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TimFaitSonCinema
Julian vit à Bangkok du trafic de drogue et des combats clandestins de boxe. Lorsque son frère, associé à lui, est tué sauvagement, il voit sa mère débarquer et exiger de retrouver ceux qui ont fait ça. Mais Julian est-il à la hauteur ?
Verdict:
Bien plus radical que Drive, Only God Forgives séduit par la beauté de certaines séquences et par le jeu d’acteurs mais, à force de trop en faire et de tant dédaigner le scénario, Nicolas Winding Refn finit par faire perdre de l’intérêt à son long-métrage. Une petite déception, quand même…
Coup de coeur:

Les trois acteurs principaux

La date de sortie du film:

22.05.2013

Ce film est réalisé par

Nicolas WINDING REFN

Ce film est tagué dans:

Thriller

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 La Critique


En voilà un autre qui était très attendu depuis son précédent film. Il y a deux ans, au Festival de Cannes, Drive avait remporté un Prix de la mise en scène qui était loin d’être immérité. Ensuite, lors de sa sortie à l’automne, une sorte de buzz assez incroyable est né autour de ce film. Il faut quand même dire que c’était un long-métrage de qualité, mais assez étrange ou, en tout cas, qui ne répondait pas vraiment à ce que beaucoup de gens attendaient (je me souviens de l’avant-première où, visiblement, la plupart des spectateurs étaient surpris). Il y a aussi la chanson de générique (Nightcall de Kavinsky) qui a beaucoup fait parler, tout comme la performance absolument lunaire de Ryan Gosling qui, grâce à ce film, « renaissait » au cinéma. Au final, cela donnait un total d’entrées de plus d’un million et demi, ce qui était une grande surprise et une forme de « mythe », il faut bien le dire, autour de ce film. Autant dire que le réalisateur danois était scruté avec plus que de l’intérêt et quand, très vite, on a su que Ryan Gosling ferait de nouveau partie du projet suivant, que celui-ci se déroulerait à Bangkok – ville qui trouve de plus en plus de place dans le cinéma mondial pour son côté assez interlope (il n’est que voir le deuxième volet de Very Bad Trip) – , ça s’est un peu emballé. Le Festival de Cannes n’a pas laissé passer l’occasion de revoir le Danois et a donc fait de ce film l’un des candidats de la Sélection officielle. La projection de presse s’est plutôt mal passée puisque le film s’est fait huer par une partie de l’assistance. Puisqu’on a la chance de le voir sortir en même temps en salle, on peut le juger immédiatement. Et alors ?

La première chose que l’on peut dire, c’est que ce Only God Forgives est plutôt un drôle d’objet et, en tout cas, un film comme on n’en voit pas tant que ça. Ceux qui trouvaient que Drive était à la fois longuet sur les bords et particulièrement violent risquent d’en être cette fois-ci pour leurs frais. Pour moi, c’est à la fois beaucoup plus lent mais aussi d’une violence plus brute et sauvage. En un sens, autant le dire d’entrée comme cela, ce film est bien plus radical que le long métrage précédent de Winding Refn, qui en avait déjà déconcerté plus d’un. Tout part déjà d’un scénario extrêmement mince qui repose en grande partie sur la simple idée de vengeance. D’autres thèmes vont se greffer dessus mais on arrive tout de même à quelque chose de très simple. Peut-être est-ce une volonté du réalisateur (aussi scénariste) afin de se détacher du besoin d’expliquer certains éléments qui pourraient être parasites afin de se concentrer sur ce qu’il considère ici comme essentiel ? Sans doute mais, tout de même, ça manque un peu de fond. C’est en fait une véritable plongée dans les bas-fonds de Bangkok avec ses quartiers louches, ses clubs pas très nets et tous les hommes qui y gravitent, locaux comme occidentaux. Mais ce qui est sans doute le plus fort dans ce film et qui en est l’un des aspects les plus importants, c’est la façon dont est montrée cette relation mère-fils. Julian est vu pendant tout le long-métrage comme un homme qui cherche une certaine virilité, avec de nombreux symboles (les statues toujours présentes en fond, notamment). Quand on voit arriver sa mère, on comprend qu’il est en fait totalement dominé et presque « castré » par celle-ci. Les scènes où ils se retrouvent les deux sont ainsi terribles pour ce personnage qui va en plus voir le peu de virilité qui lui reste en prendre un sacré coup, c’est le cas de le dire.

