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EN FINIR AVEC EDDY BELLEGUEULE DE EDOUARD LOUIS

 L'Article


Edouard Louis

Dans une auto-fiction assumée, Edouard Louis raconte sa jeunesse dans le village de Picardie où il a vécu jusqu'à partir au lycée. Il y parle notamment du rejet qu'il a toujours subi, surtout du fait de ses manières efféminées. Mais c'est aussi une vraie plongée dans un univers terrible où misère, alcool et violence sont au cœur de toute relation. 


C’est, depuis qu’il est sorti en janvier dernier, un des phénomènes littéraires les plus surprenants de ces dernières années puisque personne n’attendait ce livre écrit par un jeune homme de vingt-et un an, seulement connu jusque-là pour avoir dirigé un ouvrage collectif dédié à Pierre Bourdieu. Son ouvrage a en tout cas fait l’effet d’une bombe et les médias en ont énormément parlé. Il faut dire que le sujet est fort et qu’il est forcément en lien avec l’actualité, à la fois par rapport à la question de l’homophobie mais aussi plus généralement sur cette France que l’on ne connaît pas trop (une France à la fois rurale et désindustrialisée) et que l’on considère dans les médias (à tort ou à raison) comme le vivier d’un vote FN qui a fortement augmenté ces dernières années. Et Edouard Louis nous donne à voir tous les aspects de cette vie qu’il a vécu étant jeune. En tout cas, c’est son point de vue. Et celui-ci est assez terrible puisque c’est une sorte de plongée dans une certaine forme d’ « horreur » qui nous est proposée et rien ne nous est épargné : violence, racisme, homophobie, inculture,… Le portrait qui est fait de la vie de ce village est absolument terrible et c’est là où, honnêtement, j’ai commencé un peu à saturer.

 

En effet, à force d’en rajouter toujours plus, d’aller plus loin dans la description (notamment en mettant toujours ce que peuvent dire les personnes de son entourage, en italique, pour bien montrer la différence), j’ai eu le sentiment qu’Edouard Louis en rajoutait, collectionnant les clichés, comme s’il avait besoin de prouver un peu plus un discours déjà assez clair comme cela et qu’en étant aussi voyeur, il finit par faire perdre de la force à son propos de départ. De plus, le style est parfois un peu embrouillé et la chronologie est assez difficile à saisir puisque c’est fait d’allers-retours successifs où des passages semblent être en incohérence avec d’autres. Il y a quelques passages un peu plus réussis (notamment l’épisode du cousin) parce que, justement, l’auteur réussit un peu à prendre du recul par rapport à ce qu’il raconte

 

En annonçant d’emblée que c’est un roman (tout en laissant penser que tout ce qu’il dit est vrai), il se laisse vraiment la possibilité de dire ce qu’il veut, sans avoir à « rendre de comptes », selon la sacro-sainte « liberté littéraire ». Et je trouve personnellement le procédé assez malsain car, avec un tel livre, il se place forcément du « bon côté », en faisant passer tous ceux qui l’ont côtoyé dans son enfance pour des ploucs assez terribles en les jugeant très durement. Et ceux-ci n’ont aucun moyen de se « défendre ». Ils sont juste ce qu’Edouard Louis a voulu en faire. Le lecteur sera nécessairement du côté de l’auteur et c’est « facile » de procéder comme cela. Bien sûr, un écrivain peut écrire ce qu’il veut et s’il a ressenti les choses comme cela, il a le droit de les présenter ainsi mais, pour dire les choses clairement, je trouve cela obscène et ça m’a fortement dérangé et empêché toute empathie avec ce personnage (ou cet homme, la frontière est floue).

« Chez mes parents, nous ne dînions pas, nous mangions. La plupart du temps, même, nous utilisions le verbe bouffer. L’appel quotidien de mon père C’est l’heure de bouffer. Quand des années plus tard je dirai dîner devant mes parents, ils se moqueront de moi Comment il parle l’autre, pour qui il se prend. Ca y est il va à la grande école il se la joue au monsieur, il nous sort sa philosophie. »

Si Edouard Louis livre un témoignage fort sur une certaine misère sociale, je trouve qu’il en fait trop et que cela finit par desservir son discours de base. Ça tourne bien trop au règlement de comptes familial et même villageois puisque tout le monde en prend pour son grade. Un livre forcément marquant mais qui, dans l’ensemble, ne m’a pas convaincu, tant le procédé m’a déplu.



En finir avec Eddy Bellegueule




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