Je pense que chacun sait que je suis un très grand amateur de sport et que, parmi ceux-ci, il y’en a certains qui me font encore plus vibrer que d’autres, et ceci depuis longtemps. Le tennis et le foot font partie évidemment de ce cercle restreint, pour des raisons différentes, mais si je ne devais retenir qu’un sport, ce serait sans doute le biathlon. Depuis que je suis tout jeune, je m’intéresse à cette discipline assez étrange (ski de fond et tir à la carabine, pour ceux qui l’ignoraient encore), avec comme première idole sportive (sans doute avant Federer) Raphaël Poirée, celui qui était alors le plus grand biathlète français. D’ailleurs, l’une de mes plus grandes fiertés est à la fois d’avoir deux autographes de ce grand sportif mais aussi d’avoir assisté à la dernière course de sa carrière, en 2007, à l’occasion des Championnats de France au Grand-Bornand. Je crois que j’ai en plus donné le virus du biathlon à certaines de mes connaissances au fil du temps… On ne peut donc pas me dire que je m’enflamme uniquement quand les résultats sont là ou que je suis un « biathlonix » (terme qui n’existe – heureusement – pas encore).

Ainsi, voir le biathlon autant médiatisé cette année me rend vraiment heureux. Il faut dire qu’il y a quatre ans, j’avais signé un article intitulé Manifeste pour un biathlon médiatique à la sortie de Championnats du Monde en tout point réussis pour l'Equipe de France. Depuis, il y a eu du mieux avec la couverture par France Télévisions des Mondiaux 2015 et une attention globalement plus poussée pour ce sport. Il faut dire que l’on tient depuis quelques années un sacré phénomène, en la personne de Martin Fourcade, athlète exceptionnel et qui a le mérite de plutôt bien passer dans les médias. Un pas a encore été franchi cette année avec la couverture intégrale de la saison sur une chaine gratuite et disponible par tous (Lequipe21). Pour ces Mondiaux, il me semble que l’on est encore passé dans une autre dimension avec, comme point d’orgue, cette double une (samedi 5 et dimanche 6 mars) pour saluer la performance de Fourcade. Au-delà de cette grande réussite médiatique, il est important de revenir sur les performances sportives de nos biathlètes français.

HOLMENKOLLEN : QUOI DE MIEUX POUR DES MONDIAUX DE BIATHLON ?

Il faut débuter en parlant du cadre de ces Mondiaux de biathlon. En effet, la Norvège est le pays des disciplines nordiques et si le ski de fond est une véritable religion là-bas, le biathlon se place également comme l’un des sports rois. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si le souverain de Norvège, Harald V, a sa loge dans les tribunes et qu’il l’a occupé lors de presque toutes les courses disputées. La colline d’Holmenkollen a ceci de particulier qu’il s’agit en fait d’un quartier de la capitale du pays et que c’est un lieu où les habitants de la ville viennent faire du ski comme ceux de Lyon vont courir dans les allées du Parc de la Tête d’Or. Et avec son magnifique tremplin de saut à ski et ses très nombreuses pistes, c’est véritablement le cœur européen des disciplines nordiques. 

La fameuse colilne d'Holmenkollen qui surplombe Oslo...

Ainsi, voir se disputer les Mondiaux de biathlon dans ce cadre avait quelque chose de « magique » et les organisateurs ne nous ont pas déçu avec le rajout de nombreuses tribunes, une réalisation télévisuelle au top (mention pour la grande caméra en l’ai au-dessus de la ligne droite de départ) et, surtout, un public assez dingue. On a senti pendant ces dix jours l’importance de ce sport et notamment lors de ce dernier week-end de compétition. Le relais masculin et les Mass Start se sont ainsi déroulés dans une ambiance absolument exceptionnel avec du monde tout le long de la piste. On a vraiment le sentiment que gagner un titre ou une médaille lors de ces Championnats du Monde d’Oslo a presque plus de valeur que lors d’un autre…

