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Thierry a la cinquantaine et se trouve au chômage depuis pas mal de temps. Alors qu’il soit s’occuper de son enfant handicapé, il peine à trouver un nouvel emploi. Quand il est embauché en tant qu’agent de sécurité dans une grande surface, il est confronté à la dureté du monde du travail…
Verdict:

Encore un sujet de société fort que Stéphane Brizé décide de traiter et, une nouvelle fois, il ne s’échappe pas à l’affronte complètement. Même si le scénario charge parfois un peu la barque et que la réalisation est par moments un peu trop aride, La loi du marché reste un film important, marqué par la performance exceptionnelle de Vincent Lindon.

Coup de coeur:

Vincent Lindon

La date de sortie du film:

19.05.2015

Ce film est réalisé par

Stéphane BRIZÉ

Ce film est tagué dans:

Drame

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 La Critique


Avec son nouveau film, Stéphane Brizé fait (enfin) la connaissance avec le Festival de Cannes, et ce directement en compétition officielle, ce qui n’est pas rien. Surtout dans une édition 2015 qui a fait la part belle aux têtes déjà connues (un peu comme toujours, me direz-vous). Et, d’une certaine manière, c’est mérité que ce réalisateur puisse obtenir cet honneur (car c’en est un) et cette reconnaissance (le Festival permet une exposition médiatique hors-norme). En effet, depuis une quinzaine d’années, il s’est taillé une place assez singulière dans le cinéma français avec des longs métrages qui n’ont pas forcément touché un grand public mais qui ont été reconnu par la profession et la critique. Si Je ne suis pas là pour être aimé (vu en DVD il y a peu) ne m’a pas forcément marqué, son dernier film – Quelques heures de printemps – a été une sorte d’électrochoc lorsque je l’ai vu au cinéma. J’avais trouvé ça magnifique, superbement interprété (Hélène Vincent, notamment, était magistrale) et surtout excessivement digne sur un sujet pourtant compliqué (la fin de vie). On trouvait d’ailleurs déjà au casting Vincent Lindon. Et ce qui est peut-être le plus étonnant, c’est que Stéphane Brizé découvre Cannes et ses paillettes avec un film qui, a priori, est très loin de l’univers du Festival. En effet, comme son nom l’indique, La loi du marché est un long métrage qui traite de la question du monde du travail et, pour le dire rapidement, c’est loin d’être glamour. Et ce n’est pas la distribution qui clinque non plus puisque, mis à part Vincent Lindon, ce ne sont que des acteurs non professionnels (compliqué pour la montée des marches…). Autant dire que l’on est très loin de ce que l’on montre toujours d’un Festival qui n’en est pas non plus à un paradoxe près… Cette exposition, et le Prix d’interprétation pour Lindon ont permis à La loi du marché de connaître un succès assez inespéré. Mais, au moins, ce buzz cannois est-il mérité ?

 

On ne pourra pas reprocher à Stéphane Brizé de s’intéresser à des sujets faciles, c’est le moins que l’on puisse dire. Puisque dans son nouveau film, c’est au monde du travail qu’il s’attaque et, une nouvelle fois, on peut louer sa capacité à s’attaquer de manière frontale à son sujet et de ne dévier à aucun moment de sa route. Et ça, c’est quand même quelque chose de remarquable chez lui, et c’est aussi ce qui donne une grande force à son cinéma. Pour ce faire, il va utiliser ce que l’on peut presque considérer comme une « figure » : il s’agit de Thierry, un cinquantenaire qui a perdu son emploi et qui en cherche désespérément un nouveau. C’est lui que l’on va suivre, des bureaux de Pôle Emploi aux stages pour apprendre à bien passer des entretiens. Ensuite, il trouvera enfin un métier (agent de sécurité dans un magasin) mais sera confronté à d’autres difficultés. De telle sorte qu’on peut presque avoir le sentiment qu’il y a en fait deux films en un. Les deux se répondent, évidemment, mais ont aussi chacun un univers propre avec des lieux singuliers. C’est ainsi la globalité du monde du travail que le scénario essaie d’embrasser : on y parle de licenciement, de reclassement, de formations, d’entretiens d’embauches mais aussi de suicide, de pression sur les employés,… Forcément, le programme est vaste, surtout en à peine une heure et demie et c’est un peu cela que l’on peut reprocher à La loi du marché. A force de vouloir montrer toutes les facettes d’un problème complexe, le film finit un peu par tourner à l’inventaire. Mais ça a le mérite de mettre en évidence quelques réalités et une certaine violence (voire une cruauté) dans le monde du travail tel qu’il est aujourd’hui. Ainsi, par exemple, la scène de l’entretien d’embauche par skype est extrêmement dure et synthétise presque à elle seule tout le propos du long métrage, notamment sur la déshumanisation des relations.

