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TimFaitSonCinema
Dans une Europe de l’entre-deux-guerres, nous suivons les aventures de Gustave H, le Maître d’Hôtel d’un établissement célèbre et de son allié qui n’est autre qu’un tout jeune garçon d’étage. Ils sont notamment recherchés pour le meurtre d’une nonagénaire et pour le vol d’un tableau à la valeur inestimable…
Verdict:

Wes Anderson orchestre une course poursuite souvent réjouissante dans une Europe en mutation. C’est techniquement génial et visuellement très réussi. Mais c’en est presque trop et ce Grand Budapest Hotel finirait par être un peu trop froid… Ça reste tout de même du cinéma plaisir.

Coup de coeur:

La musique

La date de sortie du film:

26.02.2014

Ce film est réalisé par

Wes ANDERSON

Ce film est tagué dans:

Comédie

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 La Critique


En presque quinze ans, Wes Anderson s’est fait une véritable place de choix dans le paysage cinématographique mondial. Sorte d’étendard vivant du cinéma indépendant américain, il jouit d’une côte extraordinaire, surtout en France, un pays qui l’adore et qu’il adore aussi. Le dernier Festival de Berlin n’est pas passé à côté de son talent puisque ce Grand Budapest Hotel vient de repartir avec le Grand Prix. Même si, parfois, on peut avoir l’impression que l’enthousiasme autour de son œuvre est quelque peu exagéré, il faut reconnaître, en étant tout à fait honnête, que tous ses films ont un vrai intérêt et qu’ils sont, surtout, réussis, chacun à leur manière. Après, Wes Anderson, c’est aussi un vrai style, qui s’inscrit bien dans les attentes de la majorité des critiques (très grand soin apporté à la technique, un côté gentiment intello, humour décalé, hommages aux anciens films…). Il s’est en tout cas forgé une filmographie qui devient maintenant vraiment intéressante même si, à force, et c’est un peu le revers de la médaille, on peut avoir l’impression de voir toujours les mêmes films et de tourner en rond. Je me dis à chaque fois que je sors de l’un de ses films que, cette fois-ci, ça suffit, il est temps qu’il change enfin (pourquoi ne réaliserait-il par exemple pas le prochain James Bond ?) et que, s’il continue dans la même veine, je n’aimerai pas son film suivant. Et puis, une nouvelle fois, je me laisse séduire par celui-ci alors que j’ai l’impression qu’il pousse encore de plus en plus loin son système cinématographique, comme s’il se « radicalisait » toujours un peu plus. C’est encore le cas avec ce Grand Budapest Hotel qui jouit des mêmes qualités que ses prédécesseurs mais aussi (évidemment) des mêmes défauts. C’est reconnaissable entre mille, et, donc d’une certaine façon complètement jouissif mais aussi (un peu) énervant. Du vrai Wes Anderson, quoi.

Comme presque toujours avec les longs métrages de ce réalisateur, c’est la forme qui marque le plus. Il apporte évidemment un très grand soin au style général avec un formidable travail sur les costumes et les décors. Les couleurs pastel sont très utilisées, comme il est de coutume chez lui. L’ensemble fait même ressembler cet hôtel à une sorte de maison de poupées, où tout est parfaitement rangé et dont rien ne dépasse. Même si on ne se trouve finalement pas si souvent que ça dans le lieu qui donne son titre au film, ça reste le point central de toute l’histoire et là qu’elle prend vraiment racine. La musique, une nouvelle fois signée d’Alexandre Desplat, est assez incroyable, car elle s’inscrit toujours à merveille dans l’univers proposé par le réalisateur. Mais là où The Grand Budapest Hotel arrive encore à nous surprendre, c’est dans sa manière de mélanger différentes techniques dans le cœur même du film. La majorité est filmée en prise de vue réelle traditionnelle (même si le format 4/3 est utilisé) mais, à certains moments, il y a du stop-motion ou encore de l’animation avec des petites maquettes. Tout cela s’enchaîne parfaitement, parfois sans que l’on s’en rende compte, et donne au long métrage un aspect cartoonesque qui correspond bien à cette histoire assez loufoque. En effet, il s’agit en fait d’une vaste course poursuite où les deux personnages principaux ont à leur trousse à la fois la police mais aussi la famille de la vieille femme dont Gustave H. a hérité le fameux tableau. Wes Anderson nous offre quelques séquences assez formidables comme cette évasion assez loufoque ou cette course poursuite à ski visuellement impressionnante. Il n’hésite pas non plus à garder une drôlerie un peu à l’ancienne, incarnée par des personnages très marqués, presque caricaturaux. Si on regarde bien, on voit en effet souvent des personnages qui passent faire des apparitions en second ou même en troisième plan, derrière ce qui est vraiment important. C’est donc du pur Wes Anderson, comme on l’aime, même si, une nouvelle fois, on peut avoir l’impression que cette façon de faire prime un peu trop sur le fond, au point de le rendre presque accessoire. Il installe son système et le fait tourner parfois à vide.

La construction du film, elle, est plus qu’étrange. C’est d’abord une double mise en abîme qui nous mène des années 80 aux années 30 pour nous raconter cette histoire. Et puis l’intrigue principale nous est contée sous forme de chapitres mais c’est en fait complètement déstructuré puisqu’on suit des événements qui concernent un grand nombre de personnages, parfois en même temps. Mais, néanmoins, on arrive à tout comprendre ; ce n’est pas non plus si compliqué, je vous rassure. Pour mettre en scène cette véritable galerie de personnages, le scénario est obligé de passer rapidement de l’un à l’autre afin qu’on continue de les suivre et de ne pas les oublier. Entre un psychopathe prêt à tout (Willem Dafoe qui fait vraiment peur), un policier flegmatique (Edward Norton) ou encore un concierge intrigant (Mathieu Amalric), c’est surtout ce personnage de Gustave H. qui est au centre de tout. Ralph Fiennes l’incarne parfaitement. Et puisque les acteurs fétiches de Wes Anderson doivent toujours jouer un peu, on retrouve, plus pour des apparitions qu’autre chose Owen Wilson, Bill Murray, Jason Schwartzmann ou encore Adrian Brody (qui a quand même un rôle un peu plus important). Mais là où The Grand Budapest Hotel a aussi un côté intéressant, c’est que ces péripéties ne se passe pas dans un contexte neutre comme avant. En effet, à travers cette fugue, c’est aussi une visite dans un monde européen qui bascule dans le totalitarisme et la guerre qui est dépeint. Ce n’est jamais le centre du film mais ce n’est pas un élément à sous-estimer. Peut-être cela aurait-il pu être encore plus poussé. Wes Anderson perdure en tout cas dans son style, dont on a l’impression qu’il ne sortira jamais. Ça passe encore plutôt pas mal dans ce film, mais je me dis une nouvelle fois que ça ne fonctionnera plus pour le prochain. Jusqu’à ce que je visionne celui-ci et qu’il me séduise de nouveau… Le réalisateur américain doit donc être un peu magicien sur les bords…



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Christophe R 18.06.2014, 15:57

Belle critique, pour ce film qui ne cache pas ses artifices, son scénario de BD et son travail esthétique à partir d'un lieu traité comme un mythe... ou comme un gâteau à la crème onirique. De mon côté, le moment qui m'a le plus sidéré est l'apparition incroyable de Harvey Keitel en vieux taulard tatoué. On n'oserait pas le reconnaître, si l'on ne reconnaissait pas la voix inimitable de l'anti-anti-héros de Smoke et de Brooklyn Boogie.


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