La Critique
Voilà le retour de l’enfant chéri de la critique cinématographique française. En effet, en une petite dizaine de films, Arnaud Desplechin s’est imposé comme l’une des figures majeures du cinéma français. Pas forcément par le succès de ses films, qui sont restés la plupart assez confidentiels mais plutôt par la haute image qu’il a dans le « milieu » (même si je n’ai jamais trop aimé ce terme). Chacun de ses films (ou presque) est invité au Festival de Cannes et la critique en fait des tonnes autour de chaque nouvelle œuvre. Personnellement, son cinéma ne m’a jamais véritablement touché, que ce soit avec Un conte de Noël ou encore Jimmy P.. Je n’ai aucun mal à reconnaître les qualités de réalisateurs du bonhomme (d’ailleurs récompensées l’an dernier aux César pour Trois souvenirs de ma jeunesse, pas vu) mais, globalement je trouve ses longs métrages un peu creux dans le fond. Pour autant, je me suis laissé tenter par ces Fantômes d'Ismaël, qui a fait l’ouverture du Festival de Cannes (un an après que Desplechin ait fait partie du jury). Pourquoi donc ? Peut-être pour me faire une idée définitive sur le bonhomme (avec trois longs métrages, j’estime que l’on peut honnêtement cerner un réalisateur et dire si on apprécie son travail) mais aussi parce que le casting m’intriguait : Mathieu Amalric, figure connue chez le metteur en scène, y côtoie en effet Marion Cotillard, qui a connu l’une de ses premières expériences de cinéma dans Comment je me suis disputé… du même réalisateur il y a plus de vingt ans, et Charlotte Gainsbourg, dont c’est pour le coup la première fois avec Desplechin. Et ces Fantômes d’Ismaël ne m’ont finalement pas vraiment convaincu, la faute notamment à une construction trop alambiquée et une dernière partie qui m’a plus fatigué qu’autre chose.
Le film commence pour le moins étrangement et je me suis presque demandé si je ne m’étais pas trompé de salle. En effet, on nous parle d’un diplomate qui aurait disparu, notamment parce qu’il serait également espion… Assez vite, on comprend qu’il s’agit en fait du long métrage que le personnage principal est en train d’écrire. Et, pendant presque deux heures, on va plusieurs fois retourner dans ce « film dans le film », voir les aventures de ce Dédalus qui semble si mystérieux. Pour autant, l’histoire principale met bien en scène ce réalisateur, Ismaël, qui voit le retour de son amour de jeunesse, pourtant disparue depuis vingt ans. Depuis peu, il est pourtant avec Sylvia, dont on fait la connaissance avec un autre flashback qui nous raconte cette rencontre. Bref, les temporalités et les niveaux de fiction s’entremêlent et finissent par s’imbriquer, de telle façon que la construction d’ensemble devient complexe. Si on rajoute par-dessus cela la dimension fictionnelle qui semble toujours être à la limite d’une certaine réalité (le personnage principal est cinéaste et vient de Roubaix, comme Desplechin, comme par hasard !), cela donne un drôle de maelstrom dans lequel il n’est pas forcément facile de se retrouver. En fait, le film donne l’impression d’un vaste puzzle dont on a le sentiment que le réalisateur lui-même n’est pas en mesure de vraiment mettre toutes les pièces au bon endroit. Et, forcément, c’est un peu gênant et fatigant à la longue. Cela vient-il du fait que, en France, nous avons eu droit à une version écourtée, alors que la version « officielle » distribuée notamment à l’internationale comprend presque une demi-heure de plus ? Peut-être même si j’en suis presque à me dire que trente minutes en plus n’auraient peut-être que renforcé davantage ce côté un peu trop foutraque à mon goût…
En fait, le véritable souci que j’ai eu avec ce film (et je me rends compte que c’est toujours un peu pareil avec Desplechin), c’est celui de l’enjeu de l’ensemble. Personnellement, je ne vois pas l’intérêt de ce film dans lequel le spectateur prend une histoire en cours de route et la quitte un peu plus tard, alors que la situation est partie un peu en n’importe quoi (la dernière demi-heure est d’ailleurs plutôt agaçante). Du côté du casting, les choses se passent plutôt bien puisque face à une Marion Cotillard qui n’a finalement pas un si grand rôle et qui en fait un peu trop à mon goût, Charlotte Gainsbourg est, elle, vraiment très bonne. Pleine de simplicité et de douceur, elle fait de son personnage une mer de calme dans un océan bien trop hystérique à mon goût. Mathieu Amalric, lui, s’en donne à cœur joie dans ce rôle de metteur en scène tourmenté qui lui va comme un gant. Presque trop facile pour lui ! Il y a visiblement beaucoup de références aux autres longs métrages du réalisateur (des noms de personnages en commun, des histoires qui se recoupent ou se suivent) mais, pour le coup, je ne suis pas du tout assez connaisseur de l’œuvre de Desplechin pour les avoir repérées. Et, honnêtement, comme vous l’avez sans doute compris, j’en ai un peu ma claque de son œuvre… Au moins, ces Fantômes d’Ismaël auront-ils eu un vrai mérite : celui de me (re)faire prendre conscience de ce que j’aime vraiment au cinéma : des films « ordonnés », où la trame est claire. Dans tous mes longs métrages préférés, il y en a très peu qui dérogent à cette règle. Dès que ça part un peu dans tous les sens, j’ai beaucoup plus de mal. Ici, c’est quand même un peu le problème car, quand Desplechin se pose, il est tout de même capable de très beaux passages… Ce qui est sans doute encore plus frustrant, d’ailleurs !