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TIMBUKTU

A Tombouctou, la vie a changé depuis que les Islamistes ont mis la main sur la ville : plus de musique, de cigarettes et même de football. Les femmes, elles, sont particulièrement touchées et doivent se résoudre à ne plus faire grand-chose de leur vie. Kidane, lui, a du bétail en dehors de la ville et il est plutôt épargné par ces nouvelles lois mais tout bascule quand il tue par accident un homme qui avait abattu sa vache préférée…
Verdict:

Bien que le propos soit fort, qu’il soit bourré de qualités, doté de scènes parfois magnifiques et d’images extrêmement travaillées, je ne peux pas dire que Timbuktu m’ait réellement enchanté, sans que je sache trop me l’expliquer. Peut-être faut-il chercher du côté du rythme de l’ensemble… Ça reste quand même un beau long-métrage, qui plus est important et nécessaire.

Coup de coeur:

Le match de football

La date de sortie du film:

10.12.2014

Ce film est réalisé par

Abderrahmane SISSAKO

Ce film est tagué dans:

Drame César du Meilleur film

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 La Critique


Lors du dernier Festival de Cannes, Timbuktu est peut-être le film qui a le plus fait parler de lui, alors que, a priori, au vue de la sélection (Godard, Dolan, Dardenne, Cronenberg ou Leigh en têtes d’affiche), ce n’était pas celui qui était le plus attendu. Présenté dès le premier jour de compétition, il s’est imposé d’entrée de jeu comme un immense favori à la Palme d’Or et ce jusqu’à que toutes les projections se soient déroulées. Et puis, à l’immense surprise de tout le monde (ou presque), le film franco-mauritanien n’a même pas été cité une seule fois dans le palmarès, repartant donc bredouille (si ce n’est avec un Prix du Jury œcuménique). Un grand nombre de suiveurs a crié au scandale (d’ailleurs, l’ensemble des récompenses a été largement critiqué), d’autant que la présence d’un film africain en passe de gagner un prix d’importance est suffisamment rare pour qu’il reparte sans rien. De plus, Timbuktu aborde un thème d’actualité très vive puisqu’il nous montre le Mali sous le joug des islamistes radicaux, ceux contre qui l’armée française a été envoyée en janvier 2013. Et, en ce sens, on peut dire que c’est un long métrage très important car il est le premier « témoignage » (avec toutes les précautions d’usage quand on parle d’une œuvre d’art) sur des événements que les occidentaux n’ont jamais vraiment vu. Clairement, on sent que le réalisateur est révolté par cette situation, mais aussi par l’indifférence générale sur cette catastrophe en occident et que son rôle est de le dénoncer à sa façon, à travers une fiction cinématographique (on est très loin du documentaire engagé). C’est pour cela que ce film est si important et même « nécessaire ». Pour autant, aussi bonne soit la volonté de départ, cela ne fait pas forcément une grande réussite. Et, à mon goût, Timbuktu n’est pas le chef d’œuvre que l’on annonce depuis maintenant plus de six mois.

 

Pourtant, si je ne considère pas ce long métrage comme un immense film, j’ai du mal à vraiment me faire une idée du pourquoi. Et il faut bien avouer que c’est assez perturbant… Je pense quand même avoir une petite idée, que j’essaierai de développer un peu plus tard. Car, globalement, Abderrahmane Sissako livre là un film qui réussit à allier une forme de qualité à un fond nécessaire. Dit comme cela, on ne voit pas bien ce qu’on a à lui « reprocher », ce que je ne cherche d’ailleurs pas du tout à faire. Le réalisateur a le mérite de s’attaquer à un sujet brûlant à pas mal de points de vue. D’abord car il est complètement actuel et ce qui se passe aujourd’hui au Moyen-Orient ou encore dans certaines régions d’Afrique nous le rappelle quotidiennement. Ensuite car c’est le genre de thèmes sur lequel il est très facile de faire des amalgames et des généralités, jusqu’à tomber dans un manichéisme qui, souvent, confine à une certaine inefficacité. Et là où Sissako est très bon, justement, c’est qu’il évite complètement cet écueil. De fait, Timbuktu n’est pas ce que l’on peut considérer comme un pamphlet mais, en donnant à voir l’absurdité des faits et gestes de ces islamistes radicaux, il demande plutôt au spectateur de se faire sa propre idée. Car ce groupe qui régit la ville n’est pas montré comme un agglomérat de brutes épaisses mais plutôt comme un rassemblement disparate de gens qui, eux aussi, sont complètement perdus, n’arrivent pas forcément à communiquer entre eux (la question des langues est très importante ici) et ne parviennent pas non plus à maitriser leurs pulsions, au risque de déroger aux règles qu’ils ont eux-mêmes instaurées. Cela renforce le côté complètement absurde de toute la situation. Plusieurs exemples sont frappants : ce chef qui passe le film à essayer d’apprendre à conduire, ce jeune homme qui n’arrive pas à être convaincant dans une vidéo de propagande, ne croyant visiblement même pas à ce qu’il dit ou encore le silence quand on les met en face de la réalité concrète.

