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DIAS DE GRACIA

Mexico. 2002, 2006, 2010. Trois années où se jouent des Coupes du Monde de football. Trois histoires où la survie est en jeu. Trois destinées qui ont aussi des liens les unes avec les autres.
Verdict:
Un film assez impressionnant qui, s’il n’est pas exempt de tout défaut, a le mérite d’être vraiment prenant pendant plus de deux heures et d’offrir quelques moments de cinéma tout simplement virtuoses.
Coup de coeur:

Quelques plans séquences incroyables

La date de sortie du film:

13.06.2012

Ce film est réalisé par

Everardo GOUT

Ce film est tagué dans:

Thriller

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 La Critique


Ces dix dernières années, le cinéma mexicain a offert beaucoup de talents, tant chez les réalisateurs (Alfonso Cuarón ou Guillermo Del Toro, pour ne citer qu’eux) que dans la caste des acteurs (Gael Garcia Bernal ou Diego Luna par exemple). Ceux-ci sont découverts dans des films du cru avant de migrer à peine plus au nord, à Hollywood, où les budgets et les possibilités sont beaucoup plus importants. Mais ce cinéma a surtout « donné naissance » à Alejandro González Iñaritu, un réalisateur dont les deux premiers films m’avaient beaucoup marqué (Amours chiennes et 21 grammes). Les deux suivants (Babel et Biutiful) sont beaucoup plus discutables même si, pour Babel, il faut vraiment que je le revois car je suis persuadé que j’avais été plus déçu par ce que j’en attendais que par la qualité du film en elle-même. Lors du Festival de Cannes 2011, un film mexicain avait été présenté hors compétition, un peu dans l’indifférence générale. Ce film, il sort en France plus d’un an après. Et on se demande un peu pourquoi il a fallu attendre su longtemps. Parce que Dias de gracia est vraiment le genre de films qui marque les esprits.

La séquence d’introduction nous plonge d’emblée dans une ambiance assez contrastée : alors qu’une voix-off énonce les « règles du jeu » du Mexique actuel, en lien avec le football, véritable fil rouge de tout le film, la caméra survole un Mexico au soleil levant avant de s’arrêter sur trois hommes qui se tiennent en joue mutuellement. Le ton est donné. Dias de gracia est un film sombre qui s’intéresse à trois histoires terribles, impliquant des couches différentes de la société et tout cela pendant des Coupes du Monde, période considérée au Mexique comme un peu à part car les gangsters tout comme les policiers relâchent leur attention. Le récit qui apparaît centrale est celui qui se passe en 2002. Il ouvre véritablement le long-métrage (séquence assez impressionnante) et c’est surtout elle qui en donne véritablement le rythme : il s’agit de l’histoire d’un policier qui va peu à peu être entraîné dans des histoires le mettant, lui et ses proches, de plus en plus en danger. Il va finir par mener une véritable vendetta personnelle. En ce sens, ce personnage me rappelle un peu le héros de Drive, qui voit lui aussi peu à peu sa vie basculer dans le chaos à mesure que son « enquête » avance. Les deux autres récits, eux, sont un peu moins intéressants car plus statiques. Ils ont rapport à un enlèvement, l’un vu du côté du kidnappé lui-même et l’autre du côté de sa famille.

