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VIOLETTE

Vingt ans de la vie de Violette Leduc, écrivain français de l’après-(deuxième) guerre, soutenue par Simone de Beauvoir et qui aura du mal à connaître le succès. C’est notamment la relation entre les deux femmes qui est analysée ici.
Verdict:
Un peu lent dans l’ensemble et pas toujours bien construit, ce Violette n’en reste pas moins un film qui a son charme propre et qui n’est pas inutile. Il est porté par une Emmanuelle Devos inégale et une Sandrine Kiberlain vraiment bluffante.
Coup de coeur:

Sandrine Kiberlain

La date de sortie du film:

06.11.2013

Ce film est réalisé par

Martin PROVOST

Ce film est tagué dans:

Drame

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 La Critique


Cinq ans après Séraphine, voilà que Martin Provost remet en scène un film qui a pour titre un prénom féminin et qui s’intéresse à une artiste un peu oubliée ou, en tout cas, qui ne fait pas partie de la grande histoire de l’art en France. Séraphine (que je n’ai toujours pas vu) a été le succès surprise de la fin d’année 2008, avec presque un million d’entrées mais, surtout, il avait presque tout raflé aux César (César des meilleurs film, actrice, scénario original, costumes, photographie, musique, décor), à la surprise générale et devant de solides concurrents, dont une Palme d’or (Entre les murs). Entre temps, Provost a réalisé Où va la nuit où il remet en scène Yolande Moreau dans le rôle principal d’une femme qui assassine son mari. Ce réalisateur semble donc vraiment intéressé par les personnages féminins et ce n’est pas une mauvaise chose car, au cinéma notamment, les grands rôles de femme sont encore trop peu présents. Cette fois-ci, c’est Emmanuelle Devos qui prend le relais et qui incarne une écrivain que, personnellement, je ne connaissais pas (j’avoue humblement que la littérature française de la seconde moitié du vingtième siècle, ce n’est pas vraiment ma tasse de thé !). Elle a pourtant eu un destin pas inintéressant puisque, avant de connaître le succès sur le tard, elle a surtout eu beaucoup de mal à trouver sa place malgré des amitiés très célèbres (de Beauvoir, Genet) et des encouragements de ceux-ci. En un sens, Violette m’a fait penser à Inside Llewyn Davis, où, un peu de la même manière, on suit un artiste visiblement doué mais qui a du mal à le faire comprendre et à véritablement percer. La comparaison s’arrêtera là car les deux longs métrages n’ont pas grand-chose en commun à part cela… Et si l’un était plutôt réjouissant, celui-là, pas dénué de qualité, l’est globalement beaucoup moins…

Violette a ceci de déstabilisant qu’il ne s’intéresse qu’à une partie de la vie de Violette Leduc et pas forcément celle qui est la plus réjouissante pour cette femme. En effet, entre la fin de la guerre où elle vit du marché noir et le début du succès au milieu des années 60, Elle va connaître bien plus de déceptions que de bonheurs, que ce soit « professionnellement » ou dans sa vie personnelles, même si les deux apparaissent intimement liés. C’est notamment sa relation avec Simone de Beauvoir qui est au centre de tout puisque cette dernière en a fait sa protégée alors que Violette Leduc la voit plus comme un modèle et une amante parfaite. De déceptions en désillusion, Violette va peu à peu sombrer dans une forme de paranoïa et de folie que l’écriture lui permettra de combattre à sa façon, comme une véritable thérapie. Si on suit donc environ vingt ans de la vie du personnage principal, il n’y a aucun marqueur temporel très net et, souvent, on ne sait pas bien où on en est. On comprend juste au début que c’est la fin de la guerre mais, à partir de là, rien n’est plus évident. Il y a bien des chapitres qui rythment Violette (sept au total) mais ils sont bien plus centrés sur des personnages (ou des lieux) que sur une perception de la temporalité. Cette construction apparaît d’ailleurs comme un peu artificielle et pas forcément très utile au déroulé général. Il semble surtout manquer d’un vrai fil directeur solide à l’ensemble du film qui tourne parfois à la succession de séquences sans trop de cohérence. On pourrait penser ici que les textes de Violette Leduc elle-même, souvent présents en voix-off, pourraient être ce lien. Mais ils apparaissent plus comme une façon de remplir et d’accompagner certaines images que comme un vrai fil tiré et permettant de faire vraiment sens.

De plus, il faut dire que le scénario ne s’intéresse pas du tout aux bouleversements sociétaux, si ce n’est sur la question de la place de la femme (un peu à travers les écrits de Simone de Beauvoir) alors que ceux-ci sont nombreux à cette époque. Non, Violette se centre plutôt sur cette femme et son destin qui a finalement peu à voir avec ce qui peut se passer autour d’elle dans le monde. En ce sens, ce n’est pas ce qu’on peut appeler un vrai biopic mais plutôt un véritable drame, celui d’une femme luttant pour trouver une place dans une société pas du tout tendre avec le sexe féminin en général. Bien sûr, Violette peut apparaître comme vraiment longuet à certains moments. Personnellement, j’ai trouvé que des scènes auraient mérité une coupe (totale ou partielle). Je suis même persuadé qu’avec une petite demi-heure en moins, le film aurait gagné en efficacité et en force. Mais, en même temps, c’est aussi un cinéma qui sait prendre son temps, qui laisse vivre les séquences et qui n’est aucunement dans la précipitation. Et c’est aussi agréable, et presque réconfortant, de voir des cinéastes qui décident volontairement d’étirer les scènes et de ne pas vouloir absolument faire dans l’efficacité pure. Surtout que, techniquement, Violette est pas loin d’être irréprochable et propose une succession de séquences plutôt joliment composées. Certains passages, notamment ceux dans la nature, sont même magnifiques. Seule la musique (du Arvo Pärt, pas mon compositeur favori) est trop présente et pas forcément bien utilisée. Cette Violette Leduc est interprétée par une Emmanuelle Devos dont la performance m’a intrigué. En effet, elle est globalement juste et même assez formidable dans des séquences plus « banales » mais, dès que son personnage se lâche un peu (dans la colère ou la tristesse), ça coince car on a le sentiment qu’elle en fait beaucoup trop et que ça sonne faux. Bien sûr, Violette Leduc a un côté un peu névrosé mais c’est vraiment montré avec trop d’insistance. Par contre, la performance de Sandrine Kiberlain est à noter et elle fait plus que se positionner dans la course au César du meilleur second rôle féminin. Droite, rigide et froide, elle campe une Simone de Beauvoir assez formidable.



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