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TimFaitSonCinema
Une équipe d’humanitaires est partie dans un pays en guerre, en Afrique, officiellement pour ouvrir un centre destiné aux enfants orphelins. En fait, cette mission est financée par des familles françaises prêtes à tout pour adopter des enfants. Sur place, il va falloir donner le change pour récupérer des enfants à rapatrier…
Verdict:

Tout en retenue sur un sujet où ça aurait pu assez vite « déraper », Joachim Lafosse parvient à dresser un portrait relativement neutre car très ambigu de personnes dont les motivations profondes sont assez compliquées à cerner. Il est en plus servi par une interprétation de qualité, avec, notamment un vincent Lindon toujours très juste. 

Coup de coeur:

Vincent Lindon

La date de sortie du film:

20.01.2016

Ce film est réalisé par

Joachim LAFOSSE

Ce film est tagué dans:

Drame

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 La Critique


Il y a trois ans, le réalisateur belge Joachim Lafosse s’était déjà attaqué à un faits-divers pour son précédent long-métrage, A perdre la raison. En s’inspirant librement de l’affaire Geneviève Lhermitte, mère infanticide, le metteur en scène réalisait une sorte d’étude clinique sur ce qui avait pu mener à un tel drame et c’était vraiment réussi car très maitrisé. Cette fois-ci, c’est encore à partir d’une histoire vraie qu’il construit son scénario et ce faits-divers est encore sans doute plus médiatique. En effet, l’affaire de l’Arche de Zoé avait fait les grands titres de l’actualité il y a une petite dizaine d’années : des membres d’une organisation à but humanitaire étaient arrêtés au Tchad, juste avant d’embarquer plus de cent enfants vers la France, où des familles les attendaient. Forcément, ça avait été un choc et les procès (en Tchad puis en France) avaient énormément fait parler à l’époque. Il faut bien dire que l’histoire globale était assez dingue et ce n’est pas si étonnant que cela qu’un réalisateur se soit emparé de cette question pour en faire un film. Et le fait que ce soit Lafosse me rassurait plutôt car c’est typiquement le genre de sujets sur lequel on peut faire à peu près n’importe quoi si on n’est pas extrêmement rigoureux et, d’une certaine manière « honnête ». C’est un thème suffisamment polémique pour s’en donner à cœur joie en décrivant à la manière que l’on veut ces hommes et ces femmes. En même temps, je trouve que les derniers longs métrages tirés de faits divers encore dans les mémoires (j’ai en tête comme ça Présumé coupable ou encore Omar m’a tuer) avaient du mal à sortir d’une vision très illustrative et sans enjeux du propos. Le réalisateur belge parvient-il à trouver ici un point d’équilibre pour faire de ces Chevaliers blancs plus que la simple mise en image d’un fait divers aussi tragique que pathétique ?

 

Car c’est finalement peut-être cela que montre le mieux ce film. En effet, on suit au plus près ce qui apparaît être au départ comme une O.N.G. des plus sérieuses : arrivés en Afrique par avion militaire, ils sont escortés par l’armée jusqu’à une sorte de camp retranché où ils vont pouvoir s’établir. Leur but : mettre en place un orphelinat pour les jeunes enfants dont les parents ont été victimes de la guerre qui fait rage. Jusque-là, il n’y a pas vraiment de souci. Néanmoins, assez vite, on comprend que les motivations profondes de ces hommes et femmes n’ont pas complètement été affichées : les enfants ne resteront pas sur place mais seront ramenés en France. Et c’est là que les ennuis commencent véritablement car, en fait, l’expédition que l’on croit si bien préparé, est en fait bourrée d’approximations : on ne trouve pas vraiment d’enfants, quand on en trouve, il s’avère que ce ne sont pas des orphelins, les difficultés matérielles sont toujours plus importantes et le huis-clos au cœur de ce camp se fait de plus en plus étouffant. Là, c’est le personnage de celui qui est censé les aider sur place (Reda Kateb, nickel) qui est vraiment intéressant : on ne sait jamais trop quel est son réel intérêt dans cette histoire : financier, évidemment, mais y’a-t-il plus ? On ne le saura jamais véritablement. Peu à peu, l’unité du groupe se fissure, notamment parce que tout le monde n’est pas d’accord sur la marche à suivre, et même, au final, sur l’objectif à atteindre. De vraies dissensions apparaissent et c’est dans ces disputes que se dégagent le plus les véritables enjeux : quelle position adopter par rapport à ce mensonge initial ? Que faire une fois qu’on est sur place ? Ce sont d’ailleurs autant de problématiques souvent soulevées par rapport à l’humanitaire : sert-il vraiment les populations locales ou plutôt la bonne conscience de ceux qui viennent en faire ?

 

Là, on est vraiment dans toute cette ambiguïté et c’est pour cela que ces Chevaliers Blancs sont intéressants et pas seulement illustratifs. D’ailleurs, la plupart des personnages est toujours à la limite. Ni blancs, ni noirs (sans mauvais jeux de mots), ils naviguent sur une ligne assez ténue, celle que leur propre morale fixe. Et le spectateur doit se faire sa propre idée par rapport à ça car Joachim Lafosse fait clairement le choix de ne pas prendre parti (on pourrait presque lui reprocher). D’ailleurs, en ce sens, le personnage principal (impeccable Vincent Lindon) m’a fait penser à celui du film A l’origine. Enferré dans ses propres contradictions et même ses mensonges, il perd peu à peu le sens des réalités. Quand on le voit négocier avec les chefs de village, ou qu’il prend au téléphone des familles françaises inquiètes, il semble de plus en plus perdu, hésitant toujours entre ce que la raison devrait lui dire de faire (tout arrêter) et ce que son cœur lui intime (poursuivre cette mission de plus en plus casse-gueule). Même dans la relation qu’ils ont entre eux, les personnages sont toujours dans une forme d’ambivalence. C’est notamment le cas du couple (que Lindon forme avec une Louise Bourgoin vraiment convaincante) qui dirige cette opération et qui peine à être vraiment sur la même longueur d’ondes sur la marche à suivre. Tout cela est presque résumé dans le personnage de la journaliste qui les accompagne. Au départ, elle apporte un certain regard critique et extérieur sur ce qui ressemble de plus en plus à une expédition de pieds nickelés mais on comprend aussi qu’elle a du mal à rester indifférente et objective devant ce qu’elle voit et ce qu’elle ressent et elle va ainsi « basculer », montrant bien la difficulté à rester neutre devant cette situation. Il en est de même pour le spectateur devant un long métrage qui parvient à éviter les écueils du simple récit de fait divers pour vraiment faire réfléchir. Et, en ce sens, on peut déjà parler d’une réussite. 




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