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TimFaitSonCinema
Au cœur de la Roumanie profonde, Alina revient d’Allemagne pour visiter Voichita, camarade d’orphelinat, afin de la convaincre de l’accompagner dans son nouveau pays. Mais Voichita fait maintenant partie d’une communauté religieuse et Alina a du mal à s’y faire…
Verdict:
Cristian Mungiu signe une nouvelle fois un film très puissant dans la façon qu’il a d’affronter frontalement un sujet fort. Encore une fois, sa direction d’acteurs est à souligner, avec, notamment la novice Cosmina Stratan dont on pourrait entendre parler d’ici peu.
Coup de coeur:

Cosmina Stratan

La date de sortie du film:

21.11.2012

Ce film est réalisé par

Cristian MUNGIU

Ce film est tagué dans:

Drame

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 La Critique


Cristian Mungiu, c’était pour moi l’homme d’un seul film. Et pas n’importe lequel puisqu’avec 4 mois, 3 semaines 2 jours, il avait remporté il y a maintenant cinq ans la Palme d’Or au Festival de Cannes. Ce film était dur, âpre, parfois même particulièrement répugnant dans ce qu’il montrait, mais il avait pour lui une vraie force, une radicalité assez impressionnante (en tout cas, il m’était apparu comme tel en son temps) et une interprétation au top avec Anamaria Marinca que l’on a peu vu depuis alors que je la voyais partie pour une carrière internationale brillante. Au cours des cinq dernières années, Cristian Mungiu a bien tourné une partie d’un film à sketch roumain sorti de façon confidentielle en France mais il avait honnêtement un peu disparu des écrans radars. Il est revenu en force cette année, une nouvelle fois grâce au Festival de Cannes (qui n’oublie jamais ses anciens lauréats) où son nouveau film a encore fait parler de lui, lors de sa projection mais aussi pour le palmarès où il a remporté deux Prix, ce qui est toujours une rareté à souligner, avec un double d’interprétation féminine pour les deux actrices mais aussi celui du scénario. Autant dire que ce film faisait partie de mes objectifs de fin d’année. Je l’ai raté une première fois au UGC qui ne l’a programmé qu’une semaine dans ses salles (merci les mecs !!) et j’ai donc du me rendre au CNP, son charme désuet et ses salles où la place pour les jambes se fait rare, surtout quand le film dépasse les deux heures et demi. Mais je n’ai pas été déçu du voyage car Au-delà des collines est de ces films puissants et dérangeant qui ne peuvent laisser indifférents.

Dès les premières minutes, on se sent dans un film de Mungiu : un long plan mobile nous accueille. La caméra suit une jeune femme dans une gare, à la recherche d’une autre, croisant nombre de passagers. Les deux finissent par se rencontrer pour une longue et belle étreinte. En trois minutes chrono, on comprend le lien très intime qui unit ces deux jeunes femmes. Elles montent ensuite sur les contreforts de la ville, à l’écart (au-delà des collines, donc) pour se rendre dans le couvent où toute l’histoire (ou presque) va se dérouler. Ce couvent, ce sont des cases autour d’une chapelle, une dizaine de sœurs et un prêtre (« Papa ») qui semble diriger ce petit monde d’une main de fer. C’est dans cet univers à la fois très ouvert sur la nature – on est presque tout le temps à l’extérieur ou dans des espaces laissant passer la lumière et Mungiu ne rechigne pas à nous la montrer, cette nature – mais aussi refermé – les palissades sont présentes, autant physiquement que psychologiquement – que le drame se noue. Dans cet univers, Alina qui, visiblement, a vécu des choses très dures dans sa jeunesse et même lors de son séjour en Allemagne, va avoir beaucoup de mal à s’acclimater, puisqu’elle cherche avant tout à repartir avec son amie de toujours vers l’Allemagne. Malgré plusieurs tentatives, elle restera toujours dans cet endroit clos, et le spectateur avec elle. Quelques sorties vers la ville sont tout de même permises, mais elles revêtent souvent un caractère bien plus obligatoire (médical notamment) qu’autre chose. Le couvent la rattrape toujours, et avec lui, tout ce que cela implique.

Cristian Mungiu s’intéresse plutôt à ce qui se passe au sein même de cette communauté et sur la façon dont Alina réussit (ou pas) à s’y intégrer. Là où le réalisateur est fort, c’est dans la façon dont ce film pose un vrai regard sur le côté excessif que peut revêtir une religion. Il ne juge pas vraiment mais met le spectateur en face de réalités qui peuvent le heurter ou, au moins, le questionner. Il en faisait d’ailleurs de même sur la problématique de l’avortement dans son film précédent. De fait, une réelle force se dégage de ce film qui est une succession de plans très longs, parfois assez virtuoses, parfois moins travaillés. Et surtout, il ya une véritable montée dramatique puisque si la première heure est un peu longue et sert plus à mettre en place les personnages et le décor, la suite est de plus en plus intense, rythmée parles réactions d’Alina et la façon dont Voichita et la communauté dans son ensemble prennent cela. Pas mal de choses est en fait basé sur les non-dits. Parfois, les choses ne sont pas montrées volontairement mais il y a aussi toutes les questions posées très finement autour de l’amour inavoué entre ces deux amies. La dernière demi-heure du film est le point culminant de tout le processus, suite de séquences assez impressionnantes, qui mettent mal à l’aise, mais qui ne sont que la résultante de ce qui a pu se passer pendant les deux heures précédentes. Après, j’avoue que j’ai du mal à comprendre qu’on ait pu donner le Prix du scénario à ce film car celui-ci n’est pas vraiment inventif, et, surtout, il est tiré d’évènements qui se sont réellement déroulés. Il a le mérite de faire monter une pression et une tension de façon intelligente et fine, ce qui n’est pas mal, me direz-vous.

Il faut dire aussi que Cristian Mungiu prend le temps de développer ce qu’il souhaite réellement montrer. Son film dure 152 minutes et, en plus, il faut savoir qu’il a déjà raboté plus de quarante minutes de pellicule. Dans le temps, j’aurais parlé de ce long-métrage comme représentatif d’un cinéma radical, mais ce n’est pas vraiment le terme car il n’y a rien de véritablement inventif ou de totalement fou dans la réalisation mais plutôt une vraie propension à ne jamais dévier de sa façon de faire et à mettre en scène des séquences longues, qui doivent être éprouvantes pour les comédiens. En ce sens, et même si je n’aime pas beaucoup ce terme, c’est un « film à festival » avec ce que les jurés sont en droit d’attendre : un drame, une historie forte, une réalisation qui donne une vraie place à des plans très longs, des comédiens qui sont des découvertes,… D’ailleurs, de ce côté-là, on peut féliciter le réalisateur d’être allé dégoter ces deux jeunes actrices dont l’une, Cosmina Stratan, est vraiment impressionnante. Elle joue la sœur qui se pose peu à peu des questions et qui est tiraillée entre son « amitié » et la quête de Dieu. Elle est parfaite et le regard qu’elle arrive à tenir pendant très longtemps lors de l’une des dernières séquences du film ne peut que rester dans les mémoires. Tout comme ce film d’ailleurs, qui mériterait presque un second visionnage, dans pas très longtemps, pour en saisir vraiment tous les enjeux et en décrypter tout le sens car je suis persuadé que je suis passé à côté de pas mal d’éléments.



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