Et des titres ou des médailles, les Français en ont remporté plus d’un, c’est le moins que l’on puisse dire, faisant de La Marseillaise le nouveau titre à la mode en Norvège ! Il faut dire que c’était parti très fort avec un relais mixte gagné dès le premier jour après une course de toute beauté où Martin Fourcade a parfaitement conclu le travail de ses coéquipiers. A ce moment-là, on était déjà content et on ne se doutait pas du feu d’artifice qui allait suivre lors des dix jours suivants…

 

LES FEMMES : MARIE DORIN HABERT SUPERSTAR

La star incontestée de ces Championnats du Monde côté féminin aura été Marie Dorin Habert, la française qui est revenue avec six médailles, pour autant de courses disputées, un exploit réalisé une seule fois auparavant (par Tora Berger, en 2013). Celle qui s’est révélée grâce à une médaille de bronze olympique en 2010 à Vancouver, a pris son temps pour atteindre sa maturité mais depuis deux ans (et la naissance de sa fille Adèle), c’est une autre biathlète et elle est entrée dans une autre dimension, celle des très grandes championnes. C’est assez simple à résumer : en deux ans, Marie Dorin Habert a remporté les quatre titres individuels possibles et engrangé un total de huit médailles mondiales. Tout simplement hallucinant. Le tout avec ce sourire en bandouillère et cette impression de désinvolture.

Marie Dorin Habert n'a pas quitté ce sourire en deux semaines...

Et même sur ces Championnats, on a senti une vraie évolution avec une prise de conscience de ses capacités et une façon d’être bien moins stressée sur ses tirs debout notamment. Sa Mass Start est ainsi un modèle du genre : un tir à la fois posé mais sans aucune gamberge. Il lui reste maintenant à continuer sur cette lancée la semaine prochaine pour les finales de la Coupe du Monde en Russie, car le général de la Coupe du Monde n’est pas tout à fait perdu… Et il faut dire également un mot d’Anaïs Bescond, auteur de très bons championnats, qui valident également une jolie progression sur ces dernières années. D’ailleurs, cette arrivée de l’Individuelle est sans doute le moment fort de ces Championnats du Monde avec deux véritables amies qui se tombent dans les bras, n’en revenant pas de signer un doublé historique pour la France.

En plus de cette performance exceptionnelle de Marie Dorin Habert, on pourra remarquer la très bonne densité du collectif français lors de ces Mondiaux, symbolisé à la fois par une très belle médaille d’argent lors du relais, mais aussi par la présence de quatre tricolores pour la Mass Start (qui réunit les meilleures biathlètes de la saison mais aussi de la compétition en cours), faisant de la France la seule nation dans ce cas. D’ailleurs, les cinquième (pour Anaïs Bescond) et douzième (Justine Braisaz) places sont un dernier signe de cette réussite d’équipe. Seule la pauvre Anaïs Chevalier a complètement raté sa (première) Mass Start, terminant dernière à presque six minutes de sa compatriote. C’est très rassurant car, avec cette équipe relativement jeune (Braisaz n’a que 19 ans), et en constante progression, les perspectives sont vraiment belles pour les prochaines années (2018 et les Jeux Olympiques sont clairement dans le viseur). 

Le fabuleux doublé des françaises sur l'Individuelle...

Du côté des grandes favorites, la plus grosse surprise est venue de l’absence de médailles pour Gabriela Soukalova, très solide tout au long de la saison sur la Coupe du Monde (dont elle tient encore le leadership) mais qui est apparue un peu entamée sur ces deux semaines (ratant notamment des balles surprenantes sur le tir couché, là où elle est normalement si sûre). Laura Dahlmeier a fait très fort en ramenant cinq médailles en cinq courses (absente du relais mixte), ce qui est une performance très solide. Sinon, Tiril Eckhoff (médaille d’or), Dorothea Wierer (argent) ou Kaisa Makarainen (bronze) ont récupéré les quelques miettes qui restaient de podiums dont étaient absents de vraies surprises. La victoire des Norvégiennes en relais en constitue une petite mais, portées par leur public, elles ont réussi à se transcender, notamment au tir – leur point faible - et à devancer des nations a priori plus sûres sur le papier comme l’Allemagne ou encore l’Ukraine.

