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TimFaitSonCinema
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WINTER SLEEP

En Anatolie, Aydin, un ancien comédien à la retraite, tient un hôtel essentiellement destiné à la clientèle touristique. Il loue aussi des maisons à des gens du coin. Vit avec lui sa jeune femme et sa sœur, avec qui les relations ne sont pas toujours faciles. Au cœur de l’hiver, tous ces personnages vont bien être obligés de cohabiter et de régler leurs soucis.
Verdict:

On ne peut pas dire de Winter Sleep que ce n’est pas un vrai film de cinéma. Il y a tout (de la mise en scène, du jeu d’acteurs, de très belles images) mais, pour réellement convaincre, sans doute aurait-il fallu ne pas ainsi en rajouter sur la longueur. Le scénario aurait ainsi mérité d’être un peu plus densifié. Une Palme d’Or qui se discute, donc même si c’est une vraie œuvre de cinéma.

Coup de coeur:

Les deux acteurs principaux

La date de sortie du film:

06.08.2014

Ce film est réalisé par

Nuri Bilge CEYLAN

Ce film est tagué dans:

Drame Palme d'Or

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 La Critique


Nuri Bilge Ceylan est ce que l’on peut appeler une « bête à concours ». En effet, depuis ses débuts dans la réalisation (un court métrage déjà présenté à Cannes en 1995) jusqu’à cette Palme d’Or obtenue il y a trois mois, le Turc a presque toujours vu ses films présentés dans les différents festivals du monde entier et notamment sur la Croisette où sa cote est très élevée et où chacun de ses longs métrages a toujours reçu un accueil assez dingue. En 2003 (pour Uzak) et en 2011 (pour Il était une fois en Anatolie), il remportait le Grand Prix. Les trois singes lui offrait le Prix de la mise en scène en 2008 alors que Les Climats, en 2006, ne remportait « que » le Prix de la Critique internationale. Bref, à chaque fois que Ceylan sort un film, il est en compétition en sélection officielle et, à chaque fois (ou presque), il repart avec quelque chose. Le voir arriver cette année avec Winter sleep (que les distributeurs français ont choisi de ne pas traduire, décision assez étrange au demeurant) nous faisait dire que, une nouvelle fois, le réalisateur turc ne repartirait pas les mains vides. Mais avec les frères Dardenne (jamais bredouilles eux aussi) ou encore Ken Loach (très rarement absent du palmarès), cela faisait beaucoup de « poids lourds » en compétition, surtout que d’autres films avaient fait grande impression au cours de la semaine et demie de projection. Ainsi, lors de l’énoncé du palmarès, voyant que ni Deux jours, une nuit ni Jimmy’s hall ne faisaient partie des récompensés, je me suis dit que la Palme d’Or ne pourrait échapper à l’un deux. Eh bien, c’était une erreur puisque c’est bien à Winter sleep qu’est revenue cette distinction majeure, qui couronne un cinéaste qui tournait autour depuis de nombreuses années. Mérité ? Je suis assez mitigé car si c’est un vrai film de cinéma, il ne m’a jamais complètement ébloui…

 

La première chose qui marque vraiment avec ce film, c’est sa longueur. En effet, un long métrage qui dépasse les trois heures est quelque chose d’assez rare (même si Titanic, l’un des films qui a fait le plus d’entrées dans le Monde, durait presque trois heures et quart) et là, avec 196 minutes au compteur, Winter Sleep n’est pas loin d’exploser les standards. Ce n’est pas une chose nouvelle pour ce réalisateur, souvent contraint de présenter des versions plus courtes de ses longs métrages afin qu’ils puissent être distribués. D’ailleurs, on peut penser que, sans Palme d’Or, c’est peut-être le sort qu’aurait eu à subir cette nouvelle œuvre. De cette longueur, Ceylan fait un véritable aspect de son film qui n’hésite pas à aller très profondément au bout des choses. C’est notamment le cas lors de dialogues extrêmement longs (je pense que certains dépassent allègrement le quart d’heure) qui sont à la base de tout le long métrage. En effet, ce sont à travers eux que se dévoilent les personnages, avec leur psychologie, ce qu’ils pensent réellement du monde qui les entoure et de leur place dans celui-ci. Car, en fait, il n’y a pas véritablement une histoire dans Winter Sleep même si le personnage de cet ancien acteur propriétaire de l’hôtel est au centre de tout et d’ailleurs, le long métrage brosse de lui finalement un drôle de portrait. En effet, ce sont ses relations avec ses locataires, sa sœur, puis enfin sa femme qui sont passées au peigne fin. Ces destins s’entremêlent parfois mais restent tout de même assez étanches car ils ont peu d’interactions. La sœur, pourtant loin d’être inintéressante, disparaît ainsi à la moitié du film, de façon assez étrange, sans que cela n’ait un quelconque impact sur les autres personnages. On en voit réapparaître d’autres à certains moments alors qu’on les avait complètement oubliés. Bref, c’est loin d’être linéaire.

 

C’est là que Winter Sleep trouve à la fois son intérêt mais aussi sa limite. En effet, c’est parfois passionnant mais le revers de la médaille de cette longueur et de ce côté un peu décousu, c’est qu’on a par moments l’impression que ça peut durer des heures et des heures comme cela sans que l’on puisse en tirer véritablement grand-chose. L’objet véritable du film n’est jamais très clair et on finit parfois par se heurter à ce fait devant lequel j’ai personnellement beaucoup de mal. L’ambition de Ceylan semble en fait assez démente puisque dans une sorte de huis clos (on sort assez peu de cet hôtel et les paysages particuliers de l’Anatolie sont assez peu utilisés), il essaie de brosser un portrait de la Turquie contemporaine mais aussi de la condition humaine dans leur globalité. Il le fait surtout à travers toutes ces discussions philosophiques qui peuvent parfois s’avérer assez drôles ou cocasses. Pour moi, c’est parfois un peu trop « perché » et je trouve que quand il se rapproche plus de la « vraie vie » de ses personnages, il devient plus efficace. Ainsi, j’ai trouvé le dernier quart d’heure absolument magnifique, justement car ce sont vraiment les sentiments du mari et de sa femme qui ressortent. Quand la mise en scène (que Ceylan maîtrise parfaitement avec un sens du cadre exceptionnel) se met à leur service, Winter Sleep prend vraiment de l’ampleur. Il est juste dommage que le scénario, sans doute trop dilué, ne permette pas à l’ensemble de plus se tenir et, ainsi de « faire sens ». Le film dans sa globalité aurait ainsi gagné en intérêt. Mais, c’est une vraie œuvre, où le réalisateur assume totalement son parti pris et réussit à signer quelques scènes magnifiques, notamment lorsqu’il filme la neige. Il parvient aussi parfaitement à diriger ses acteurs, finalement très peu nombreux et notamment un Haluk Bilginer étonnant et une Melisa Sözen excessivement juste. Selon moi, ce n’est peut-être pas la Palme d’Or la plus impressionnante de ces dernières années mais elle peut tout à fait se comprendre car on a là du vrai cinéma, tout simplement…




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