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RENGAINE

Dorcy, jeune noir de confession chrétienne, souhaite épouser Sabrina, maghrébine et qui a quarante frères. C’est d’ailleurs Slimane, le plus âgé de cette fratrie qui va tout faire pour s’opposer à ce mariage qui s’annonce.
Verdict:
Un long-métrage au propos assez décapant, tourné avec trois bouts de ficelles mais qui dégage vraiment quelque chose, notamment une certaine vitalité. Mais ce n’est pas non plus le film de l’année.
Coup de coeur:

Le côté plein de vie de ce film

La date de sortie du film:

14.11.2012

Ce film est réalisé par

Rachid DJAÏDANI

Ce film est tagué dans:

Drame

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 La Critique


Je vais le dire tout net d’entrée pour que les choses soient claires : aller voir ce film ne me faisait pas forcément très envie (j’ai quelques expériences pas forcément fameuses de films annoncés comme le « renouveau ») mais j’ai eu la volonté de défendre un minimum le cinéma indépendant français car je pense que c’est important que les jeunes réalisateurs qui débutent puissent voir leurs films diffusés dans des réseaux bien implantés comme UGC. Je me suis donc rendu dans une salle de cinéma pour visionner Rengaine, film qui fait tout de même parler de lui depuis un certain temps. Cela fait neuf ans que le réalisateur a lancé son projet et, pendant toute cette période, il n’a jamais trop réussi à boucler son film, le retravaillant sans cesse et cherchant sans doute une maison de production prête à aider sa sortie. C’est principalement grâce à la Quinzaine des réalisateurs, sélection parallèle du Festival de Cannes, que ce film a commencé à faire du buzz et à obtenir une reconnaissance suffisante pour sortir (enfin) cette semaine dans un nombre de salles assez conséquent (70) pour un film de ce genre et de ce budget-là. Et bien, si j’y étais allé un peu à reculons, j’en suis ressorti en partie conquis, car Rengaine est de ces films qui ont vraiment une singularité et quelque chose qui s’en dégage.

L’affiche annonce que ce film est un conte. Bien sûr, l’histoire des quarante frères pour une seule sœur participe de cela mais, dans le fond, si conte il y a, il est plutôt assez sombre, bien qu’il débute par un évènement assez lumineux : une demande en mariage. Mais c’est cela qui va déclencher les difficultés. En effet, le grand frère de cette jeune fille, Slimane, va aller faire le tour de tous les frangins leur demander si ils sont au courant et ce qu’ils en pensent. Cette quête de réponses et d’avis constituera la toile de fond de tout le film. Ce qui est intéressant, c’est de voir les différences qui peuvent exister entre les frères. Grâce à ce chiffre démesuré, le scénario permet de montrer une famille où on trouve des policiers, des chauffeurs de taxi, un homosexuel, un joueur de luth (ou de derbouka, je ne sais pas),… Dans l’ensemble, presque tous désapprouvent un tel mariage. Et c’est là que le discours du film devient assez « costaud ». Il montre de façon très nette le racisme entre les communautés (des deux côtés car la mère de Dorcy est elle-aussi contre ce mariage), l’intolérance mais aussi la place de la femme ou même celle de l’homosexualité. A ce titre, c’est un film qui est digne d’intérêt car la plupart des discours ne peuvent qu’interpeller le spectateur et le mettre en face d’une réalité assez crue et qui est peut-être parfois ignorée. La quête de Slimane va en fait le conforter dans cette idée que ce mariage est impossible et ne doit avoir lieu, jusqu’à qu’il se rende compte lui-même que ce n’est pas normal de s’y opposer, ce qui n’est d’ailleurs pas la meilleure partie du film, car elle manque de crédibilité et on ne comprend pas forcément bien le revirement du personnage. Les dialogues entre les personnages sont souvent à la fois assez terribles mais aussi drôles (le langage utilisé est fleuri et les embrouilles dérisoires).

En contrepoint du « voyage » de Slimane, on voit la vie de Dorcy, acteur qui se cherche un rôle (la scène du casting est géniale) et Sabrina, jeune femme moderne éprise de liberté. Mais, finalement, et de façon presque un peu étrange, on les voit assez peu ensemble et discuter de leur relation. Parce qu’en fait, Rengaine ressemble plus à une suite de séquences, reliées plus ou moins entre elles, qu’à une véritable suite d’évènements. C’est donc à un parcours fragmentaire auquel on assiste. D’ailleurs, grâce à ce procédé, le réalisateur, réussit à faire intelligement monter au milieu de son film une vraie tension autour de trois séquences qui n’ont finalement aucun lien mais qui, mises bout à bout nous font penser au pire. Toute cette histoire se passe à Paris et la façon dont la capitale française est montrée est très intéressante. Elle s’inscrit aussi dans toute la logique du film : montrer une forme d’envers du décor. On ne filme pas de grandes rues ou de bâtiments célèbres, mais plutôt des arrière-cours et des quartiers bigarrés. Dans la façon de filmer aussi – avec une caméra de qualité assez médiocre, en étant toujours au plus près des visages et donc avec un mouvement quasi perpétuel du cadre –, on retrouve cette volonté de l’instantanéité et du fait de vouloir saisir des émotions sur le vif. Bien sûr, le budget très réduit n’a pas du aider mais je pense que c’est aussi une volonté nette de la part du réalisateur de garder l’idée d’un mouvement perpétuel. A la longue, un tel style de réalisation est un peu fatiguant mais Rachid Djaïdini a le mérite de tourner un film comme on en voit peu : assez brut de décoffrage et plein de vie, malgré quelques longueurs et passages moins convaincants à certains moments. Il faudra donc suivre ce réalisateur qui, après ce premier film, devrait voir s’ouvrir les portes de productions moins artisanales. C’est tout le mal qu’on lui souhaite.



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