LES HOMMES : MARTIN FOURCADE, SI PRÈS DE L’HISTOIRE

Depuis cinq ans, il domine de la tête et des épaules le circuit du biathlon. Des globes en pagaille, des médailles à tire-larigot, des performances toujours plus folles et des victoires à la pelle. Bref, Martin Fourcade est devenu le patron incontesté de ce sport. Et, sur ces Mondiaux, il a juste été incroyable. Vainqueur de ses quatre premières courses, il a longtemps entretenu le rêve d’un Grand Chelem historique avec six titres. Si le relais est passé complètement à côté, lui est passé tout près d’un quadruplé individuel, échouant à la deuxième place d’une Mass Start d’anthologie avec un dernier tour où il s’est battu contre deux Norvégiens de générations différentes (Boe et Bjoerndalen) dans une sorte de combat des chefs. Ca reste des Championnats du Monde exceptionnels pour Fourcade qui s’est en plus assuré un cinquième Globe de Cristal (classement général de la Coupe du Monde) ainsi que les globes des spécialités. Il continue donc à régner en maître sur son sport, et ce n’est sans doute pas prêt de s’arrêter, tant sa régularité fait des merveilles. 

Une image dont on ne se lasse pas !!

Par contre, la déception sera venue de la performance d’ensemble de l’Equipe de France. Derrière Martin Fourcade, les résultats n’ont pas vraiment été à la hauteur avec une sixième place pour Simon Desthieux comme meilleure performance. Tout cela s’est finalement formalisé lors d’un relais très décevant qui a vu les quatre français ne jamais être dans le coup (au tir et sur les skis) et finir à une très anecdotique neuvième place. C’est un peu dommage, car, en plus de permettre à Martin Fourcade de croire à un Grand Chelem des médailles, ça ne reflète pas forcément le niveau réel de cette équipe qui peine quand même depuis quelques temps à réellement élever son niveau lors des grands rendez-vous. Quentin Fillon-Maillet est un bon espoir mais son niveau lors de ces Mondiaux montre qu’il doit encore prendre de la caisse pour durer sur toute une saison.

Qui a réussi à tirer son épingle du jeu derrière le cavalier seul de Martin Fourcade ? Sii Simon Schempp (aucune médaille individuelle) et Anton Shipulin (aucune médaille pour la Russie, un camouflet historique) n’ont jamais été dans le coup, ce sont les Norvégiens qui s’en sont le mieux tirés, mis à part le doublé autrichien derrière Fourcade sur l’Individuelle et la surprise Semenov sur le sprint. Et à ce jeu là, c’est en fait la légende norvégienne Ole Einar Bjoerndalen qui s’en est le mieux tiré avec trois médailles individuelles et un titre en relais, rien que ça, à quarante-deux ans, pour ce qui sont peut-être sa dernière saison (ou pas, on ne sait jamais avec cet animal). A noter le triplé de quatrième place de Johannes Thingnes Boe, le grand malheureux de ces Championnats du Monde, jusqu’à ce dernier wek-end et ses deux victoires : relais et, surtout, un titre de la Mass Start, à l’issue d’une course absolument folle, sorte de feu d’artifice de Mondiaux de très très grande qualité.

Johannes Thingnes Boe, enfin en pleine lumière pour la dernière course de ces Mondiaux

BILAN : DES MONDIAUX EXCEPTIONNELS

Cette année 2016 aura été un cru magnifique pour les Mondiaux de biathlon, que l'on soit français ou pas, d'ailleurs. Evidemment, la performance des biathlètes français (onze médailles dont six titres, une seule course sans médaille) a rendu encore plus belle cette compétition mais on a surtout eu droit à de nombreuses courses vraiment passionnantes (mention spéciale pour le relais mixte pour ouvrir et la Mass Start hommes pour conclure), dans un cadre grandiose. C'est en tout cas une très belle publicité pour ce sport magnifique qui mérite vraiment la couverture médiatique qui a été celle lors de ces Mondiaux.

Du point de vue sportif, les médailles ont très peu été partagées et ces Championnats du Monde ont sacré les pays forts du biathlon actuel. L'immense surprise vient de l'absence totale de la Russie, pourtant la fédération la plus importante en nombre de licenciés et la plus riche, dans ce tableau des médailles, ainsi que celle de la République Tchèque, que l'on n'attendait pas si "faible". La seule très grosse surprise est venue de la médaille de bronze des Canadiens sur le relais hommes. Les Français ressortent en tout cas comme les très grands vainqueurs de cette compétition, avec deux cahmpions d'exception comme tête de gondole.