Mais c’est véritablement dans l’imbriquement des trois histoires que se trouve la force du film, alors que c’est un défi quand même assez complexe (trois temporalités sont en jeu). Ainsi, en plein cœur du long-métrage, une séquence est particulièrement marquante : il s’agit d’une libération de prise d’otage lors de deux époques (2002 et 2006), libération qui n’aura pas le même impact sur les personnages principaux. Il y a une façon chez le réalisateur de faire monter la tension qui est incroyable, et qui est véritablement symbolisé dans ce passage assez exceptionnel. Ces trois époques sont différenciées de façon assez claire au niveau technique puisque le format de l’image de l’histoire en 2002 n’est pas le même que celui des deux autres. La musique, elle aussi, n’est pas identique suivant la période avec trois artistes différents. Elle a peut-être le défaut d’être un peu trop présente mais sa qualité et l’intelligence de son utilisation sont tels que ça ne dérange finalement pas plus que cela. Il y a donc une véritable couleur à chacune des histoires et chacune a ses personnages emblématiques. Par contre, il y a une vraie constante, c’est dans la façon dont le réalisateur est doué pour faire des plans assez incroyables. Si on doit en retenir un seul, c’est cette intervention des policiers sur le lieu d’un braquage. Ça se poursuit par une course poursuite dans les rues de Mexico, puis enfin, par une arrestation pour le moins violente. Tout cela dans un seul plan séquence d’une beauté et d’une maitrise techniques tout simplement sidérantes. De même, tout le film repose sur cette force qu’a le réalisateur de ne plus lâcher le spectateur jusqu’à la fin. Pourtant, c’est étrange car on sent un peu trop venir les évènements (on comprend assez vite qui sont les traitres et les méchants) mais là ne semble pas vraiment l’important pour le réalisateur qui préfère se focaliser sur ses personnages et leurs actions.

Attention, ce film est loin d’être parfait. On peut en effet reprocher au réalisateur d’en faire parfois un peu trop, notamment dans une façon de filmer un peu toujours à la recherche de l’effet plus que l’efficacité. Cet Everardo Gout pourrait même passer pour prétentieux mais la maitrise de certaines séquences montre bien qu’il a un vrai talent dans la réalisation. Talent qu’il a peut-être tendance à un peu trop surestimer et mettre en avant. Au niveau du scénario et de la façon de la mettre en scène, il y a parfois quelques passages embrouillés, notamment entre les histoires des années 2006 et 2010. Celle de 2002 est beaucoup plus distincte et ne pose pas vraiment de problèmes. Par contre, pour les deux dernières, on ne sait plus vraiment où on en est réellement. C’est là que s’y connaître en football peut être utile puisqu’en fond, on entend ou on voit souvent les Coupes du Monde se dérouler. En fonction des matchs qui ont lieu, j’ai réussi à me repérer du mieux possible. Globalement, ça a tendance à manquer un peu de clarté. Mais c’est aussi sans doute quelque chose de recherché par le scénario : embrouiller un peu le spectateur pour qu’il voit que ces histoires sont complètement imbriquées et ne forment finalement qu’une vision de la société mexicaine contemporaine.

D’ailleurs sur ce point, on peut aussi dire que ce film n’est pas vraiment dans l’analyse de la situation actuelle du pays mais plutôt dans une forme de démonstration par l’image. Malgré tout, les ponts qui existent entre les différentes histoires nous font prendre conscience que certains évènements peuvent faire basculer des personnes de façon durable. Mais je ne suis pas persuadé qu’il faille reprocher au réalisateur de ne faire que montrer cette violence quotidienne. En effet, il n’a pas le souhait d’en chercher les explications et son film se situe donc plus sur le registre du thriller et de l’action, bien plus que sur l’analyse sociologique (l’un n’empêchant pas l’autre me direz-vous). Dans tous les cas, Dias de gracia fait vraiment partie de ces films qui prennent aux tripes le spectateur d’entrée et qui ne le lâchent plus jusqu’à la fin, réussissant lors de certaines séquences plus fortes à faire monter la tension et l’excitation à des niveaux vraiment intéressants. Pour cela, on ne peut que féliciter le réalisateur et je serai particulièrement attentif à la suite de sa carrière qui devrait logiquement se trouver du côté américain, comme ses illustres ainés. Il a peut-être besoin de canaliser un peu sa fougue et de calmer un peu sa caméra, mais on sent qu’il y a une véritable maitrise derrière tout cela et on ne peut que le remarquer et l’apprécier. Il a dans tous les cas offert avec son Dias de gracia un des grands moments cinématographiques de l’année et c’est déjà pas mal du tout.



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