Toggle navigation
TimFaitSonCinema
Alors qu’il a fini sa journée d’auditions pour sa nouvelle pièce, un metteur en scène voit débarquer une actrice un peu déjantée qui veut absolument être entendue. Entre eux va naître une relation assez étrange, entre théâtre, réalité et fantasme…
Verdict:
Un film par moments vraiment fascinant pour sa faculté à mettre en scène un texte qui peut être formidable. Mais ça tourne parfois un peu trop en rond. Les deux acteurs sont parfaits, avec une mention spéciale à Emmanuelle Seigner, formidable.
Coup de coeur:

Emmanuelle Seigner

La date de sortie du film:

13.11.2013

Ce film est réalisé par

Roman POLANSKI

Ce film est tagué dans:

Comédie dramatique

Chargement...


 La Critique


Alors que son précédent film était déjà l’adaptation d’une pièce de théâtre (le sans grand intérêt Carnage), voici que Roman Polanski remet le couvert et va même encore plus loin puisque, s’il s’agit bien du passage d’une pièce de théâtre au cinéma, cette pièce raconte elle-même la mise en scène d’une pièce. D’ailleurs, la première séquence montre l’arrivée dans ce théâtre grâce à un plan séquence assez magnifique qui nous plonge de l’extérieur à l’intérieur du théâtre (le lieu) pour bien montrer que l’on sort un peu de la « vraie vie » pour rentrer dans un espace où la réalité est différente et où les enjeux ne seront forcément pas les mêmes (quoi que…). En fait, tout le film sera construit sur cette ambigüité entre texte théâtral et vrais dialogues entre les deux personnages. En plus, il y a bien une unité de lieu (ce théâtre, donc) mais aussi une unité de temps et d’action (celles de la relecture du texte). Bref, là, on est dans quelque chose qui ressemble un peu aux poupées russes, où tout s’imbrique (le cinéma dans le théâtre, lui-même dans le théâtre…). Le principe n’est pas forcément bête et quand on connaît le goût de Polanski pour les huis-clos (car c’en est un véritable), on se dit que ça pourrait être plutôt pas mal même si j’avoue avoir toujours un peu de mal avec les adaptations théâtrales au cinéma. C’est un principe mais je trouve qu’une pièce a ses caractéristiques, liées aux contraintes imposées et il est dur de conserver l’esprit du texte initial quand on passe à une mise en scène filmée qui, elle, peut s’affranchir de tous ces soucis matériels.

Mais, avec La Vénus à la fourrure, l’impression est un peu différente car plus que l’aspect théâtral, c’est plutôt le texte en lui-même qui prend le dessus. En effet, celui-ci est extrêmement bien écrit car il lie directement les répliques de la pièce avec ce que se disent les deux personnages à côté. Tout cela donne alors un jeu de manipulation où le spectateur ne sait parfois plus bien où il en est tant les renversements de tendances sont nombreux. Il suffit d’une réplique pour que l’un reprenne le dessus sur l’autre. Les pistes sont complètement brouillées et c’est parfois vraiment brillant. C’est en fait une relecture féministe d’un texte au départ plutôt ma(so)chiste. Et ce qui est très impressionnant, c’est la réflexion sous-jacente sur les acteurs : où s’arrête le jeu ? Où commence la réalité ? Pendant tout le film, on se saura justement pas bien où se trouve cette limite parfois très compliquée à définir. Tous ces questionnements se retrouvent être les enjeux principaux de cette Vénus à la fourrure. Ils questionnent le spectateur et peuvent déranger par moments. C’est plutôt rythmé car les dialogues sont constants et il n’y a presque pas de silences mais, en même temps, ça tourne parfois un peu en rond, notamment dans la partie centrale où on sent qu’il y a moins de punch dans l’écriture. Le dernier tiers offre une vraie montée dramatique qui finit, il faut le dire, un peu dans le n’importe quoi. Dans sa mise en scène, Roman Polanski évite le piège du surplace et il fait beaucoup bouger ses deux acteurs qui se transforment grâce à des changements de costumes mais qui évoluent aussi dans tous les recoins du théâtre en le modifiant à leur manière (en bougeant les décors ou en utilisant différemment les lumières). Ainsi, le huis-clos n’a rien d’étouffant et c’est plutôt le texte lui-même qui fait se resserrer l’intrigue et non le lieu où ils se trouvent. Le film joue véritablement avec le texte et c’est plutôt plaisant de ce côté-là.

Au niveau de la musique, on reconnaît au bout de cinq secondes la patte de Desplat qui s’occupe de tous les derniers films de Polanski. Si les thèmes sont plutôt de qualité, il faut dire que le compositeur français ne s’est pas non plus énormément foulé tant on reconnaît son style tellement caractéristique. Ce n’est donc pas l’originalité qui marque la partition de Desplat. Forcément, beaucoup du film repose sur les épaules des deux acteurs puisqu’on ne verra qu’eux pendant plus d’une heure et demie. En double du réalisateur lui-même, Amalric fait plutôt bien le travail avec le génie qu’on lui connaît. En même temps, il a intérêt car il a face à lui une actrice au sommet en la personne d’Emmanuelle Seigner. Pourtant, je n’ai pas toujours été un grand fan de cette actrice (et encore moins de sa sœur mais je crois que c’est plus logique) mais force est de reconnaître que depuis un certain temps, elle choisit des projets plus intéressants et, surtout, qu’elle y est très bonne. Là, elle est même assez formidable, jouant avec délectation cette actrice qui, sous ses airs un peu fofolle, faussement idiote mais assumant très bien son ascendant dans la séduction, sait exactement ce qu’elle veut et mène à la baguette ce réalisateur. Elle a même un côté assez fascinant. Le genre de performance que l’on n’oublie pas et qui marque. On en reparlera sans aucun doute au moment où il faudra décerner les César en février prochain… Il se pourrait bien que le film lui-même fasse partie des nominés car la critique l’a vraiment apprécié dans l’ensemble et Polanski est plutôt bien vu par l’Académie. Personnellement, je suis un peu plus réservé même si je trouve le projet ambitieux et l’ensemble plutôt bien tenu. Mais ça a été loin de m’enchanter complètement, notamment du fait de ces quelques longueurs au cœur du film. C’est quand même un long métrage à voir, au moins pour se faire une idée.



 Rédiger Un Commentaire