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TimFaitSonCinema
Au milieu du dix-neuvième siècle, Solomon Northup est un homme libre qui vit notamment de son talent pour le violon. Mais trahi par de faux artistes, il est vendu comme esclave. Commencent alors douze années d’un véritable calvaire…
Verdict:
Plus classique et moins radical que les films précédents de McQueen, 12 years a slave n’en reste pas moins un film d’une très grande puissance et qui prend même physiquement aux tripes tout en étant une réflexion magistrale sur l’esclavage.
Coup de coeur:

Certaines séquences vraiment immenses

La date de sortie du film:

22.01.2014

Ce film est réalisé par

Steeve McQUEEN

Ce film est tagué dans:

Drame historique Oscar du Meilleur film

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 La Critique


S’il y a un film que j’attendais en ce début d’année, c’était bien la nouvelle réalisation de Steve McQueen. Après avoir été découvert en 2008 par le puissant et radical Hunger, ce réalisateur anglais (un ancien plasticien) avait frappé encore plus fort trois ans plus tard avec Shame, film dérangeant et d’une beauté plastique hallucinante. Autant dire que sa troisième réalisation était précédée d’espoir mais aussi de craintes (on a toujours « peur » de trop se faire d’idées sur un film et d’être finalement déçu). 12 years a slave s’inscrit en tout cas dans la suite d’une année 2013 qui aura été particulièrement portée sur la question des droits des noirs aux Etats-Unis et cela à différentes époques. Il y a déjà eu le Django Unchained de Tarantino sur la condition d’esclave, puis Le Majordome sur la lutte pour les droits des afro-américains dans la deuxième moitié du Vingtième Siècle puis, dernièrement, Fruitvale Station qui, lui, interroge plus la place des noirs aujourd’hui dans la société américaine. Ces deux derniers exemples, bien trop démonstratifs, ne parvenaient pas vraiment à faire passer un message de manière efficace. Steve McQueen, auteur engagé (Hunger en est une parfaite démonstration) avait, lui, envie de faire un vrai film sur l’esclavage et il a vu dans le livre de Solomon Northup, autobiographie écrite au cours des années qui ont suivi cette histoire tragique, une occasion de montrer réellement ce qu’a représenté aux Etats-Unis cet état de fait. Pour monter son projet, il s’est associé à Brad Pitt qui, à travers sa propre maison de production (Plan B Entertainment), s’inscrit de plus en plus comme un producteur de talent. Car 12 years a slave a, depuis sa sortie aux Etats-Unis, conquis la critique mais aussi les différentes cérémonies de remises de prix (Meilleur film dramatique aux Golden Globes notamment). C’est même le très grand favori des Oscars qui approchent avec pas moins de neuf nominations. Et pour dire les choses rapidement, ce statut n’est pas usurpé…

Alors que Hunger était un film qui, dans sa forme, était extrêmement radical, Shame montrait déjà une certaine évolution du réalisateur qui allait vers quelque chose d’un peu plus formaté. Cette mutation se poursuit encore avec 12 years a slave qui, pour le coup, est classique aussi bien dans sa narration que dans sa forme globale. En étant bien plus dans les normes hollywoodiennes, on peut se demander si Steve McQueen ne risquait pas de perdre beaucoup de la force de son cinéma. Et, honnêtement, pendant la première moitié du film, c’est vraiment le sentiment que j’ai eu. Je trouvais que c’était bien sûr parfaitement maitrisé mais que ça manquait d’originalité et de personnalité pour en faire un vrai grand film. Et puis, peu à peu, on se laisse emporter par cette histoire et le long métrage prend de plus en plus d’ampleur pour finir par balayer tous les doutes. Oui, c’est bien un film de très grande qualité, d’abord parce qu’il raconte une histoire extraordinaire et qu’il donne vraiment à voir ce que pouvait être l’esclavage, sans faux-semblants, mais aussi parce que la mise en scène de Steve McQueen, bien que moins originale, n’en reste pas moins d’une remarquable qualité. Ce metteur en scène a vraiment un don pour le cadre, le rythme mais aussi pour offrir de très belles images. La partition magnifique de Hans Zimmer (qui ressemble beaucoup à celle de La Ligne Rouge) accompagne en plus très bien l’ensemble. Mais, surtout, le réalisateur est très fort pour saisir des séquences entières qui sont à elles seules des morceaux de bravoure cinématographique et d’intensité dramatique. Devant celles-ci, en tant que spectateur, on ne peut pas rester indifférent et c’est bien l’un des buts recherchés par le réalisateur. Ici, ces séquences clés sont nombreuses et correspondent à autant de moments forts dans la vie de Solomon, de son rapt à sa libération, en passant par sa vente où son rapport aux autres esclaves. La plupart du temps, ces scènes les plus fortes sont marquées par la violence.

