La Critique
Il y a six mois, je l’annonçais clairement après avoir vu Vice-Versa : Pixar n’était pas mort, loin de là. En effet, le dernier né du plus magique des studios d’animation était une petite merveille d’inventivité et d’émotions en tous genres. Cela faisait suite à une période un peu trouble, entre suites pas vraiment réussies et projets un peu brouillons car manquant d’une vraie identité. Sorti dans un certain anonymat (le contexte global en France n’ayant pas aidé non plus), ce Voyage d’Arlo allait-il permettre de confirmer un certain redressement ? Autant le dire tout de suite, la réponse est non et, plus que ça, ce long métrage est sans doute le plus décevant de Pixar depuis… toujours, en fait. Mais, avant de me lancer dans la critique, il faut quand même s’intéresser à la genèse de ce Voyage d’Arlo car, pour le coup, ça a été une véritable aventure puisque ça fait plus de six ans que le projet est dans les cartons et il a depuis connu des fortunes diverses. Au départ, c’était Bob Peterson qui était aux commandes (on parle là du coréalisateur de Là-Haut, quand même), avec un projet assez ambitieux d’histoire de dinosaures qui dominent la Terre alors que les humains ne sont pas plus qu’une espèce d’animaux parmi d’autres. Et puis, de réécritures du scénario en retard pris (il devait sortir en 2013 au départ), le projet a finalement pris une autre tournure et le réalisateur en chef a même été débarqué au profit d’un petit nouveau (Peter Sohn). Raconter tout cela peut paraître anecdotique mais il me semble que ça explique beaucoup des défauts qui font de ce Voyage d’Arlo une déception, n’ayons pas peur de le dire… Et c’est surtout la comparaison avec l’autre Pixar sorti dans l’année (une exception, d’ailleurs) qui fait très mal tant ce nouveau long métrage est une sorte d’ « anti Vice-Versa » à différents points de vue…
Pourtant, l’idée de départ est loin d’être idiote : faire comme si les dinosaures existaient encore et étaient devenus l’espèce la plus importante sur la Terre. Finalement, les humains ne sont montrés qu’à travers un petit personnage, qui est au départ vu comme une sorte de nuisible (celui qui pille récoltes et que l’on doit éliminer) mais qui, au fil des aventures d’Arlo, deviendra un compagnon fidèle. Mais là où une idée de départ originale est normalement gage pour Pixar d’un scénario enlevé, avec des bonnes idées à la pelle, ce n’est pas du tout le cas ici tant l’ensemble manque cruellement d’inventivité. En fait, le grand problème de ce Voyage d’Arlo, c’est qu’il apparaît finalement comme extrêmement conventionnel et dans la lignée très claire de grands classiques Disney (comment ne pas penser par exemple au Roi Lion ?). Pour faire le pitch très rapidement : Arlo est un dinosaure un peu différent qui peine à se faire accepter au sein même de sa famille mais un événement (la mort de son père) va le pousser à se dépasser et à se découvrir lui-même, aidé par d’autres personnages gentils alors que d’autres, plus méchants, vont tout faire pour mettre fin à ce périple initiatique. Ce qui est peut-être le plus étonnant ici, c’est le côté incroyablement premier degré de l’ensemble : avec ses poncifs assénés de façon très lourde, son absence totale de différents degrés de lecture et sa trame simpliste, Le voyage d’Arlo semble s’adresser uniquement aux enfants. Ceux-ci pourront s’identifier à une histoire aussi facilement appréhendable. Et c’est bien là que se fait la différence avec un Vice-Versa qui, pour le coup, a sans doute désarçonné de nombreux jeunes spectateurs mais ravi les plus âgés pour son côté justement mélancolique et assez anti-conventionnel. Là, c’est sûr qu’on ne risque pas d’être surpris…
On assiste en effet à une succession d’aventures qui sont autant de séquences sans forcément trop de lien entre elles, dans un schéma extrêmement simple : nouveau lieu / nouveau personnage / nouveau problème / nouvelle solution… Le tout se fait sans aucune rupture narrative et se trouve même alourdi de sacrées répétitions et de longueurs parfois bien trop importantes. Cela donne honnêtement l’impression que le scénario n’a pas vraiment été travaillé et que différentes idées ont été collées les unes aux autres, sans essayer de trouver un minimum de cohérence d’ensemble. Il y a même des passages complètement lunaires comme celui avec le « collectionneur », dont je n’ai toujours pas compris l’intérêt… Pour être tout à fait honnête, il y a bien quelques trouvailles par-ci, par-là, quelques jolis passages où l’on est un peu ému et quelques sourires devant de bonnes idées. Mais de la part de Pixar, qui, au fil des années, nous avait habitués à bien mieux, c’est quand même bien trop peu. Par contre, s’il y a bien quelque chose que l’on ne peut pas reprocher au studio, c’est d’avoir transigé sur la qualité visuelle d’ensemble. En effet, pour les yeux, ce Voyage d’Arlo est une nouvelle fois un véritable régal pour les yeux. La nature, qui a ici un véritable rôle comme un personnage à part entière est magnifiée par les jeux de textures mais aussi de lumière. Tellement, qu’à certains moments, on ne sait plus vraiment si on est dans de l’animation pure ou dans des prises de vue réelles, c’est pour dire. Finalement, Le voyage d’Arlo, c’est mignon tout plein et ça plaira sans doute aux enfants de moins de huit ans qui voudront un dinosaure en plastique pour Noël, mais c’est bien loin d’être suffisant pour en faire un film d’animation satisfaisant. Et quand on sait de quoi est capable Pixar, la déception n’en est que plus amère…