La Critique
Avec ses deux premiers films (que je n’ai pas vus) – La tête de maman et Du vent dans mes mollets –, Carine Tardieu a déjà fait un peu parler d’elle. En effet, ces deux longs métrages avaient été remarqués pour leur plongée originale dans les liens familiaux et leur côté assez fantaisiste. Gardant sa cadence d’une œuvre tous les cinq ans (rythme assez rare tout de même), la réalisatrice revient donc cette année avec une nouvelle production qui traite une nouvelle fois, à sa manière, des problématiques autour de la famille. Pour écrire le scénario, elle s’est adjointe les services de Michel Leclerc qui, au fil des ans (et notamment grâce au Nom des gens) est devenu l’un des auteurs de comédie qui pèse en France, sans compter sa participation active à l’aventure de Fais pas ci, fais pas ça en tant que scénariste et réalisateur de quelques épisodes, dont les tous derniers de la série. Forcément, on se dit que la réunion des deux peut potentiellement faire des étincelles. Si on ajoute à cela une distribution qui me faisait vraiment envie – notamment François Damiens et Cécile de France dans les rôles principaux –, cela donnait tous les ingrédients d’un film à ne pas rater. Et, de fait, je n’ai pas été déçu par Ôtez-moi d’un doute. Plus que ça, je dirais même que c’est un long métrage qui m’a plu et même vraiment ému par moments. Pourtant, il n’y a vraiment rien de bien compliqué ou même de révolutionnaire dans ce film, notamment au niveau de la réalisation. Mais c’est plutôt bien écrit, très bien interprété et, d’une certaine manière, ça sort un peu des sentiers battus de ce à quoi on peut s’attendre avec un scénario qui, à première vue, peut sembler un peu trop téléguidé.
Ce que j’ai trouvé vraiment intéressant, c’est que contrairement à ce que semble nous promettre l’affiche, ce film n’est pas une comédie romantique classique. On peut même dire que l’histoire entre Erwan et Anna est assez secondaire et finalement pas très intéressante. Car ce qui se joue réellement concerne plutôt la question de la parentalité et ceci à plusieurs niveaux. Erwan cherche son père biologique tout en tentant de savoir en même temps qui est le père de son futur petit enfant. Et je trouve que le scénario parvient à trouver le ton juste pour évoquer cette problématique qui peut parfois être dramatique : là, c’est traité avec une véritable douceur et un humour plutôt fin. D’ailleurs, c’est une constante de tout ce film qui parvient à adopter une posture singulière, drôle et émouvante à la fois. Et puis, il y a un vrai décalage entre le côté très réaliste de la situation de départ, et une certaine fantaisie qui va s’emparer du scénario, au fur et à mesure qu’il se déroule. En effet, il y a une volonté très nette d’inscrire les personnages principaux dans ce qui les définit et notamment le métier qu’ils font. Ainsi, il y a pas mal de scènes consacrées au départ à la profession d’Erwan, à savoir démineur ou encore à celle d’Anna, à savoir médecin (séquences d’ailleurs très drôles). Mais, assez vite, on va se retrouver dans quelque chose qui ressemble presque à du Molière ou du théâtre de boulevard, avec des personnages qui ne savent pas toute la vérité et qui, en plus, ont des réactions assez surprenantes face à ce qui leur arrive. Ainsi, ils se trouvent dans des situations parfois assez cocasses. C’est comme si tous ces personnages avaient bien les pieds sur terre mais la tête dans les nuages. En ce sens, le ton général du film est plutôt léger mais parvient à garder un réalisme qui lui donne cette fraîcheur et ce charme si particulier.
Les intrigues se croisent, se complètent et se répondent parfois. Par moments, cela semble un peu artificiel tant les rebondissements sont « grossiers » et les problèmes évoqués nombreux mais il y a quelque chose dans l’écriture qui fait que ça fonctionne tout de même correctement. C’est aussi sans doute grâce à une direction d’acteurs au top que Ôtez-moi d’un doute m’a autant charmé. En effet, trois duos de comédiens, chacun d’une génération différente, font des étincelles. Il y a d’abord Guy Marchand et surtout André Wilms dans les rôles des papas. Ce dernier apporte une fantaisie dans le jeu qui colle bien à tout le reste. Le duo d’acteurs principaux, venu de Belgique, est évidemment très bon, avec un François Damiens qui prouve film après film, qu’il est bien plus qu’un simple amuseur public et une Cécile de France que l’on ne voit finalement pas tant que ça mais qui fait le boulot. C’est surtout du côté des jeunes que c’est le plus intéressant. Alice de Lencquesaing apporte toute son énergie à son personnage et puis il y a Estéban, absolument dingo dans le rôle de cet employé simplet. Chacune de ces apparitions est un immense moment de drôlerie. Cela pourrait bien valoir à celui qui est aussi chanteur d’un groupe de rock (les Naive New Beaters) une nomination pour le César du meilleur second rôle. Le seul reproche que je peux vraiment faire est la manière dont le film est construit par moments et notamment le fait que le spectateur est en avance sur ce que savent les personnages eux-mêmes. Cela conduit évidemment à la réussite de certaines séquences où l’on sait la situation cocasse. Mais je pense que j’aurais préféré découvrir en même temps que les principaux protagonistes les rebondissements de leur quête. Pour autant, cela ne nuit pas vraiment à un ensemble à la fois drôle, émouvant et intelligent. Honnêtement, je ne vois pas ce que l’on peut demander de plus ?