 

Mais ce film montre aussi ce que ces difficultés avec le monde professionnel impliquent sur le plan plus personnel avec quelques scènes de vie quotidienne qui montrent que Thierry et sa femme doivent également lutter contre une sorte de déclassement (il faut absolument rester propriétaire) et pour rester fiers de ce qu’ils sont. C’est la scène de la visite et de la négociation du bungalow qui est particulièrement révélatrice de cet état de fait. Là encore, c’est terrible car c’est une forme de violence verbale et psychologique qui est montrée, presque plus dure que la violence physique. Ces scènes de la vie de tous les jours offrent aussi quelques instants de respiration bienvenus, comme cette danse entre Thierry et sa femme (décidément, c’est quelque chose que Brizé doit bien aimer) ou encore ces passages avec leur enfant handicapé (d’ailleurs, n’est-ce pas un peu de trop même si le scénario n’en rajoute pas de ce côté-là). Et, honnêtement, ça fait du bien car l’ensemble est quand même globalement sombre, même si la fin est porteuse d’un certain espoir. Pour nous plonger vraiment au cœur de tous ces problèmes, Stéphane Brizé prend le parti d’une réalisation quasi-documentaire, faite de très longs plans, qui permettent au spectateur d’appréhender et de véritablement ressentir (parfois jusqu’au malaise) ce qui arrive à Thierry. Forcément, ça a un côté aride, clinique, presque trop parfois. Mais on sent clairement que c’est un choix de réalisation que Brizé assume et revendique. Et il peut s’appuyer sur un Vincent Lindon totalement habité par le personnage qu’il doit jouer. Il est de tous les plans (parfois de dos ou flou), montrant l’implication de son personnage dans tout ce qui se passe. Et la manière dont il intériorise tout, notamment les humiliations, finit par se lire sur son visage et à s’entendre dans sa voix, de plus en plus fatiguée. C’est une très grande performance d’acteur, qui méritait d’être saluée. D’ailleurs, le film dans son ensemble a de nombreux éléments qui en font un long métrage à voir.



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Carole 09.06.2015, 20:52

Magnifique film, j'ai été marquée par les mêmes scènes que toi.
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Fiz 12.06.2015, 21:31

Globalement Ok avec vous, juste une réserve sur ce film: une certaine bien-pensance de gauche se dégage assez fortement du film (comme dans "Welcome" sur les sans-papiers, toujours avec Vincent Lindon).
Je m'explique: le film est "vendu" dans les interviews avec le sous-titre: "Jusqu'où êtes vous prêt à aller pour garder votre emploi?"... comme si le film voulait faire "culpabiliser" le personnage de Thierry alors qu'il ne fait que son travail de vigile face à des gens qui eux, par contre, ont commis des actes délictueux. C'est bien la moindre des choses que le personnage de Thierry agisse ainsi, le contraire serait inquiétant. En fait, on victimise les coupables (les gens qui ont commis des délits) et on culpabilise les victimes (Thierry). Et pour bien culpabiliser encore davantage Thierry, une coupable se suicide... c'est too much dans le discours bien-pensant!


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