Plus que dans un scénario, qui n’était pas non plus la force principale de Drive, c’est bien dans la façon de faire que Winding Refn se radicalise tout en gardant une approche finalement assez similaire. C’est comme s’il disait au spectateur : « Vous n’aviez encore rien vu…». En faisant de son film plus une succession de tableaux que quelque chose de suivi, le Danois vire gentiment vers l’exercice de style plus qu’autre chose. Et le problème est que ça sonne un tout petit peu creux. Alors, c’est sûr, c’est souvent absolument magnifique mais, pour le coup, ça tourne beaucoup plus à la démonstration qu’autre chose. Pour le dire ainsi et un peu brutalement, Only God Forgives a même un côté un peu prétentieux sur les bords. Drive pouvait nous faire pressentir cela mais là, clairement, Winding Refn se regarde un peu filmer. Mais, le pire, c’est que c‘est un formidable metteur en scène car il construit des séquences parfois magistrales et c’est souvent virtuose visuellement (notamment dans la gestion des ombres) mais là, ça ne passe pas vraiment… Il y a notamment un vrai travail sur les couleurs puisque presque aucune scène ne se passe en « couleurs naturelles » : ce sont dans des teintes de jaunes, de bleus et de rouges très saturées que toute l’histoire se déroule. Cela donne en tout cas un aspect complètement halluciné à l’ensemble. La musique elle-même, une nouvelle fois composée par Cliff Martinez, est aussi moins facile à déchiffrer puisqu’elle mélange différents styles dans un mélange pas toujours vraiment digeste. Pour ce qui est de la violence, partie importante du cinéma de Winding Refn, elle me semble ici bien différente que dans son film précédent où quelques scènes choquaient par leur côté extrêmement brutal et inattendu (la fameuse scène de l’ascenseur par exemple). Ici, c’est beaucoup plus fléché – on voit les coups venir – mais c’est aussi plus long et moins supportable. Je pense notamment à une séquence de cinq minutes absolument terrible. En ce sens, pour moi, ce Only God Forgives est bien l’un des films les plus violents et durs que j’ai pu voir ces derniers temps (et même depuis longtemps).

Pour ce qui est du jeu d’acteurs, on retiendra les trois performances principales, entre un Ryan Gosling mutique au possible (il doit dire dix mots tout au plus dans le film) mais faisant preuve de toujours autant de présence, un Vithaya Pansringarm (acteur thaïlandais, comme son nom l’indique) glaçant en policier justicier et chanteur à ses heures perdues, et surtout une Kristin Scott Thomas absolument incroyable. On ne l’attendait pas du tout dans un rôle comme celui-ci : mère odieuse, blonde peroxydée,… C’est l’une des vraies surprises du film et c’est un sacré coup de maître de la part de Winding Refn que d’avoir pu penser à l’actrice franco-britannique pour cette composition bien loin de ce qu’on a l’habitude de la voir faire. Ces trois comédiens s’inscrivent parfaitement dans l’ambiance voulue par le réalisateur et c’est déjà un bon point. Only God Forgives est en tout cas un film qui risque de diviser encore plus que les précédents de ce réalisateur. Et, visiblement, ça commence déjà quand on jette un œil sur les avis autour de ce long-métrage. Moi-même, j’ai finalement du mal à me faire une vraie idée de ce film, tiraillé que je suis entre la beauté visuelle de certaines séquences et la vacuité de certaines autres. C’est aussi pour cela que ce n’est pas un film facile à réellement appréhender. Maintenant la question est la suivante : repartira-t-il en fin de semaine avec un prix ? Dans l’absolu ce n’est pas impossible car tout n’est pas à jeter dans Only God Forgives mais on peut tout de même un peu regretter que le réalisateur ait voulu trop lui donner un aspect stylisé. Cela lui fait perdre de la vie et ne lui permet pas d’être un vrai bon film. Ca sera peut-être pour la prochaine fois, qui sait ? Mais pour cela, il faudrait que Winding Refn en revienne à des choses un tout petit peu plus « simples ».



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