C’est l’un des aspects très important de ce film et il a pas mal fait débat, notamment aux Etats-Unis. Oui, c’est vrai que c’est particulièrement dur à certains moments et que certaines scènes sont très difficilement soutenables. Mais c’est aussi en lien direct avec le sujet qui, pour le coup, est dur. Steve McQueen a clairement décidé de montrer ce qu’implique l’esclavage, et notamment l’extrême brutalité avec laquelle ces hommes pouvaient être traités. Peut-être, à certains moments, on peut estimer qu’il va trop loin et qu’il fait preuve, d’une certaine manière, d’une forme de complaisance mais sa volonté de réalisme ne peut faire l’économie de ces séquences parfois choquantes. Mais là où le film est extrêmement intéressant, c’est dans la manière dont il montre très bien le processus d’asservissement et la résignation qui, peu à peu, gagne ces hommes, au point qu’ils n’ont presque plus aucun espoir, mais aussi plus vraiment d’attention au sort de leurs congénères (scène absolument terrible où il est pendu et où tout le monde vaque à ses occupations juste à côté de lui). Au départ, Solomon est un homme libre (qui regarde les esclaves noirs avec indifférence) et c’est une mauvaise rencontre qui va le faire basculer. A partir de là, sa vie va radicalement changer et la vision qu’il a du monde également. C’est un point de départ assez différent de ce qu’on peut avoir l’habitude de voir et c’est en ce sens plutôt intéressant. Quelques séquences permettent de faire comprendre comment il va être littéralement brisé, physiquement, mais surtout psychologiquement (on change son nom notamment) et comment les questions qu’il se pose au départ vont peu à peu ne plus avoir véritablement de sens. C’est notamment le cas de celle autour des notions de vie et de survie, qui est absolument essentielle pour tous les esclaves et qui guide Solomon. La réponse qu’il y trouve change au fur et à mesure de son existence et ce qu’il va mettre en place pour avoir la meilleure vie possible évolue aussi.

Par rapport à la réflexion sur l’esclavage, on peut juste regretter un côté parfois un peu trop démonstratif dans les dialogues qui n’apportent pas grand-chose à ce qui est déjà très bien montré par l’image. C’est notamment le cas dans ces dialogues entre Epps, le symbole même de la violence des blancs et Bass, un ouvrier qui a des idées progressistes. Le scénario n’avait, à mon sens, pas besoin de rajouter la plupart de ces paroles, un peu trop formatées, même si certains dialogues renforcent le côté totalement inhumain et injuste de cette situation. La mise en scène de McQueen est suffisamment efficace pour faire passer beaucoup de messages. Cela vient aussi de la performance globale des acteurs, même si je n’ai pas estomaqué par le jeu de Chiwetel Ejiofor, l’acteur principal. Celui-ci, après de très nombreuses apparitions, trouve enfin un vrai premier rôle et s’il tient bien sa place, je ne l’ai pas trouvé exceptionnel. Par contre, ce sont plus les performances des personnages secondaires qui m’ont épaté entre un Michael Fassbender incroyable en maître alcoolique et cruel, une Sarah Paulson qui joue sa femme, jalouse et d’une dureté sans faille ou, enfin, Lupita Nyong’o dont c’est la première apparition au cinéma et qui est épatante en souffre-douleur préféré du maitre. Toute la distribution (avec des acteurs comme Dano, Giamatti ou Cumberbatch) tient largement la route et donne au film dans son ensemble un côté excessivement réaliste mais aussi très touchant. 12 years a slave fait partie de ces longs métrages dont on ne ressort pas comme on y est rentré. La montée en puissance est telle que l’émotion finit par nous submerger, alors qu’on se dit qu’on ne pas pouvoir être touché devant tant de classicisme. C’est même un film qui prend physiquement aux tripes et dont on ressort un peu hébété devant ce qu’on a pu voir. Tout cela concourt au fait que c’est un vrai film à Oscars, dans le bon sens du terme, puisqu’il réunit tous les ingrédients qui plaisent à l’Académie. Mais, surtout, c’est un film très réussi sur un sujet historiquement complexe. Encore merci, Monsieur McQueen !



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