 

Mais, en même temps, ces djihadistes règnent en maître et les habitants ne parviennent pas à se rebeller face à une violence de plus en plus présente. Et c’est peut-être la première scène du film (qui trouve un parallèle à la toute fin) qui dit tout le programme de ces hommes : une gazelle qui court, éprise de liberté, poursuivie par un 4x4 rempli d’hommes qui lui tirent dessus avec pour but, non de la tuer, mais bien de la fatiguer. Oui, les habitants sont épuisés et les quelques moments de révolte sont bien maigres à côté d’une brutalité toujours plus forte et montrée par petites bribes. Car, ce qui intéresse visiblement le plus Sissako, c’est justement ce lien entre violence et douceur puisque les deux sont intimement liés, comme dans cette séquence où la lapidation se fait en même temps qu’une danse improvisée par un djihadiste qui semble alors se libérer d’un poids. Et pour faire de vraies belles scènes, le réalisateur est quand même particulièrement doué, avec un sens du cadrage et des lumières qui magnifie un désert (et une ville qui se fond dedans) au ton apparemment monochrome mais qui révèle ici tous ses reliefs cachés. Certaines séquences valent même vraiment le détour, comme celle filmée de très loin où Kidane s’éloigne du lieu du meurtre en courant alors que, de l’autre côté, sa victime essaie de fuir en rampant. Et puis, il y a cette séquence absolument magique, sans doute l’une des plus belles de l’année au cinéma, où des enfants jouent au football avec un ballon imaginaire. C’est d’un poétique fini et la musique aidant, ça donne un résultat splendide. Il est juste dommage que tout le long métrage ne soit pas de cette qualité et que la structure globale du film ne soit pas un peu plus travaillée. En effet, il y a de vraies chutes de tension par moments, notamment quand il s’attarde un peu trop sur des évènements anodins (c’est surtout vrai dans une première partie un peu longue). Mais, dans l’ensemble, Timbuktu est quand même un long métrage de qualité même si c’est un genre de cinéma qui a du mal à véritablement me transcender.



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Carole 19.12.2014, 15:03

Totalement d'accord concernant la scène du match de foot qui est tout simplement magnifique. A mon sens le film vaut la peine d'être vu rien que pour ces 2 minutes !
Personnellement j'ai vraiment beaucoup apprécié que ce film ne traite absolument pas de la réaction/non réaction/du jugement des "Occidentaux" face à cette question de ces groupes radicaux car c'est ce qui fait sa force, :placer au coeur du film l'opposition entre des groupes de personnes de la même foi et les absurdités qui en découlent.
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Fiz 30.12.2014, 14:27

A mon avis, le film a 2 atouts et 1 faiblesse:
Pour les 2 atouts:
- De très belles images de déserts africains, paysages époustouflants, notamment grâce aux couleurs du sable (entre jaune, ocre et rouge).
- Le film a une valeur de témoignage sur un sujet terriblement d'actualité: il permet de voir en quoi consiste la loi islamique (la Charia): interdits multiples, mariages forcés, flagellations, lapidations. Terrifiant.
Pour la faiblesse du film:
- Hélas le film ne permet pas de comprendre: il est très descriptif (dans les paysages et sur la loi islamique). J'aurais aimé avoir une meilleure compréhension des liens entre la Charia et l'Islam qui semblent étroitement liés.
En conclusion, ce film permet de voir mais pas de comprendre.
(C'est déjà pas mal car comme tu dis Tim, les occidentaux ont rarement vu les conséquences de l'arrivée des islamistes dans une ville).


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