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PETIT PAYSAN

Pierre a la trentaine et s’occupe des vaches laitières de l’exploitation familiale. Il a du mal à faire autre chose de sa vie, tant son travail l’occupe. Un jour, il découvre qu’une de ses vaches présente les symptômes d’une épidémie qui se développe dans le pays. Il ne peut se résoudre à voir toutes ses bêtes tuées…
Verdict:

Avec un regard à la fois plein de sincérité et singulier sur le monde agricole français, Hubert Charuel livre un film à l’ambiance oscillant entre naturalisme et thriller. Tout n’est pas parfait, mais on peut saluer l’ambition du jeune réalisateur et la performance parfaite de Swann Arlaud et Sara Giraudeau. Si j’osais, je dirais que Petit paysan est « vachement » bien…

Coup de coeur:

Swann Arlaud

La date de sortie du film:

30.08.2017

Ce film est réalisé par

Hubert CHARUEL

Ce film est tagué dans:

Drame

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 La Critique


Voilà donc un nouvel arrivant dans le paysage du cinéma français. Il s’agit d’Hubert Charuel, un peu plus de trente ans, qui, comme pas mal de réalisateurs et réalisatrices de la nouvelle génération, sort de la FEMIS, célèbre école des métiers de l’image et du son. Jusque-là, rien de bien surprenant. Par contre, si on se penche un peu plus sur le passé du bonhomme, on se rend compte qu’il vient de la Haute-Marne, qu’il est fils d’agriculteurs et qu’il a même un peu travaillé dans la ferme familiale. Là, on s’éloigne un peu de l’image que l’on se fait habituellement de l’étudiant de la FEMIS. Et ce n’est donc pas un hasard si le premier long métrage qu’il réalise s’intitule Petit paysan et se déroule dans le milieu agricole. Plus que ça, il a même été tourné dans la ferme de ses parents (qui jouent eux-mêmes dans le long métrage). Ce Petit paysan a été précédé d’une belle réputation depuis sa présentation en séance spéciale lors de la Semaine de la Critique au dernier Festival de Cannes. Il y avait suscité un enthousiasme certain qui n’est pas retombé au cours de l’été puisqu’il a été primé dans plusieurs festivals dont celui d’Angoulême où il est reparti avec le titre de meilleur film et de meilleur acteur pour Swann Arlaud. Il aura fallu que j’attende un mois après sa sortie pour qu’il arrive sur les écrans nord-isérois et à voir le monde dans la salle de mon cinéma de petite ville rurale, l’attente était visiblement partagée. Est-ce le sujet qui a attiré autant de spectateurs ? Sans doute. Et, c’est peu de dire que je n’ai pas été déçu. Petit paysan est même pour moi l’une des vraies surprises de l’année et un film qui mérite bien plus qu’un simple coup d’œil.

 

Quand on sait les circonstances du tournage, on peut être à peu près sûr d’une sincérité puisqu’il a mis en images une part de lui-même. Mais, de façon assez nette, le film ne se veut nullement autobiographique ou même vraiment réaliste, bien que s’inscrivant complètement dans des problématiques actuelles. Et, Hubert Charuel parvient tout à fait à éviter le syndrome du film hommage qui tourne un peu en rond. S’il inscrit au départ son personnage principal dans la réalité de son activité, c’est pour mieux, par la suite, partir dans des directions bien moins attendues, nous y reviendrons. D’ailleurs, dès la scène d’ouverture – onirique et magnifique rêve où les vaches sont partout dans la maison –, on comprend que ce Petit paysan ne sera pas qu’une plongée dans un monde agricole d’aujourd’hui, qui fait l’objet de beaucoup de reportages dans les journaux télévisés mais qui est surtout vu à travers le prisme d’une certaine émission diffusée par M6. Au cinéma, la figure du paysan est loin d’être la plus répandue. En quelques séquences, le réalisateur parvient tout de même à placer son personnage principal (Swann Arlaud, parfait) dans les réalités actuelles de son métier, à savoir une vie réglée par les bêtes, des contraintes administratives toujours plus présentes et une vie personnelle mise entre parenthèse. Dans cette première partie, la mise en scène se veut très naturaliste, au plus près de cette exploitation. Il y a aussi un humour de situation très présent, notamment du fait de cette mère envahissante ou de cette livreuse de pain qui se verrait bien faire sa vie avec Pierre. Ce qui ressemble à une chronique paysanne est à la fois drôle et tendre. Et puis, peu à peu, de façon presque imperceptible, on dévie vers quelque chose de bien plus sombre et presque fantastique. Dès le début du film, on sait qu’il y a un danger. Celui-ci vient de loin puisque c’est une maladie née aux Pays-Bas et on en apprend les conséquences grâce à internet.

 

Débute alors ce qui s’apparente à un autre long métrage qui va prendre de plus en plus de place. On navigue entre le film de genre, le thriller, et même un peu le fantastique, tant la frontière est parfois compliquée à établir entre ce qui tient de la réalité et ce qui est de l’ordre du fantasmé. C’est presque comme si on se trouvait finalement dans la tête de cet agriculteur qui va chercher toutes les solutions pour essayer de s’en sortir et de sauver ses animaux, même si l’engrenage dans lequel il est pris ne peut avoir de fin heureuse (il suffit de voir les mensonges qu’il est obligé de raconter pour s’en tirer). C’est là que le cinéaste parvient à trouver un ton vraiment singulier et une façon de le mettre en scène. Petit paysan devient une sorte de polar où l’émotion ne manque pas (magnifiques séquences avec les vaches) et qui brille par une faculté assez impressionnante à mélanger habilement tous ces genres. Certaines séquences sont même assez impressionnantes de maîtrise des codes du film noir. Et puis il y a ce personnage de la sœur que je trouve vraiment intéressant, tiraillée qu’elle est entre sa vision scientifique et professionnelle d’un côté et l’empathie pour son frère de l’autre. Sara Giraudeau est excellente mais son personnage n’est peut-être pas assez creusé à mon goût. D’ailleurs, au rayon des défauts, on pourra regretter des personnages secondaires parfois un peu caricaturaux (la mère trop protectrice, le voisin fier de son exploitation robotisée,…) et des passages un peu moins convaincants (notamment le passage en Belgique, pas forcément nécessaire) qui empêchent Petit Paysan d’être un très grand film. Mais on peut espérer que l’on parlera dans quelques années de ce film comme de l’acte de naissance d’un grand cinéaste. C’est tout ce que je souhaite à Hubert Charuel qui, s’il continue à poser une patte vraiment personnelle sur ses œuvres, pourrait continuer une belle carrière. Ce qui est certain, c’est que je serai particulièrement attentif à celle-ci.




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