La Critique
De Sofia Coppola, j’ai un souvenir très précis, celui de son film Marie-Antoinette devant lequel je m’étais littéralement endormi avant de me faire réveiller brutalement par une chanson des Strokes. C’était pendant la fête du cinéma 2006 (circonstance atténuante car à l’époque, c’était un film toutes les deux heures pendant trois jours…) et, vraiment, j’avais eu beaucoup de mal avec ce long métrage dont je n’avais vraiment compris ni l’objet ni l’esthétique. Depuis, elle a réalisé Somewhere que j’ai fui autant que j’ai pu malgré son Lion d’or obtenu à la Mostra de Venise. Autant dire que c’est plutôt compliqué pour moi d’avoir un avis positif sur cette réalisatrice et j’ai même une forme d’a priori pas forcément fondé mais qui tient sans doute de l’espère d’aura qu’elle a dans certains cercles de critiques, phénomène que j’ai toujours du mal à comprendre et dont je me méfie. Il faut aussi dire que je n’ai encore pas vu ce qui est considéré comme son meilleur film, à savoir Lost in Translation, ce qui, forcément, n’aide pas non plus… J’ai tout de même décidé de me donner une nouvelle chance avec son dernier long-métrage présenté dans la sélection Un certain regard au dernier Festival de Cannes et qui n’a pas reçu un si mauvais accueil que cela. Par contre, de mon côté, je dois bien dire que mon avis est plutôt négatif car ce film m’a bien plus agacé qu’autre chose. On ne peut pas dire que ce soit mauvais mais il y a vraiment trop de défauts pour en faire un long métrage au moins passable.
Pendant une heure et demi (pas plus), on ne peut s’empêcher de voir ce film comme le reflet beaucoup moins trash et sulfureux du dernier film d’Harmony Korine : Spring Breakers. Si le milieu dans lequel évoluent ces jeunes n’est pas le même (ceux de The Bling Ring viennent de la haute de Los Angeles), le point de départ est sensiblement identique : comment une bande de jeunes un peu désœuvrés commence peu à peu, sans forcément s’en rendre exactement compte, à faire n’importe quoi. Mais là où Korine jouait à fond sur le côté outrancier et borderline de son sujet, Sofia Coppola en reste à une version beaucoup plus épurée et sage. Et le résultat n’est pas vraiment à la hauteur, surtout parce que la réalisatrice ne s’empare pas vraiment du vrai thème sous-jacent du film : celui de savoir pourquoi cette jeunesse dorée, à qui il ne manque absolument rien, en vient à sombrer dans le fait d’aller voler directement dans les villas de stars. Ce sujet, au demeurant très intéressant et qui méritait un vrai traitement en conséquence, se révèle finalement très mince à cause de la manière minimaliste dont Coppola s’en saisit : on visite avec cette bande de jeunes les maisons les unes après les autres. Cela nous fait découvrir un envers du décor pas forcément passionnant (pour moi en tout cas) : défilé de tenues de marques toujours plus connues les unes que les autres, discussions sur les produits de beauté,… Forcément, vous imaginez bien que ça ne m’enchante pas des masses. Il y a aussi d’autres questions qui découlent du reste, qui sont rapidement évoquées mais qui sont autant de portes d’entrées séduisantes aussitôt refermées : le rapport aux stars, la fascination pour leur mode de vie, le besoin d’exister à travers elles, ou encore l’abandon des parents. Dans notre société actuelle, ce sont de vraies problématiques et ce film aurait pu être un bon angle pour les aborder mais, là encore, Coppola en reste à des intentions et c’est plus qu’agaçant.
Parce que le vrai souci avec The Bling Ring, c’est que c’est un long-métrage qui reste complètement désincarné puisque les personnages principaux ne dépassent jamais leur simple condition de « petits cons ». Sofia Coppola ne cherche jamais vraiment à expliquer le comportement de ces jeunes adolescents et se contente de les suivre sans ne jamais aller plus loin qu’une position qui confine presque ici à la posture. A la fin, on se demande presque, en tant que spectateur, si elle ne se moque pas un peu de nous en nous donnant à voir tout cela, sans avoir l’air d’y toucher et en refusant de manière aussi claire tout début d’analyse de ces comportements. Bien sûr, le rôle du cinéma n’est pas forcément de toujours donner un véritable sens à tout ce qui est montré, mais, là, tout de même, il me semble que c’est bien le cœur du sujet. Non, ce qui intéresse visiblement plus Sofia Coppola, c’est le côté un peu people de ces virées et, honnêtement, il y avait beaucoup mieux à faire. Alors, c’est vrai que, esthétiquement, ce n’est plutôt pas mal et qu’il n’y a pas grand-chose à en redire. Les acteurs, surtout des jeunes inconnus ou en passe d’être connus, font plutôt le boulot et Emma Watson continue – plutôt efficacement – à se « dévergonder » (même si ce n’est pas bien violent ici) et à effacer toute trace de sa première carrière. On peut aussi noter quelques idées de réalisation qui font de The Bling Ring un film que l’on ne peut pas qualifier de mauvais cinématographiquement. Mais quand tout cela est mis au service d’un fond aussi peu intéressant et même terriblement vide, il ne reste finalement plus grand-chose de vraiment acceptable…