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TimFaitSonCinema
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VICE-VERSA

La petite Riley a onze ans et sa vie est tout ce qu’il y a de plus heureuse, il faut dire que, au sein du Quartier Général qui contrôle son esprit, c’est Joie qui contrôle le tout. Mais alors que la jeune fille déménage vers San Francisco, Joie et Tristesse se retrouvent expulsées de cet endroit et laissent Colère, Peur et Dégoût prendre les manettes des émotions de Riley. Il va falloir faire vite pour ramener un certain équilibre…
Verdict:

Vice-versa est un petit bijou d’originalité, d’intelligence, d’humour et d’émotions en tout genre, devant lequel il est très compliqué de rester de marbre. L’ensemble est en plus servi dans un écrin visuellement exceptionnel. On ne peut pas demander grand-chose de plus. Non, Pixar n’est pas mort, loin de là !

Coup de coeur:

Tout cet univers imaginaire

La date de sortie du film:

17.06.2015

Ce film est réalisé par

PIXAR

Ce film est tagué dans:

Film d'animation

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 La Critique


Je n’irais pas jusqu’à dire que je commençais à désespérer des studios Pixar, mais, honnêtement, depuis cinq ans et cette merveille qu’était Toy Story 3, les hommes d’Emeryville ne m’avaient guère emballé. Entre des suites un peu faciles (Cars 2 et Monstres Academy) et un long métrage sympathique mais bien trop marqué Disney pour réellement séduire (Rebelle), il n’y avait vraiment pas de quoi s’enthousiasmer. On pouvait même dire que la maison mère commençait à prendre le dessus, soit en allant directement sur le terrain de Pixar (Les Mondes de Ralph et son côté très décalé) soit en revenant aux bonnes vieilles recettes (La Reine des Neiges, traditionnel à souhait mais tellement charmant). 2014 avait même été une année vierge de films pour le studio, la première depuis 2005. On pouvait alors presque croire que ceux qui ont révolutionné le cinéma d’animation au milieu des années 1990 étaient en totale perte de vitesse. Les annonces des prochains longs métrages n’étaient pas non plus des plus rassurantes avec (encore et toujours) des suites pour Le Monde de Nemo (2016), Toy Story (2017), Les Indestructibles (2018) et Cars (2019). Entre temps, deux projets originaux : Vice-versa, donc, et Le voyage d’Arlo, prévu pour l’année prochaine. Avec, aux commandes, Pete Docter, déjà aux manettes de Monstres et Compagnie et, surtout, de Là-haut, un scénario visiblement original, une inventivité graphique impressionnante visible dès les premières images, il y avait avec ce Vice-versa de sacrés motifs d’espoirs. Présenté Hors compétition à Cannes, le long métrage a ensuite fait un véritable carton, beaucoup de spectateurs se demandant même pourquoi il n’était pas en lice pour la Palme d’Or, c’est pour dire. Avait-on pour autant retrouvé le fameux esprit Pixar, celui qui faisait de nombreuses de leurs créations de vrais petits chefs d’œuvre, à la fois dans le fond et la forme ? La réponse est évidente et est pour le moins enthousiasmante : OUI.

 

Au-delà du fait que le court-métrage précédant le film soit de retour (plutôt mignon, soit dit en passant), ce qui marque le plus avec de nouveau long métrage, et c’est aussi ce qui fait le plus plaisir, c’est la manière dont se créée un véritable univers. Et il est constitué de toutes pièces car on est dans l’imagination la plus totale. En effet, il ne s’agit ni plus ni moins que du cerveau qui est reconstitué, avec tout ce que cela implique. Aux manettes, cinq émotions qui « dirigent » chaque personne avec l’une qui est dominante. Riley a la chance d’être principalement menée par Joie (alors que sa mère l’est par exemple par Tristesse et son père par Colère). Ce qui est fou, c’est la manière dont les représentations de ces sentiments sont parfaites et collent à des expressions que l’on connaît (rouge de colère, par exemple). Chacun a une vraie personnalité (forcément puisqu’il est l’incarnation de quelque chose de fort) et devient un personnage à part entière, auquel le spectateur ne peut que s’attacher. Eux se trouvent dans une sorte de tour de contrôle qui ressemble étrangement à l’image des navettes spatiales dans les films dans les années 60 ou 70. Cette idée est déjà formidable mais tout ce que les scénaristes créent autour est grandiose : ces souvenirs comme autant de billes colorées, ces îles de personnalités, ce studio d’enregistrement des rêves (dingo), ce subconscient… Tout cela est assez formidable et, surtout, hyper inventif. Tout au long du film, on va de découvertes en découvertes, toujours surpris par l’audace et le culot de scénaristes qui semblent s’être complètement lâchés sur cette affaire. Et, visuellement, c’est, comme toujours avec Pixar, exceptionnel : le travail sur les couleurs (très importantes ici) est parfait et il y a même des passages d’une inventivité dingue (notamment quand ils changent de forme, moment que l’on peut également voir comme un cours en accéléré d’histoire de l’art). Et jusqu’au générique de fin, ça ne s’arrête absolument pas (le cerveau du chat, c’est vraiment quelque chose). Bref, ce monde est tout simplement exceptionnel !

