La Critique
Les Inconnus, en fait, ce n’est pas vraiment ma génération. Je suis né cinq ou dix ans trop tard pour avoir pu apprécier à leur juste valeur ces trois humoristes qui, au cœur des années 90, se « battaient » avec Les Nuls pour avoir le titre de meilleur humoriste de France. Je me rends compte que je ne connais pas trop ce qu’a vraiment fait ce trio, si ce ne sont tous les sketchs que tout le monde a en tête et qui sont truffés de répliques devenues cultes ainsi que leurs chansons plutôt drôles. Après, avoir fait leur succès sur le petit écran (les premiers sur Antenne 2, les seconds sur Canal+), ces deux bandes sont passées à la vitesse supérieure avec des films qui, chacun à leur manière, auront marqué leur génération. C’est en 1994 La cité de la peur pour les Nuls, long métrage que je regarde avec toujours autant de plaisir tant c’est un humour qui me plaît. Pour les Inconnus, ça sera Les trois frères un an plu tard, film qui a quand même remporté le César de la meilleure première œuvre. Et je dois avouer que je suis beaucoup moins connaisseur de ce dernier. Je l’ai bien vu une ou deux fois, mais il y a longtemps et je n’en n’ai que quelques vagues souvenirs, notamment des phrases qui font mouche et qui sont restées dans la mémoire collective (le fameux : « Ta fille, elle est gentille, mais elle est moche ; mais toi, t’es moche, et puis t’es con ! »). Depuis ce film, Les Inconnus s’étaient un peu perdus de vue puisque, ensemble, ils n’avaient fait que le film Les Rois mages en 2001, long métrage qui ne passe pas pour être leur plus grande réussite. Mais, ils ont décidé de revenir en piste presque vingt ans plus tard et, pour cela, de se servir d’un film qui avait bien marché à l’époque et, donc, d’en faire une suite. N’étant pas un grand fan des Inconnus, je n’attendais pas frénétiquement ce retour. Et heureusement car c’est tout simplement catastrophique…
Alors, peut-être que ce n’est pas vraiment un humour qui me convient. Sans doute n’ai-je pas vu ni compris toutes les références à leurs précédents sketchs. Peut-être n’étais-je tout simplement dans le bon esprit. Toujours-est-il que j’ai rarement trouvé un film autant raté que celui-là. Ce qui est peut-être le plus grave, c’est que je n’ai presque rien à dire tant ce long métrage m’a semblé particulièrement vide (de sens, mais pas seulement). Il n’y a absolument rien à en retirer : pas une blague, pas une situation drôle, pas un seul moment où l’on rigole (je crois que j’ai dû décrocher une seule fois un tout petit sourire). Au bout d’un moment, ça en devient même particulièrement triste et désespérant car ça s’enfonce de plus en plus, à mesure que le film avance. Au point que la fin soit presque gênante. Pour expliquer ce naufrage (car il faut quand même le faire et ne pas en rester à un simple constat), plusieurs éléments se combinent et font de ces Trois frères – le retour un objet cinématographique d’une très grande tristesse. Il y a d’abord un scénario plus qu’indigent. Le premier tiers du film est passé à présenter chacun des personnages. Ce n’est pas fait dans la demi-mesure car chacun a des caractéristiques bien marquées qui sont surlignées un nombre incalculable de fois. Après presque trois quart d’heure, voici les trois vraiment réunis mais c’est autour d’une intrigue qui tourne toujours autour de l’argent et qui va s’aventurer aussi du côté de la drogue et des coups fourrés en tout genre. On nous introduit donc le personnage de Sarah, absolument horripilante tant elle est un cliché à elle toute seule. C’est clairement l’un des personnages les plus agaçants que j’ai vu au cinéma ces derniers temps. L’intrigue générale part dans le grand n’importe quoi, en multipliant les situations absolument grotesques, toutes plus lourdes les unes que les autres.
Et, surtout, il n’y a absolument aucune surprise tant on voit tout venir à des kilomètres à la ronde. A aucun moment, ces Inconnus-là nous surprennent, d’autant plus que la bande-annonce, ressassée lors d’une promotion XXL, met déjà en avant tous les « bons mots » du film. C’est vraiment dommage de voir autant de difficultés à faire réellement avancer une histoire. Bien sûr, c’est une comédie, qui ne se veut aucunement réaliste, mais ce n’est pas non plus une raison pour faire n’importe quoi et tomber à ce point dans le grivois et le vulgaire… Cela vient aussi des personnages qui, clairement, manquent de finesse et sont brossés à très gros trait. Evidemment, pour faire plaisir au public, il y a des reprises de sketchs mais, insérés comme cela dans un film, ça ne fonctionne jamais véritablement et ça ressemble plus à du réchauffé qu’à autre chose. En tout cas, les trois acteurs en font des tonnes et des tonnes pour essayer de donner un peu de consistance à des personnages qui ne s’en voient offrir aucune par le scénario. Que dire de plus sur un tel ratage ? Honnêtement, je n’ai pas envie d’aller beaucoup plus loin car ce n’est pas facile de dire ainsi du mal de cette manière des personnes qui nous ont fait rire quand on était plus jeune. Toujours est-il que leur retour est à oublier. Ereinté par une bonne partie de la critique, ce long métrage est pour l’instant plutôt apprécié par les spectateurs (si on regarde la moyenne des notes sur Allociné). Faut-il en conclure que beaucoup de gens qui sont allés le voir se sont laissés emporter par la nostalgie de revoir Bourdon, Campan et Légitimus ensemble ou encore que, tout simplement, je n’ai pas su apprécier à sa juste valeur une comédie qui, en fait, est de grande qualité. J’ai vraiment du mal à croire à cette deuxième option tant c’est faible…