La Critique
Depuis presque deux semaines, on ne voit que lui dans les médias français. Lui, c’est George Clooney, chéri de ces dames, qui s’est offert pour son nouveau film une énorme promotion, surtout en France. Il est sur tous les plateaux et dans presque tous les magazines. Cela est du à deux éléments liés au film et qu’il faut mettre sur des plans différents. La première est la présence au casting (et dans un rôle relativement important) de Jean Dujardin qui essaie de se faire une place dans le cinéma hollywoodien, ce qui n’est jamais évident même quand on a sur sa carte de visite ce qui se fait de mieux, à savoir un Oscar de meilleur acteur. Mais, surtout, le nouveau long métrage de George Clooney prend principalement place en France, dans une période assez sombre (la deuxième guerre mondiale) et raconte comment des hommes se sont réunis pour aller retrouver et sauver de nombreuses œuvres d’art, principalement celles qui ont été spoliées aux personnes juives. C’est un vrai sujet et qui a encore une actualité très récente puisque, il y a peu, a été découvert chez un particulier allemand un nombre impressionnant de tableaux qui avaient été volés à cette période. Si Clooney fait le tour des plateaux et des tapis rouges, c’est aussi pour défendre cette idée qu’il faut tout faire pour rendre à leurs propriétaires de nombreuses œuvres qui, encore aujourd’hui, ne l’ont pas encore été. C’est donc d’un fait historique et qui a encore de l’impact aujourd’hui que Clooney veut nous informer avec ce film. En ce sens, tout ce qui gravite autour de ce long métrage me fait penser à la sortie d’Indigènes qui, sur la même période historique, posait d’autres questions (et notamment celle de la place des combattants des colonies) et qui, plus qu’un film, était devenu l’objet d’un véritable débat de société. C’est forcément un peu moins fort avec Monuments Men, mais ce qui est le plus étonnant, c’est que l’on a surtout le sentiment que George Clooney pend un peu son sujet à la rigolade, et ceci à tous les niveaux.
D’abord parce que ce Monuments Men ne donne pas sa part aux chiens en termes d’humour, à tel point que l’on se demande parfois si le film est vraiment sérieux. Il y a quelques bons mots, un comique de répétition autour de l’accent français du personnage joué par Matt Damon (c’est vrai qu’on ne comprend rien à ce qu’il dit) et des situations qui sont parfois presque grotesques, ou en tout cas en décalage avec ce que l’on attend de ce genre de films. Pour Clooney, cette façon de faire de son long métrage presque une comédie par moments, c’est sans doute un moyen de faire passer son message un peu différemment, et, surtout, auprès d’un plus large public. En effet, on sent qu’il cherche à ne pas faire de Monuments Men un simple exposé d’histoire mais bien un film vivant où se lient un destin collectif et des histoires individuelles et où tout n’est pas que destruction et violence. Dans l’esprit, c’est plutôt louable mais, dans les faits, Clooney et son coscénariste Grant Heslov font complètement fausse route. Ils livrent en effet un scénario indigent et dont on se demande bien comment il a pu être accepté tel quel par les studios. En effet, c’est complètement décousu tant dans le temps (on saute des petites périodes par ci par là) que dans la dramatisation des enjeux. On suit en fait plusieurs petites équipes de un ou deux personnages et leurs scènes de deux ou trois minutes s’enchaînent ainsi, parfois de manière totalement incongrue. Et je ne parle ici même pas de ces quelques séquences qui sont absurdes tant elles n’ont absolument rien à voir avec le fil de l’intrigue. D’ailleurs, c’est sans doute là que se situe le véritable problème : il n’y en a pas vraiment, de fil, si ce n’est ce besoin de retrouver ces œuvres et les mettre en sécurité. Tout tourne donc autour de ce projet initial (« inspiré d’une histoire vraie ») mais ne va pas chercher bien plus loin.
C’est globalement très long et sans aucun rythme, la parlotte étant beaucoup trop présente avec, en plus, une voix-off souvent évitable car elle n’apporte absolument rien si ce n’est revenir sur des points que l’on a rapidement compris. A pas mal de moments, on finit même par s’ennuyer. Dans sa réalisation, plutôt classique, Clooney ne fait guère d’étincelles et livre donc un film vraiment plan-plan. Même la musique d’Alexandre Desplat ne parvient pas à relever l’ensemble. Ce dernier ne s’est visiblement pas foulé étant sans doute trop occupé à son nouveau « métier » d’acteur puisqu’il a ici un petit rôle (j’étais content de l’avoir reconnu). De plus, on ne sait pas vraiment qui sont ces personnes qui constituent ce groupe un peu à part et, surtout, ce qui a pu les pousser à accomplir cette tâche assez folle, celle de s’engager alors qu’ils n’en n’ont clairement pas les capacités physiques et militaires. Même s’ils ne sont pas vraiment au front, ils devront livrer quelques combats. Le scénario ne prend même pas le temps de s’intéresser un peu plus à eux, ce qui, pour un film qui leur rend quand même largement hommage, est un peu étrange. En plus, ils sont interprétés par des pointures qui, visiblement, prennent un vrai plaisir à jouer (notamment un Bob Balaban que je découvre et qui est très bon ici) mais qui, parfois, sont plus perdues qu’autre chose. Et que dire du choix de Cate Blanchett pour le rôle d’une jeune française ? Elle est censée parler notre langue (qu’elle ne maitrise pas), ce qui donne un côté plus que bizarre… Finalement, en sortant de la séance, on se demande où se trouve réellement l’amateurisme dans ce film. Est-ce celui d’hommes d’art devenus soldats par pure conviction ou celui de George Clooney qui, visiblement s’en moque un peu de comment traiter son sujet, tant il a le sentiment (à raison) de tenir entre les mains une vraie mine d’or ? Un sujet ne fait en tout cas pas tout et il faut le travailler plus décemment que cela. Clooney nous a déjà montré qu’il en était largement capable (Les marches du pouvoir était un vrai bon film politique) mais là il s’est planté. Et c’est quand même bien dommage !