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La meilleure amie de Claire, Laura, vient de mourir, laissant une toute petite fille et un mari, David, désemparé. Claire aussi subit de plein fouet cette disparition. Mais c’est lorsqu’elle découvrira le secret que cachait David qu’elle parviendra à retrouver goût à la vie…
Verdict:

Sur la lancée de dix premières minutes absolument exceptionnelles, et grâce aux performances d’acteurs, et notamment celle d’Anaïs Demoustier, François Ozon signe avec Une nouvelle amie un film souvent intrigant qui a le mérite de poser de nombreuses questions, même de façon détournée. Troublant à différents niveaux.

Coup de coeur:

Anaïs Demoustier

La date de sortie du film:

05.11.2014

Ce film est réalisé par

François OZON

Ce film est tagué dans:

Drame

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 La Critique


Ah, François Ozon… Sans doute l’un des réalisateurs français les plus difficiles à cerner. Et pourtant, ce n’est pas parc qu’il tourne peu que l’on a du mal à se faire une réelle idée sur son compte, puisque, depuis Sitcom, en 1998, il a réalisé en moyenne un film par an, ce qui est un rythme « à la Woody Allen » (sans que ça ait forcément une connotation positive pour moi). Pourtant, si certains sujets restent importants dans son œuvre et si les femmes y ont souvent une place majeure, Ozon a réussi à se construire une filmographie finalement assez hétéroclite entre comédie policiaro-musicale (Huit femmes), drame lorgnant vers le thriller (Swimming pool), film d’époque (Angel), drame intimiste (Le Refuge), adaptation de théâtre (Potiche) thriller psychologique (Dans la maison) et chronique sociale sur un sujet sensible (Jeune et jolie et la prostitution étudiante). On peut donc dire qu’il est dur de réellement catégoriser ce metteur en scène. Moi-même, j’ai toujours eu un peu de mal à avoir un avis très tranché puisque la plupart de ses longs métrages me faisaient l’effet d’être de bons films sans jamais avoir l’étincelle qui permette d’être vraiment convaincu. Dans la maison m’avait quand même davantage plus, notamment pour l’ambiance malsaine qui était instaurée mais Jeune et jolie, bien plus plat, ne m’avait pas enchanté. Là, avec Une nouvelle amie, il me semblait qu’Ozon retrouvait un sujet potentiellement borderline (le travestissement d’un homme) duquel il allait pouvoir tirer un long métrage un peu tordu, avec des séquences dont on ne sait pas bien quoi penser et qui finit par déstabiliser le spectateur. Et bien, globalement, je ne me suis pas trompé et le nouveau long métrage de François Ozon est selon moi une réussite où l’on retrouve toute la capacité du réalisateur à créer une ambiance bien particulière, bien que là, en plus, le message ne soit pas neutre.

 

Débutons d’ailleurs là-dessus car, en ces périodes où la polémique n’est jamais loin (parfois, il suffit d’un tweet ou d’une phrase malheureuse) et où la question du genre fait débat dans la société, raconter l’histoire d’un homme qui devient femme « car il en a envie », c’est quand même assez culotté et ça peut potentiellement assez vite partir en vrille. Pourtant, depuis que le long métrage est sorti, on n’a justement vu venir aucune polémique à son propos. Je crois que c’est justement parce que, tout en assumant son propos, Ozon ne cherche aucunement à faire un film militant. Il traite ici de la question d’une personne en particulier et n’en fait pas du tout une généralité. D’ailleurs, le scénario évacue de façon assez nette toutes les considérations psychologiques qui pourraient prêter à débat. D’une certaine façon, on peut dire que c’est regrettable, car il y aurait pu avoir certains points davantage creusés mais, en même temps, cela permet aussi de rester sur un terrain bien moins glissant et de s’autoriser quelques écarts un peu plus comiques. Car si Une nouvelle amie est très loin d’être un film que l’on peut considérer comme drôle, il y a néanmoins quelques passages qui prêtent à sourire, notamment quand le scénario, en en faisant des tonnes, va presque dans le burlesque (David/Virginia dans sa robe rose remontant les marches d’escaliers avec une musique sirupeuse à souhait par exemple). Mais ce long-métrage est un drame qui se fonde complètement sur un événement dramatique. Celui-ci va d’ailleurs traverser toute l’histoire et expliquer bien des choses. En ce sens, Une nouvelle amie est un long métrage sur le deuil et les différentes façons dont on peut l’effectuer, en étant fidèle à la personne morte mais aussi à soi-même. D’ailleurs, et pour conclure cette partie sur la dimension « politique » du film, celui-ci ne s’intéresse pas vraiment à la vision que les gens que peuvent avoir du travestissement (on voit bien quelques regards en biais lorsqu’il se balade en public) mais bien à ce que lui ressent et ce que ça lui procure.

 

Mais c’est aussi dans la relation avec Claire que le film va se construire puisque les deux apprennent à s’appréhender de nouveau, dans un rapport de plus en plus ambigu au fur et à mesure que le film avance. François Ozon adore ce genre de situations où les limites entre amour et amitié, fantasme et réalité, désir et rejet ne sont plus très nettes. Il s’en amuse et parvient à partir de là à créer une ambiance, renforcée ici par les décors presque irréels et aseptisés de cette banlieue québécoise. C’est en cela qu’Une nouvelle amie est vraiment troublant et finit par mettre le spectateur mal à l’aise. Néanmoins, on peut reprocher quelques facilités de scénario et de réalisation ainsi que certains manques par rapport à des éléments centraux. Comme on l’a dit, le deuil est central mais il n’est finalement jamais traité de façon assez fouillée à mon goût car il y avait sans doute-là moyen de creuser davantage des personnages parfois un peu trop superficiels. Mais si ce film m’a autant plu, c’est pour deux raisons majeures. La première tient dans l’interprétation des deux acteurs principaux. Passons rapidement sur Raphaël Personnaz, le troisième larron, qui fait un peu toujours la même chose et dont on se demande ce qu’il pourrait bien donner avec un vrai bon rôle. Romain Duris, lui, dans une partition flamboyante, s’en donne à cœur joie et parvient à rendre avec justesse les deux facettes de son personnage. Mais à cette prestation, j’ai encore préféré celle d’Anaïs Demoustier, épatante de sobriété et de justesse dans un rôle pourtant plus complexe qu’il n’y paraît. Elle prouve qu’elle est bien l’une des jeunes actrices françaises à suivre de très près. Et puis il y a ces dix premières minutes géniales : un résumé de vingt ans de vie, avec un montage parfait, une musique tout à fait appropriée. C’est de la pure émotion, même si c’est moins fort que ce que Pixar avait réussi pour Là-haut. Ce sont sans doute quand même les dix plus belles premières minutes au cinéma cette année. Le reste n’est pas tout à fait au niveau mais Une nouvelle amie reste quand même un long métrage à voir parce qu’il ne peut pas laisser indifférent.




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