L'année prochaine, ce sera à Hochfilzen (Autriche) de tenter de faire aussi bien en termes d'organisation et aux Français(es) de tenter de garder leurs titres. D'ici là, rendez-vous en fin de semaien prochaine en Russie pour conclure cette saison de grande qualité avec des choses à aller chercher (n'est-ce pas Marie Dorin...).

TABLEAU DES MÉDAILLES

Rang	Pays	Or	Argent	Bronze	Total
1	France	6	4	1	11
2	Norvège	4	2	3	9
3	Allemagne	1	3	3	7
4	Autriche	0	1	1	2
5	Italie	0	1	0	1
6	Canada Finlande Ukraine	0 0 0	0 0 0	1 1 1	1 1 1

Tableau des 33 médailles distribuées

 

Rang	Athlète (Pays)	Or	Argent	Bronze	Total
1	Marie Dorin Habert (France)	3	2	1	6
2	Martin Fourcade (France)	4	1	0	5
3	Laura Dahlmeier (Allemagne)	1	1	3	5
4	Ole Einar Bjoerndalen (Norvège)	1	2	1	4
5	Johannes Thingnes Boe (Norvège) Tiril Eckhoff (Norvège)	2 2	0 0	1 1	3 3
7	Anaïs Bescond (France)	1	2	0	3

Athlètes muli-médaillés (trois médailles ou plus)

LES PODIUMS

Relais mixte (Jeudi 3 Mars)

1. France (A. Bescond / M. Dorin Habert / Q. Fillon Maillet / M. Fourcade)

2. Allemagne (F. Preuss / F. Hildebrand / A. Peiffer / S. Schempp)

3. Norvège (M. Olsbu / T. Eckhoff / J.T. Boe / T. Boe)

Sprint hommes (Samedi 5 Mars)

1. Martin Fourcade (France)

2. Ole Einar Bjoerndalen (Norvège)

3. Sergey Semenov (Ukraine)

Sprint femmes (Samedi 5 Mars)

1. Tiril Eckhoff (Norvège)

2. Marie Dorin Habert (France)

3. Laura Dahlmeier (Allemagne)

Poursuite hommes (Dimanche 6 Mars)

1. Martin Fourcade (France)

2. Ole Einar Bjoerndalen (Norvège)

3. Emi Hegle Svendsen (Norvège)

Poursuite femmes (Dimanche 6 Mars)

1. Laura Dahlmeier (Allemagne)

2. Dorothea Wierer (Italie)

3. Marie Dorin Habert (France)

Individuelle femmes (Mercredi 9 Mars)

1. Marie Dorin Habert (France)

2. Anaïs Bescond (France)

3. Laura Dahlmeier (Allemagne)

Individuelle hommes (Jeudi 10 Mars)

1. Martin Fourcade (France)

2. Dominik Landertinger (Autriche)

3. Simon Eder (Autriche)

Relais femmes (Vendredi 11 Mars)

1. Norvège (S. Solemdal / F. Horn Birkeland / T. Eckhoff / M. Olsbu)

2. France (J. Braisaz / A. Bescond / A. Chevalier / M. Dorin Habert)

3. Allemagne (Preuss / F. Hildebrand / M. Hammerschmodt / L. Dahlmeier)

Relais hommes (Samedi 12 Mars)

1. Norvège (O.E. Bjoerndalen / T. Boe / J.T. Boe / E.H. Svendsen)

2. Allemagne (E. Lesser / B. Doll / A. Peiffer / S. Schempp)

3. Canada (C. Gow / N. Smith / S. Gow / B. Green)

Mass Start femmes (Dimanche 13 Mars)

1. Marie Dorin Habert (France)

2. Laura Dahlmeier (Allemagne)

3. Kaisa Mäkäräinen (Finlande)

Mass Start hommes (Dimanche 13 Mars)

1. Johannes Thingnes Boe (Norvège)

2. Martin Fourcade (France)

3. Ole Einar Bjoerndalen (Norvège)