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TimFaitSonCinema
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GRAND CENTRAL

Gary se retrouve embauché dans une centrale nucléaire, là où les radiations et les dangers sont les plus grands. Il tombe aussi sous le charme de la future femme de l’un de ses collègues. Quel sera le plus grand péril ?
Verdict:
Grand central est un film fort, qui aborde pas mal de sujets et le fait plutôt bien, notamment dans le sentiment général de danger qui est répandu. Mais j’y trouve trop de petits défauts pour que ça me convainque totalement…
Coup de coeur:

Tahar Rahim

La date de sortie du film:

28.08.2013

Ce film est réalisé par

Rebecca ZLOTOWSKI

Ce film est tagué dans:

Drame amoureux

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 La Critique


Rebecca Zlotowski fait complètement partie de cette génération de réalisatrices françaises qui se font de plus en plus remarquer dans le paysage cinématographique hexagonal. On peut ici penser à Céline Sciamma, Mia Hansen Løve ou encore Alice Winocour. Valérie Donzelli est aussi l’une des précurseurs de ce « nouveau cinéma féminin » comme on pourrait le nommer. Aujourd’hui, on a même l’impression que ces jeunes (souvent moins de quarante ans) réalisatrices ont, d’une certaine façon, pris le pouvoir car il semble y avoir moins de jeunes metteurs en scène aujourd’hui. Ce n’est pas une mauvaise chose, loin de là, car cela renouvelle à la fois le cinéma français dans son ensemble, mais aussi, peut-être des façons de faire un peu figées. C’est souvent à la Fémis que ces jeunes femmes se forment, ce qui semble quelque peu les enfermer dans des cadres un peu identiques, notamment au niveau des thèmes de prédilection (l’adolescence et le passage à l’âge adulte). D’ailleurs, pour son premier film, Belle épine, Rebecca Zlotowski n’y coupait pas en contant l’histoire d’une jeune fille livrée à elle-même et découvrant un nouveau monde. Rien de bien nouveau sous le soleil mais le film avait fait son petit effet, et avait même reçu le Prix Louis-Delluc du meilleur premier film, ce qui est loin d’être anodin, tout cela après une sélection cannoise à la Semaine de la critique. Personnellement, j’étais largement passé à côté, sans trop que je sache pourquoi d’ailleurs. Cette fois-ci, son nouveau film était présenté à Cannes dans la sélection « bis » (Un certain regard) et a fait pas mal de bruit après sa projection, certains parlant même de renouveau du cinéma français (expression entendue plus d’une fois depuis dix ans). De fait, Grand central est plutôt un bon film mais il lui manque quelque chose pour être un vrai grand long-métrage.

Ce qui est fort dans ce film, c’est la façon dont Rebecca Zlotowski rend très bien le danger indicible du travail qu’effectue Gary. En effet, dans une centrale nucléaire, on ne se rend pas compte de façon claire de ce qui peut nous guetter. Ce n’est ni une odeur, ni un liquide ou un solide mais bien quelque chose que l’on ne ressent pas directement. Un compteur doit indiquer les radiations et tout dépend de lui. Pendant tout le film, dès que le héros et son équipe se trouvent dans les parties les plus dangereuses, on ressent vraiment le danger. Le fait que la réalisatrice ait pu tourner dans une vraie centrale nucléaire (en Autriche puisque j’imagine qu’en France, les accès lui ont été fermés) donne vraiment du cachet et une bonne dose de véracité à l’ensemble en plus d’être instructif. De plus, l’histoire dans sa globalité est faite d’une tension permanente puisque plane toujours une idée de menace. A certains moments, on a vraiment le sentiment qu’il va se passer quelque chose et puis, finalement non, ou pas vraiment ce que l’on pouvait imaginer. C’est très bien fait car le spectateur se retrouve dans une sorte de position d’ « insécurité », étant toujours à l’affut du moindre évènement. Et le danger vient à la fois du travail, évidemment, mais aussi de ce qui se passe à côté. Car Grand central est aussi (surtout, je ne sais pas), un film sur un amour interdit. C’est d’ailleurs dans ce lien entre les deux dangers que se trouve le réel intérêt du film. Les deux sont clairement reliés pour Gary et ne font finalement qu’un. C’est pourquoi le danger est présent partout et la tension toujours à son comble.

Il y a dans la réalisation de Rebecca Zlotowski quelque chose d’assez magnétique. Elle sait parfaitement orchestrer de belles séquences même si, à mon goût, l’ensemble manque un peu de rythme et on a parfois l’impression qu’elle se regarde filmer. Mais il ressort vraiment quelque chose, pas forcément très facile à décrire. On est plus dans l’ordre de la sensation qu’autre chose. Par contre, au niveau technique, Grand central est très moyen du point de vue du son, comme souvent, malheureusement dans le cinéma français actuel. A force de trop vouloir aller cers une forme de naturalisme, on en perd un peu les fondamentaux… Car ce long-métrage est très réaliste - et parfois, presque, naturaliste tant on a l’impression de voir ces hommes filmés comme pouvaient être décrits les mineurs dans les romans de Zola. Ainsi, on peut parler de Grand central comme d’un film social, puisqu’il traite à la fois du travail lui-même mais aussi des conditions de vie qui vont avec. Et, le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas facile puisqu’aux accoutrements lourds et compliqués pour travailler et au danger toujours présent, répond un salaire pas forcément mirobolant et, surtout, l’impression de ne pas être considéré par rapport aux ingénieurs qui, eux, n’affrontent pas de si près les risques nucléaires et sont mieux considérés. Ce sont un peu les « sous-fifres » du nucléaire, d’ailleurs recruté sans aucune classification et dans des populations recherchant du travail à tout prix (jeunes déjà un peu marginalisés). C’est honnêtement une réalité qui n’est pas bien connue et qui méritait qu’on s’y intéresse.

C’est une forme de lutte des classes des temps modernes qui se joue ici même si on sent une certaine résignation dans le comportement de ces travailleurs. De plus, cela les marginalise dans la société, en tout cas le film les montre comme tel. Ils vivent dans un camping, entre eux, et font toujours les mêmes sorties. En même temps, ils développent aussi une vraie solidarité, aussi bien au travail qu’en dehors. Forcément, tout film sur le nucléaire est « polémique » étant donnés les débats qui ont lieu en France sur ce sujet. Mais, là, honnêtement, Grand central ne me semble pas vraiment un acte politique sur ce sujet. Plus que s’attaquer à la problématique du nucléaire (même si l’idée d’un danger toujours présent est très importante dans le film), la réalisatrice veut plutôt nous donner à voir une réalité finalement assez peu connue : celle de l’existence de travailleurs que l’on peut qualifier de « déclassés » et qui font le sale boulot. Parmi ceux-ci, celui que l’on suit plus particulièrement est un jeune homme qui semble un peu perdu et qui trouve là-bas une sorte de famille. Il est interprété par un Tahar Rahim, une nouvelle fois excellent dans un rôle très nerveux et intense. On a toujours le sentiment que brûle en lui une sorte de feu, toujours prêt à jaillir. Olivier Gourmet et Denis Ménochet sont eux-aussi parfaits dans des rôles qui leur conviennent bien. Par contre, je reste toujours aussi circonspect à propos de Léa Seydoux qui, film après film, peine vraiment à me convaincre. Un peu comme ce film qui, malgré de bonnes intentions, patine par moments et ne reste qu’au stade de la belle promesse.



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