La Critique
Décidément, l’animation japonaise n’en finit pas de revisiter les pages pas forcément les plus gaies de l’histoire de son pays. En effet, alors que celui qui est considéré comme le grand maître de ce genre, Hayao Miyazaki nous avait offert comme dernier film (a priori, bien sûr) Le vent se lève – l’histoire romancée de l’ingénieur qui a mis au point les avions utilisés par les kamikazes japonais –, c’est cette fois-ci un réalisateur bien moins connu qui, à sa façon, s’inscrit un peu dans la même veine. Son histoire prend aussi pour base la Seconde Guerre Mondiale mais selon un axe finalement original car peu connu. En effet, la première séquence du film se déroule à la toute fin de cette guerre qui laisse le Japon à genoux mais on se trouve un peu à l’écart, sur une île, celle de Chikotan, qui n’a pas vraiment subi les affres du conflit pendant qu’il se déroulait mais qui va directement être impacté ensuite. En effet, alors que les habitants craignent vraiment une invasion américaine qui les réduirait en esclavage selon eux, ce sont en fait les Russes qui vont débarquer et annexer l’île. D’ailleurs, aujourd’hui encore, cet espace, qui fait partie de l’archipel des Kouriles, est un point de friction récurrent entre la Russie, officiellement administratrice de toutes ces îles et le Japon qui en revendique encore certaines. A travers les yeux de deux jeunes enfants, nous allons donc pouvoir découvrir cette Histoire et, sur le principe, ça ressemble à s’y méprendre à celui du Tombeau des lucioles, film qui a fait pleurer toute une génération et qui est devenu culte pour beaucoup de monde. Je ne peux trop rien en dire car, personnellement, je ne l’ai pas vu. Par contre, ce que je peux dire, c’est que j’ai plutôt été charmé par L’île de Giovanni, dessin animé qui, finalement, ne s’adresse pas réellement à un public enfantin car, au final, c’est une œuvre plutôt dure et même poignante par moments.
En effet, en s’attaquant à un tel sujet, Nishikubo annonce de façon assez claire la couleur. Pourtant, on pourrait penser qu’en le faisant à travers les yeux de deux jeunes enfants, il va être un peu plus doux mais, si c’est le cas à certains moments – comment montrer l’évolution des relations entre jeunes Japonais et jeunes Russes à travers une « bataille de chansons » –, des passages bien particuliers sont, eux assez terribles. On ne peut pas trop en dire car dans le cheminement que vont suivre ces deux personnages principaux se trouve l’un des intérêts du film mais ils vont devoir surmonter des épreuves particulièrement difficiles quand on a leur âge. Certaines séquences sont même impressionnantes par la manière qu’elles ont d’affronter de manière pas du tout déguisée la douleur ou le drame. On peut même parler de scènes bouleversantes, notamment la fin qui est assez magnifique. C’est aussi le cas parce que le réalisateur ne fait pas du tout l’impasse sur la réalité de ce qu’a traversé cette île et ce que ça implique sur les vies de ceux qui y habitent. Il y a même une vraie volonté de coller au plus près de la vérité historique. Ainsi, le fait que les dates apparaissent souvent à l’écran montre bien ce choix délibéré. Mais, en même temps, comme presque toujours avec l’animation japonaise, il y a une capacité à très vite s’échapper dans un univers poétique qui permet de voir la réalité différemment. Là, c’est la référence à un livre et à son train magique qui permet de voyager à travers la galaxie qui offre de réelles respirations. A mon goût, c’est un peu too much mais ça ouvre aussi vers d’autres horizons et permet de recharger un peu les batteries avant de replonger au cœur du drame. Le personnage du tonton, un peu déjanté, décale aussi un peu le propos. En fait, si ce film ne m’a pas complètement enchanté, c’est parce que j’ai eu un peu de mal avec l’esthétique globale car si ça ressemble, de façon grossière, à ce que peuvent faire les Studios Ghibli (c’est forcément le point de comparaison), j’ai trouvé qu’il y avait là beaucoup moins de détail et des défauts assez flagrants (notamment avec les nez dont pas un seul n’est réussi). C’est peut-être un peu dommage mais cette forme ne m’a jamais permis d’adhérer complètement à un dessin animé qui possède pourtant de nombreuses autres qualités.