 

Mais ce qui est peut-être le plus dingue, c’est que cet univers suffirait presque à faire le film tant celui-ci est fouillé. Mais Pixar n’est pas du genre à s’arrêter à une bonne idée et le scénario décide ici d’aller plus loin et d’offrir alors un film bien plus profond et intelligent que son début (par certains aspects un peu cucul la praline) pourrait nous le laisser penser. Comme souvent (mais moins ces derniers temps), il y en a pour tout le monde, de l’adulte (qui prendra forcément son pied devant l’exceptionnelle scène du repas où l’on rentre dans le cerveau des parents, ce qui est hilarant) à l’enfant (qui se réjouira des cabrioles des différents sentiments) en passant par l’adolescent, qui se reconnaîtra forcément dans ce personnage de Riley, jeune fille déracinée qui se cherche. Ainsi, les niveaux de lecture se superposent et s’entremêlent pour que tout le monde y trouve son compte. Car, en fait, tout le fond de l’affaire a quelque chose de triste et c’est en ce sens le film le plus mélancolique de Pixar depuis Là-Haut (comme par hasard également réalisé par Pete Docter). Car, c’est un film qui parle avant toute chose du fait d’être seule, loin de ses amies, et d’une certaine forme de dépression qui peut arriver à ce moment-là chez les tout jeunes adolescents qui perdent leurs repères. Et il y a aussi toute une thématique autour de l’enfance perdue, représentée notamment par ce personnage imaginaire, et les souvenirs que l’on perd nécessairement. Le tout représenté de manière à la fois schématique et réellement poétique. Tout cela est très émouvant et le scénario a une manière extrêmement fine de mêler tous les sentiments et faire passer le spectateur du rire aux larmes (car, oui, on pleure) en quelques secondes. C’est pour cela que l’on peut dire que Vice-versa est un vrai film intelligent, qui parlera à tous.

 

Il y a aussi tout un renversement par rapport à ce que l’on voit habituellement. Et cela montre la capacité de Pixar à avoir un recul certain sur ce qu’il fait (et, d’une certaine manière, une vraie ironie). C’est d’abord le cas pour la ville de San Francisco qui est ici vue comme un repoussoir absolu alors que c’est Minnesota (sans doute l’une des villes les moins glamours des Etats-Unis) qui apparaît comme le Graal pour Riley qui y a passé son enfance. Et puis, surtout, c’est un film d’animation dont les personnages principaux sont des femmes (sans être des princesses même si, d’une certaine manière, Joie peut être considérée comme une forme de fée) et ce n’est pas une mauvaise chose en soi. Un petit mot sur la musique, composée par Michael Giacchino et qui s’inscrit très bien dans le long métrage, sans être trop présente. Et un autre sur les voix françaises qui sont, pour le coup, assez géniales, avec une mention spéciale pour Charlotte Le Bon, qui campe une Joie pétaradante. Les tout derniers instants laissent clairement la porte ouverte à une suite, qui se passerait alors à l’âge de l’adolescence (« qu’est-ce que c’est que ce gros bouton « Puberté » ? » demande l’un des personnages). Faut-il s’en inquiéter ? Sans doute un peu car on ne retrouvera jamais la magie de la découverte de cet univers complètement fou mais les scénaristes et Pete Docter, s’il est encore aux manettes, sauront trouver la manière de dépasser cet écueil et nous offrir un grand film. En tout cas, Vice-versa prouve bien quelque chose dont, franchement, je n’ai jamais réellement douté : quand Pixar décide de s’y mettre sérieusement et de laisser parler son talent, il n’a aucun rival en termes de studios d’animation. Et s’ils décidaient de rappeler cet état de fait tous les ans ? 



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mht 05.07.2015, 21:01

Merci pour cette excellente critique enthousiaste et enrichissante qui m'a permis de lire ce film a posteriori de façon plus complexe que je ne l'avais fait. Après, ce film m'a plu, mais disons sans plus. Je ne suis pas tombée sous le charme dont tu parles tant, mais grace à toi, je le perçois mieux.


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