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TimFaitSonCinema
En 1958, l’Allemagne fait tout pour fuir son passé et d’anciens criminels nazis vivent encore en toute impunité. Un jeune procureur va alors se lancer dans une longue enquête pour traquer les anciens SS qui ont participé à l’horreur d’Auschwitz. Malgré les difficultés, il va tout faire pour que son travail aboutisse sur un procès…
Verdict:

Sur une période méconnue de l’histoire allemande, Giulio Ricciarelli parvient à faire un film globalement réussi, par complètement exempt de défauts mais qui a le mérite de poser frontalement des questions essentielles comme la liberté individuelle, le devoir de jugement,… Et l’acteur principal est parfait, ce qui ne gâche rien…

Coup de coeur:

Alexander Fehling

La date de sortie du film:

29.04.2015

Ce film est réalisé par

Giulio RICCIARELLI

Ce film est tagué dans:

Drame historique

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 La Critique


Honnêtement, j’avais fait une croix sur ce film. Et à regret parce qu’il m’intéressait franchement. Et puis, par une heureuse surprise (presque une bénédiction tant je n’y croyais plus), j’ai appris que mon cinéma favori le passait en V.O., une seule fois, à un horaire qui m’arrangeait. Bref, c’était l’occasion ou jamais et je m’en réjouissais par avance. Je trouve en effet que cette manière qu’a le cinéma allemand actuel d’affronter tout un pan de son histoire qui n’est guère flatteur est assez remarquable. Avec La vie des autres (sur les méthodes de la STASI) ou encore Barbara (sur la difficulté de quitter l’Allemagne de l’Est), de (plus ou moins) jeunes réalisateurs n’hésitent pas à se confronter à des périodes sombres, mais qui permettent aussi de comprendre l’Allemagne d’aujourd’hui. Là, Giulio Ricciarelli (qui, comme son nom ne l’indique pas forcément, est bien allemand) a choisi de remonter un peu plus dans le passé pour s’intéresser à son pays dans la fin des années cinquante, soit quinze ans après la fin de la deuxième guerre mondiale. Et c’est une époque qui est assez mal connue, notamment parce qu’elle se situe entre cette épisode tragique et l’apogée de la guerre froide qui exacerbe de nouveau de vraies tensions et dont l’Allemagne est d’une certaine façon l’épicentre. C’est ici une forme d’entre-deux dont on ne parle jamais vraiment mais qui est pourtant essentiel car beaucoup de choses s’y passent. Une nouvelle fois, c’est un « jeune » réalisateur qui s’y attaque puisque c’est son premier film. A partir de recherches historiques rigoureuses, il a construit son scénario autour de deux personnages qui ont vraiment existé (le procureur en chef et le journaliste d’investigation) et d’un héros qui est une sorte de synthèse des trois procureurs qui ont réellement enquêté. Mais est-ce que cette nouvelle plongée dans l’histoire tourmentée de notre voisin est-elle couronnée du même succès que les autres longs métrages déjà évoqués ?

 

Le réalisateur a un grand mérite : celui de réellement confronter son pays à son histoire. En effet, dès la première séquence, il montre le problème majeur de l’Allemagne de cette époque-là : un homme passe devant une école et le Directeur de l’établissement vient lui allumer la cigarette. Il reconnaît alors le briquet. Celui-ci le ramène plus de dix ans en arrière, à Auschwitz, où lui était détenu alors que l’autre était garde. Oui, de nombreux membres des SS qui ont officié lors de la Seconde Guerre Mondiale sont revenus à la « vie normale » juste après et n’ont pas été embêtés depuis. Il faut dire que ce silence généralisé semble arranger tout le monde puisque des personnes haut-placées sont aussi mouillées. Et c’est finalement un jeune procureur, Johann Radman, tout juste arrivé au parquet de Francfort, qui va se lancer dans une vaste enquête pour essayer de convoquer un procès et de faire condamner tous ces hommes qui ont commis des horreurs ou qui, au moins, n’ont rien fait pour les empêcher. Ce qui est assez intéressant dans le parcours de ce jeune homme, c’est que l’on peut avoir le sentiment au départ qu’il voit surtout là une occasion de ne pas s’occuper exclusivement d’infractions routières. Néanmoins, il va être de plus en plus personnellement investi dans cette enquête. Il est aidé dans cette tâche par un journaliste et, plus indirectement, par le procureur en chef, dont on comprend peu à peu qu’il a une histoire particulière qui le pousse à vouloir ce procès. Par contre, cette enquête semble être le dernier des soucis du reste de la société qui est la plus souvent ignorante (personne ne semble savoir ce qu’était Auschwitz) ou mettant même parfois délibérément des bâtons dans les roues du procureur (notamment du côté de la Police). Le jeune procureur se retrouve aussi assez vite devant un dilemme dont il a du mal à se dépêtrer : se concentrer sur les personnages les plus importants (Mengele ou Eichmann) ou plutôt sur la masse d’auxiliaires bien plus anonymes. L’enquête et ses rebondissements se chargeront de lui imposer la marche à suivre…

 

Au fur et à mesure que Radman avance dans sa traque, en plus d’essayer de comprendre pourquoi tout cette partie de l’histoire a été occultée en Allemagne, l’horreur de ce qu’était Auschwitz se dévoile à lui autant qu’au spectateur. Et là où le film est intéressant, c’est que le réalisateur évite tout flashback, qui apparaît comme une solution de facilité. Là, tout est raconté par des survivants, ce qui donne presque encore plus de forcé et des scènes d’une extrême puissance tant tout se passe dans l’évocation. Et pour ce film en particulier, c’est une façon de faire presque « nécessaire » car, justement, ce qui importe, ce sont les témoignages des rescapés qui permettent d’inculper d’anciens soldats. Se pose alors nécessairement la question de la liberté individuelle car tous les hommes répondent qu’ils étaient soldats et obligés de faire ce que leur hiérarchie leur imposait. C’est évidemment une problématique épineuse, sur lequel il n’est pas inintéressant de s’interroger, encore aujourd’hui… Ce que l’on peut sans doute reprocher à ce film, c’est son scénario un peu trop mécanique, notamment du fait de personnages « caricaturaux ». En effet, chacun est l’archétype de quelque chose (le rescapé qui ne veut pas témoigner, le procureur qui s’en moque, la jeune femme qui ne veut pas payer pour la génération d’avant,…) et ça empêche le long métrage de prendre plus d’ampleur, notamment s’il avait été moins prévisible. En ce sens, on peut considérer que l’histoire d’amour est un peu de trop et a plus tendance à alourdir l’ensemble qu’autre chose. Du côté de la réalisation, Giulio Ricciarelli ne fait pas de folies, loin de là, et accompagne le tout d’une facture particulièrement classique. C’est propre, évidemment, mais loin d’être génial de ce point de vue. Mais, finalement, ce n’est pas vraiment ce que l’on retient d’un long métrage dont le talent et le charisme du personnage principal (belle découverte que cet Alexander Fehling) n’est pas loin de tout emporter et qu’il faut saluer aussi pour son côté historique et pédagogique. Décidemment, le cinéma allemand fait fort ces derniers temps.




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