même et dans sa manière d’emmener le lecteur dans un tourbillon de révélations et de fausses pistes, L’énigme de la Chambre 622, ressemble beaucoup à Harry Québert ou Stephanie Mailer. Il y a d’abord ces différentes temporalités qui sont ici au nombre de trois (voire quatre par moments. Il vaut mieux être assez attentif pour ne pas s’y perdre. Il y a évidemment une enquête menée dans le présent qui fait résonance avec des événements du passé. Ici, le procédé est vraiment trop automatique et en devient donc artificiel. Surtout que l’idée de la jeune femme qui aide l’écrivain dans ses recherches, en le poussant même, c’est franchement un peu « cucul la praline » et même tristounet par moments. En tout cas, on n’a pas du tout envie de s’attacher à ce « couple » qui a ses entrées partout et qui réfléchit plus vite que son ombre. Et puis il y a surtout ces personnages assez « extraordinaires », à qui il arrive tout plein d’aventures, surtout parce qu’ils ont de très hautes attentes de la vie, et notamment de l’Amour. Je ne sais pas vraiment comment l’exprimer mais, autant Macaire, Lev ou Anastasia ne paraissent pas vraiment réels, presque un peu perchés dans leurs idéaux… Ça fait qu’on a du mal à réellement s’y attacher.
Le tout donne donc une histoire aux rebondissements multiples (à certains moments, c’est même un peu trop tant ça s’accumule), dont certains sont attendus (on commence à le connaître, le bougre) mais qui marque surtout par son côté assez invraisemblable tant les événements s’enchaînent et les coïncidences sont nombreuses. Et, franchement, la résolution de l’affaire en elle-même est une grosse déception. Je pensais que ça serait bien plus flamboyant… L’aspect le plus émouvant du livre est peut-être tout ce qui tourne autour de la transmission de l’héritage entre un père et son fils. C’est une partie un peu plus mineure mais elle nous offre les plus beaux passages en même temps que le rebondissement le plus intéressant du bouquin. Mais, en plus de son enquête, comme Harry Québert offrait une réflexion sur l’écriture, L’énigme de la chambre 622 se veut un hommage à Bernard de Fallois, éditeur qui a donné sa chance à Dicker et qui est décédé il y a peu, et donc, d’une certaine façon, des pensées sur l’édition. Je comprends tout à fait qu’il ait ressenti le besoin de confier sa peine et son admiration pour son premier éditeur mais, à certains moments, ça en devient presque un peu gênant. On n’a pas forcément envie de tout savoir ! Passons enfin rapidement sur le style : on ne fera jamais de Joël Dicker le Cormac McCarthy moderne, mais j’ai globalement trouvé que ça passait. Bref, un livre qui se dévore mais qui s’oubliera également très vite.
« Les gens considèrent souvent que l’écriture d’un roman commence par une idée alors qu’un roman commence avant tout par une envie : celle d’écrire. Une envie qui vous prend et que rien ne peut empêcher, une envie qui vous détourne de tout. Ce désir perpétuel d’écrire, j’appelle ça la maladie des écrivains. Vous pouvez avoir la meilleure des intrigues de roman, si vous n’avez pas envie de l’écrire, vous n’en ferez rien. »
Alors qu’il « quitte » les Etats-Unis pour inscrire son histoire dans sa Suisse natale, Joël Dicker ne se détache pas pour autant de sa manière de faire : une intrigue sur plusieurs temporalités, des rebondissements en cascade, une réflexion sur le processus d’écriture (plutôt d’édition, pour le coup),… Bref, on est dans du connu et ça manque clairement de surprise. Le tout donne un ensemble qui se lit d’une traite mais qui ne laisse pas un souvenir impérissable…