La Critique
L’écossaise Lynne Ramsay est ce que l’on peut appeler une réalisatrice de festivals. En effet, dès ses premiers court-métrages, à la fin des années 90, elle a été sélectionnée et récompensée dans différents rassemblements. Ca a continué avec ses longs métrages puisque, dès le deuxième, elle a été sélectionnée à Cannes, d’abord à la Quinzaine des Réalisateurs avec Le voyage de Morvern Callar puis en compétition officielle avec We need to talk about Kevin. Entre ces deux films, presque dix ans ont passé. Il en aura fallu six de plus (et une participation au Jury du Festival de Cannes en 2013) pour voir sa nouvelle œuvre, à savoir l’adaptation d’un recueil de nouvelles. Même si j’avais entendu beaucoup de bien de cette réalisatrice, je n’avais jamais eu la chance de visionner l’un de ses longs-métrages. La conjonction de deux prix remportés au dernier Festival de Cannes (ce qui est excessivement rare et qui, pour le coup, mérite d’être discuté ici) et, surtout, la présence dans le rôle principal de celui qui est mon acteur préféré –l’incroyable Joaquin Phoenix, m’a presque forcé à aller voir ce long métrage. La première chose étonnante avec A beautiful day, c’est qu’il s’est fait connaître sous un autre titre pendant le Festival de Cannes (You were never really here, titre du recueil de nouvelles) avant de subir une modification lors de sa sortie. Personnellement, j’ai du mal à comprendre qu’on redonne un titre en anglais pour en remplacer un qui l’est déjà. Ca n’a même aucun sens. Ce n’est pas très grave mais les pratiques des distributeurs me laissent parfois relativement pantois… J’ai mis beaucoup de temps à trouver le temps pour écrire la critique (et je m’en excuse) donc je n’ai pas forcément encore tous les éléments vraiment en tête, même si, pour le coup, la trame est d’une simplicité enfantine. La critique sera donc relativement courte…
D’autant que, finalement, je ne trouve pas grand-chose à dire d’un film qui, s’il est loin d’être inintéressant, a été loin de me transporter. Pendant près d’une heure et demie, on suit à la trace Joe. On comprend dès le début qu’il est tueur à gages et qu’il revient d’une mission assez traumatisante. Au fil du film, on découvre également ses fêlures liées à l’enfance puis à son expérience dans l’armée. Clairement, Joe manque d’équilibre et il en trouve un semblant quand il se voit confier la mission de ramener une jeune fille, aux mains d’une organisation pédophile. Peu à peu, on va plonger avec lui dans une violence de moins en moins contenue. Ce qui est intéressant, c’est la manière qu’a Lynne Ramsay, de montrer cette violence : jamais frontalement mais presque toujours en hors champ ou par l’intermédiaire d’artifices. Ainsi, lorsque Joe part à la recherche de la jeune fille dans un bâtiment ultrasécurisé, le spectateur ne verra la séquence qu’à travers le défilement des différentes caméras de surveillance. C’est plutôt bien foutu et, globalement, on peut dire que la réalisatrice maitrise son sujet en termes de mise en scène. La structure globale est hyper simple (d’ailleurs, je me demande comment on a pu donner à ce film le Prix du Scénario à Cannes…) mais le long métrage est plus profond qu’il n’y paraît. Paradoxalement, cette simplicité ouvre tellement de portes qui ne sont jamais explorées complètement que A beautiful day en devient un objet difficile à saisir. C’est autant un film policier ou un thriller qu’une sorte d’étude de cas sur quelqu’un multi traumatisé. Cela donne une réalité troublée que le montage rend parfaitement (on ne sait jamais vraiment si on est dans le réel ou dans un monde plus onirique). En fait, A beautiful day est un film de sensation, et, en ce sens, il m’a fait penser à Drive. Mais, si c’est assez fort techniquement, il manque de fond pour réellement convaincre. Par contre, Joaquin Phoenix, christique à souhait, est absolument bluffant. Il « bouffe » littéralement la caméra et prouve une nouvelle fois (s’il en était encore besoin) qu’il est capable d’une intensité de jeu tout simplement épatante.