La Critique
De ce réalisateur, je gardais un très mauvais souvenir puisque c’est lui qui était derrière Les saveurs du Palais, long métrage assez catastrophique, sorte de téléfilm (et encore…) passé on ne sait trop pourquoi sur grand écran, heureusement sauvé par une Catherine Frot comme souvent épatante. Forcément, quand on va au cinéma voir le film suivant qu’il a sorti, on est un peu plus réticent… Encore une fois, il s’appuie au niveau de la distribution sur un comédien solide, à même de rapporter sur son seul nom un certain nombre de spectateurs, à savoir l’impayable Fabrice Lucchini, toujours très bon dans des rôles qui se ressemblent toujours un peu. Qu’est-ce qu’on aimerait le voir pour une fois à contre-emploi total, comme par exemple en flic torturé dans un polar bien poisseux ou encore en père de famille débordé dans une comédie romantique (notez que je propose cela totalement au pif…). L’originalité de ce film se trouve sans doute dans la présence comme actrice principale de Sidse Babett Knudsen, comédienne danoise surtout connue pour son rôle dans la série Borgen (que je n’ai d’ailleurs jamais vue, honte à moi…). Ayant passé six ans en France, cette dernière maitrise bien la langue mais c’est la première fois qu’elle tourne dans un long métrage francophone. Franchement, un tel duo, dirigé par ce réalisateur, ça avait de quoi fortement intriguer. Dans les faits, ça donne un long métrage finalement assez compliqué à définir dans ce qu’il est (un drame social ou amoureux ?) et dans la sensation qu’il m’a procuré. C’est en fait de ce genre de films pour lesquels je n’ai pas grand-chose à reprocher mais, en même temps, je n’arrive pas non plus à en ressortir énormément d’éléments positifs… Je vais m’y essayer tout de même mais ça ne va pas être facile.
Ce film se caractérise en fait surtout par la complexité qu’il existe pour le catégoriser, ce qui est à la fois un bon point mais qui participe aussi au fait qu’il soit par moments un peu bancal. En effet, très tôt, on comprend que l’on sera véritablement au cœur d’un procès pour infanticide. Et, franchement, toute cette partie est plutôt bien traitée : claire sans être trop didactique, pas trop misérabiliste même si le sujet et les protagonistes y pousseraient largement. La façon de montrer le tribunal comme un théâtre – si le Président du Jury s’appelle Racine, ça ne peut pas être un hasard – n’est pas inintéressante, à la fois « sur scène » et dans les « coulisses » car ce qui se passe en dehors de la salle est aussi important que ce qui est public. Cela fait en tout cas bien prendre conscience au spectateur de ce qui peut se jouer dans ce genre de procès. C’est suffisamment rare au cinéma pour que ce soit souligné ici. On peut juste reprocher le côté un peu trop caricatural des témoins qui, pour le coup, nous font perdre un peu le fil de ce qui est dans l’ensemble bien cadré et maitrisé. Lorsque l’on comprend que ce premier aspect sera doublé d’une forme de romance, les choses se compliquent… Bien sûr, les deux se rejoignent puisque l’histoire d’amour influence de façon assez claire le procès mais, sortie du tribunal, cette relation entre le Président du jury et l’une des jurés, ne parvient jamais à complètement s’insérer dans le cœur du récit, donnant à l’ensemble du long métrage ce côté bancal qui dérange par moments. C’est surtout le cas car cette histoire d’amour n’est sans doute pas assez bien gérée au niveau du scénario. Alors qu’elle aurait pu rester en toile de fond, elle finit par prendre une place de plus en plus prépondérante au fur et à mesure que le film avance.
Et, bien que le tout soit traité avec une certaine pudeur, ce qui n’est pas plus mal, il me semble que cette romance qui ne dit jamais véritablement son nom rate un peu son coup. Là où le non-dit est la règle pendant une bonne moitié du film, c’est l’arrivée dans le récit de la fille de Ditte qui va provoquer un basculement assez important. En effet, elle fait voler tout cela en éclat et apparaît bien trop comme celle qui décrypte explicitement ce que l’on avait pu comprendre sans que ce soit exprimé. Ainsi, plus qu’un personnage à part entière, elle ressemble à une sorte d’artifice scénaristique, bien trop visible. Même si elle apporte une certaine fraicheur (et assure le quota de sourires pour le spectateur après le passage assez incroyable d’une Corinne Masiero dans son élément), c’est la partie du long métrage que j’ai le moins apprécié car elle rompt un charme qui s’était construit plutôt intelligemment jusque-là… Pourtant, jusque-là, la relation entre Racine et Ditte s’était installée avec pas mal de maitrise, profitant à la fois d’une part de mystère inhérent à une actrice « nouvelle » (dans un rôle qui aurait convenu parfaitement à une Karine Viard par exemple, peut-être pas avec la même réussite) et à un Luchini égal à lui-même, c'est-à-dire très bon. Il en fait peut-être un peu moins que d’habitude en jouant plus sur l’intériorité mais à la moindre « étincelle » (notamment « sur scène », en tant que Président du jury), le naturel revient au galop et il s’en donne à cœur joie. C’est vraiment dommage que L’Hermine ne parvienne pas à tenir ses promesses jusqu’au bout. Il aurait ainsi pu ressembler à Dans ses yeux, film auquel il m’a fait penser par moments, dans sa façon de dépeindre en arrière-plan une relation amoureuse qui ne dit jamais son nom. Malheureusement, le degré de maitrise n’est pas le même et le résultat final s’en ressent…