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TimFaitSonCinema
Llewyn Davis est un chanteur de folk dans le New York du début des années 60. Mais son existence est loin d’être facile puisqu’i ne connaît pas vraiment le succès. Pendant quelques jours, on va le suivre dans ses pérégrinations qui vont l’emmener notamment à Chicago…
Verdict:

Un film dont se dégage une sorte de mélancolie et qui est un hommage à toute une époque et un style de musique. Grâce aussi à une interprétation très juste et une image magnifique, les frères Coen touchent juste.

Coup de coeur:

Oscar Isaac

La date de sortie du film:

06.11.2013

Ce film est réalisé par

Ethan COEN Joel COEN

Ce film est tagué dans:

Drame

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 La Critique


Depuis longtemps, j’ai plutôt une drôle de « relation » avec les Frères Coen. Pour résumer les choses, soit j’aime beaucoup leurs films, soit je les trouve particulièrement ennuyeux et même ratés. En gros, il n’y a pas vraiment de juste milieu. Et il s’avère en plus que la bascule s’opère à chaque fois entre chacun de leurs films que je vois (je ne les ai pas tous vu dans le bon ordre) et si j’ai adoré dernièrement No Country for Old Men ou True Grit, j’avais trouvé A serious man ou Burn after reading beaucoup plus oubliables. Bref, j’ai vraiment du mal à me faire une idée sur les deux loustics qui se sont définitivement faits une vraie place et ont trouvé leur singularité dans le paysage hollywoodien. C’est notamment le succès public et critique de No country for Old Men qui leur a offert une vraie légitimité mais aussi les coudées franches pour faire à peu près ce qu’ils veulent maintenant. Et ils ne se font pas prier. Inside Llewyn Davis avait été présenté en mai dernier à Cannes et avait vraiment séduit le jury qui lui avait quand même décerné ce que l’on peut considérer comme la médaille d’argent, le Grand Prix. Derrière La vie d’Adèle, c’est déjà pas mal du tout quand on sait l’impact qu’a eu le film de Kechiche. A l’heure de sa sortie presque six mois plus tard, la grande question est de savoir si le « cercle infernal des frères Coen » va pouvoir s’interrompre. Et bien je suis très heureux d’annoncer que c’est le cas puisque, pour la deuxième fois de suite, j’ai beaucoup apprécié un de leur long-métrage. J’ai du mal à l’élever au rang de chef d’œuvre comme True Grit qui m’avait vraiment marqué mais Inside Llewyn Davis n’en reste pas moins un film de grande qualité.

Ce long-métrage ne sort pas complètement de l’imagination des Coen puisqu’ils se sont fortement inspirés de la vie de Dave Van Ronk et des Mémoires de ce dernier pour écrire leur scénario. C’est en fait l’histoire d’une sorte de loser magnifique qui va vivre en quelques jours ce que l’on peut considérer comme un concentré de ce qu’est sa vie, une suite de déceptions, de coups du sort mais aussi de petits bonheurs par ci par là (enfin pas beaucoup quand même, pour le coup). Sur le principe, ce film m’a un peu fait penser à Crazy Heart qui racontait aussi une partie de l’existence d’un chanteur de country en fin de cycle et qui essayait de trouver un sens à sa vie. Dans les deux films, on assiste à une forme de road movie musical mais là où Inside Llewyn Davis est vraiment intéressant, c’est que, justement, ce road movie tourne en rond et que le personnage n’avance jamais vraiment et semble même reculer. Il revient toujours au même endroit (combien de fois le voit-on sonner chez les mêmes amis ?) et le fait que le début et la fin du film se répondent de cette manière n’est pas innocent, tout comme celui que ses « aventures » soient fortement liées avec celles d’un chat (ou de plusieurs, c’est selon), l’animal par excellence qui est connu pour revenir de lui-même à son domicile. C’est bien là le destin de ce Llewyn Davis, magnifiquement interprété par Oscar Isaac, qui se voit enfin offrir un vrai premier rôle après des apparitions déjà étonnantes dans de nombreux films de genres très différents. Il réussit une drôle de performance en tenant sur ses épaules le film avec un personnage de loser quand même un peu antipathique sur les bords. D’ailleurs, on se demande comment tous les personnages qu’il croise (seconds rôles très bien tenus) arrivent à le supporter.

Mais, sans doute sont-ils comme le spectateur. Car on arrive tout de même à s’attacher à ce Llewyn Davis tant il est traité avec une certaine mélancolie et il y a nécessairement une forme d’empathie devant tant de pathétique (parce que, chez lui, tout s’enchaîne de travers, même quand il veut quitter la musique et revenir à son métier de marin). Et puis, il y a les chansons qu’il interprète qui nous rapprochent de lui. Le film s’ouvre sur une interprétation magnifique d’un classique du folk américain et on ne peut qu’être happé par la voix de l’acteur lui-même qui lance parfaitement l’ensemble du long-métrage. La musique aura forcément une vraie importance pendant tout le film et elle est souvent très touchante et dit autant voire plus que toutes les paroles du monde. Certaines interprétations sont même de véritables instants de grâce et les frères Coen réussissent à vraiment saisir tout ce que ses chansons de folk ont à la fois de personnel (gros plans sur les interprètes) mais aussi d’universel. Même si Inside Llewyn Davis n’est pas un film joyeux en lui-même, les deux scénaristes réussissent à y glisser beaucoup d’humour, un humour souvent grinçant ou en décalage mais qui peut faire beaucoup rire. Il faut enfin noter le très beau travail sur l’image en général. Le rendu de cet hiver est absolument splendide avec une vraie importance donnée aux teintes grisées et aucune couleur vive. C’est le fruit d’un travail avec Bruno Delbonnel, un Français qui s’est fait connaître en travaillant comme directeur de la photographie pour Jean-Pierre Jeunet sur Le fabuleux destin d’Amélie Poulain puis Un long dimanche de fiançailles, deux films plutôt réussis de ce côté-là et qui ont permis à Delbonnel de se faire connaître à Hollywood et apporter son expertise à David Yates (Harry Potter et le Prince de sang-mêlé) ou encore Tim Burton (Dark Shadows). Il avait aussi déjà travaillé avec les frères Coen pour l’un des segments de Paris, je t’aime et récidive de belle manière.

L’ensemble donne un film qu’il est difficile de véritablement décrire, entre drame et drôlerie, situations cocasses et vrais questionnements abordés plus ou moins frontalement (sur le suicide, sur l’avortement). En tout cas, il y a quelque chose d’une forme de mélancolie qui semble s’en dégager, à la fois sur cette période et ce qu’elle impliquait mais aussi sur un style de vie un peu bohème. Aux personnes qui réussissent et que l’on voit souvent à l’honneur, les frères Coen préfèrent un antihéros parfait, qui, jusqu’au bout, ratera tout et verra même un jeune homme appelé à devenir une légende prendre sa place pour jouer dans un bar. Décidément… Et si l’ensemble traine un peu en longueur parfois (notamment dans la partie centrale du voyage à Chicago), il n’en reste pas moins que Inside Llewyn Davis est un film qui marque à sa façon et qu’il est difficile de ne pas apprécier. Quand il suffit d’une scène d’ouverture pour se faire emporter, c’est souvent que le résultat final sera de qualité… C’est vraiment le cas ici et on peut remercier les frères Coen pour cette jolie ballade folk. J’espère que leur prochain film sera au moins aussi bon que les deux derniers. Et, alors, on en aura définitivement terminé avec cette fichue malédiction…




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