L'Article
Alors qu’il vient de connaître un immense succès avec son premier livre, Marcus Goldman se retrouve face au cauchemar de tout écrivain : le syndrome de la page blanche. Son éditeur ne cesse de le harceler mais rien ne vient. Surgit alors un événement inattendu : son mentor en écriture, Harry Quebert, devenu un ami, est mêlé au meurtre d’une jeune fille de quinze ans, trente trois auparavant. Convaincu de son innocence, Marcus va se lancer dans une grande enquête qui pourrait bien, pourquoi pas, lui apporter aussi un sujet pour ce fameux livre qui ne veut pas venir...
Cela faisait longtemps que j’entendais parler de ce roman qui avait fait grand bruit il ya deux ans puisqu’il avait remporté le Goncourt des Lycéens ainsi que le Grand Prix de l’Académie française tout en faisant partie des quatre finalistes pour le Goncourt (le vrai). Tant d’honneurs, et un tel déchainement de passion (il suffit de voir les forums sur internet) pour un jeune auteur suisse d’à peine vingt-sept ans, il faut bien dire que cela intriguait. Et puis, étant tombé dessus dans la bibliothèque de Morestel, je me décidais à me lancer même si les presque 660 pages avaient de quoi un peu décourager au premier abord… Mais il ne faut surtout pas s’arrêter à cela et, une fois plongé dans la lecture de ce roman, il est très difficile de s’en détacher. Le fait que mon week-end ait été en grande partie consacré à ce livre en est une réelle preuve. Alors, pourquoi a-t-on autant envie de tourner les pages sans pouvoir s’arrêter ?
Car La vérité sur l’affaire Harry Quebert est avant tout un véritable polar qui nous emmène au cœur d’une enquête qui se déroule à deux époques différentes puisqu’il s’agit d’un meurtre ayant eu lieu trente-trois ans plus tôt mais dont presque tous les protagonistes sont encore vivants et donc encore suspects à leur façon. Marcus Goldman est plongé dans le passé mais ce sont aussi ses actions dans le présent qui vont avoir un impact non négligeable. Les rebondissements sont nombreux, comme les fausses pistes. Et, surtout, l’auteur est entraîné dans cette petite cité d’Aurora, New Hampshire, dont il commence à comprendre les secrets, les non-dits et les surprises. Certains personnages (la mère de Marcus notamment) sont assez hilarants (et presque cartoonesques). C’est hyper rythmé et on ne s’ennuie jamais et on a toujours envie de savoir ce qui va se passer et qui va tout remettre (une nouvelle fois) en cause. Mais là où ce livre est assez formidable, c’est qu’il ne se contente pas de cette enquête (pourtant, il y a déjà de quoi faire) mais l’enserre plutôt dans une réflexion loin d’être inintéressante sur l’écriture en général (les principes de l’édition tout comme le fait de réussir à rédiger un roman de qualité) mais aussi sur les Etats-Unis (le livre se passe pendant la campagne présidentielle de 2008). Bref, La vérité sur l’affaire Harry Quebert est un livre « à tiroirs », ceux-ci s’ouvrant et se refermant parfois de façon assez surprenante.
Je ne me permettrai pas de juger le fait qu’il ait reçu ces récompenses (ce qui semble chagriner beaucoup de monde) car je n’ai pas assez de recul. Il est vrai que ce n’est pas un livre au style extraordinaire et il y a même quelques expressions assez étranges parfois mais il y a vraiment quelque chose qui le rend très attachant, à la fois dans sa construction (la façon de mêler les époques) et dans la manière qu’il a d’ajouter à cette enquête une réflexion sur l’écriture d’un roman. Quand on lit 660 pages en moins de quatre jours et qu’on y prend un vrai plaisir, c’est à mon sens que le livre est une réussite. Peut-être pas le livre du siècle (je préférerai toujours l’écriture d’un Murakami ou d’un McCarthy) mais tout de même un roman qui vaut largement le coup d’être lu. Je suis sûr que si vous mettez un doigt dans l’engrenage, vous aurez beaucoup de mal à vous en sortir !!
« Je trouvai un nouvel emploi pour Denise, je pris contact avec des avocats qui pourraient m’être utiles au moment où Schmid & Hanson décideraient de me traîner en justice, et je fis la liste des objets auxquels je tenais le plus et qu’il me faudrait cacher chez mes parents avant que les huissiers ne viennent frapper à ma porte. Lorsque débuta le mois de juin, mois fatidique, mois de l’échafaud, je me mis à compter les jours jusqu’à ma mort artistique : trente petits jours encore, puis une convocation dans le bureau de Barnaski et ce serait l’exécution. Le compte à rebours avait commencé. Je ne me doutais pas qu’un événement dramatique allait changer la donne. »
Joël Dicker signe là un livre qui, s’il n’est pas renversant au strict point de vue stylistique, n’en reste pas moins un roman assez extraordinaire, notamment par sa construction et par son côté totalement addictif. On a tellement envie de suivre les aventures de Marcus Goldman que l’on a vraiment du mal à lâcher le livre. Et ça, c’est quand même souvent plutôt bon signe !!