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TimFaitSonCinema
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LE CLIENT

Emad et Rana forment un jeune couple iranien plutôt moderne puisque tous deux jouent dans une troupe de théâtre. Alors qu’ils doivent quitter leur appartement du fait de travaux qui menacent l’immeuble, ils trouvent une solution de repli dans un nouveau logement. Mais le passé de l’ancienne locataire va brutalement refaire surface et mettre le couple à l’épreuve.
Verdict:

Le Client est un long métrage qui n’est pas toujours facile à appréhender, multipliant les changements de direction et les fausses pistes. Tout est en fait construit pour culminer dans une dernière demi-heure assez formidable, où les enjeux se cristallisent véritablement. Le tout est servi par des acteurs très justes dans leur interprétation. Une nouvelle fois, Asghar Farhadi frappe juste et fort.

Coup de coeur:

La dernière demi-heure

La date de sortie du film:

09.11.2016

Ce film est réalisé par

Asghar FARHADI

Ce film est tagué dans:

Drame familial

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 La Critique


Trois ans après un détour par la France, avec Le Passé, voici Asghar Farhadi de retour en Iran, son pays d’origine. Si la carrière de ce réalisateur était déjà bien lancée avec ses premiers films (notamment un Ours d’argent du meilleur réalisateur au Festival de Berlin pour A propos d’Elly en 2009), c’est bien Une séparation qui l’a véritablement fait connaître du grand public. En effet, entre un Ours d’Or à Berlin, un César, un Golden Globe et un Oscar du Meilleur film étranger, il était très difficile de passer à côté. Personnellement, je n’avais pas été hyper convaincu même si j’avais trouvé que quelque chose se dégageait de ce long métrage. Par contre, Le Passé, son film suivant, tourné en France, et en français, donc, m’avait beaucoup plus séduit, porté là encore par une puissance assez dingue même si difficilement explicable. Si Farhadi peut tourner « tranquillement » dans son pays d’origine, c’est qu’il se soumet à la censure, très dure dans son pays, ce qui ne l’empêche d’ailleurs pas de critiquer à sa manière les us et coutumes de l’Iran moderne. Il a donc une démarche différente d’autres réalisateurs iraniens qui, eux, sont rentrés dans une forme de contestation par rapport au régime officiel et qui sont maintenant obligés de tourner clandestinement. On pense évidemment au plus emblématique d’entre eux, Jafar Panahi et ce n’est peut-être pas un hasard si l’une des scènes du Client se déroule dans un taxi, puisque le dernier film de Panahi était intitulé Taxi Téhéran. Farhadi en profite également pour retrouver des acteurs et actrices qui étaient déjà des premières réalisations du metteur en scène. Au dernier Festival de Cannes, Le Client est reparti avec deux récompenses (ce qui est d’ailleurs très rare) : le Prix d’Interprétation masculine ainsi que celui du scénario. Pour autant, ce qui peut s’apparenter à un « retour aux origines » est-il couronné de succès ?

 

Ce long métrage est en fait assez compliqué à critiquer car si j’en suis ressorti avec le sentiment d’avoir assisté à un très beau film, j’ai en même temps du mal à réellement expliquer les ressorts qui expliquent ce ressenti de première impression. Je vais quand même essayer de faire de mon mieux car c’est une œuvre vraiment intéressante et qui mérite qu’on s’y intéresse d’un peu plus près. Ce qui est m’a peut-être le plus impressionné, c’est la façon dont le film est construit pour que tous les enjeux évoqués depuis le début ressortent véritablement dans une dernière demi-heure extrêmement prenante. Et c’est vraiment bien fait car on ne perçoit pas les mécanismes narratifs à l’œuvre qui nous conduisent dans ce huis-clos final où les personnages principaux vont dévoiler leur véritable nature. En ce sens, on peut dire du Client que c’est un film vraiment intelligent, qui parvient à maintenir le spectateur dans une certaine indécision avant de le mettre finalement devant une séquence où il va véritablement devoir se faire sa propre idée et un jugement moral sur ce qu’il est en train de voir. Peut-être la toute fin est-elle en trop, justement car le dispositif et ce que ça implique est un peu trop évident, mais, dans l’ensemble, on a droit à un scénario vraiment bien construit et qui a le mérite de mélanger les genres de manière très habile. En effet, on est à la fois dans la chronique sociale, le drame amoureux mais aussi dans le thriller à certains moments. La première séquence (un long plan très impressionnant formellement) pourrait même presque faire penser à un film catastrophe. Et Le Client n’hésite pas à promener le spectateur entre ces différents genres, en changeant de style de manière parfois déroutante. L’utilisation de l’ellipse est également très importante même si, ici, ce n’est pas très compliqué de comprendre ce que le scénario ne veut (et ne peut) pas montrer frontalement…

 

Finalement, ce qui tient le plus lieu de fil directeur est la pièce que les personnages principaux jouent au théâtre. Le parallèle entre ce qui leur arrive et les textes de Mort d’un commis voyageur d’Arthur Miller n’est pas toujours évident à trouver mais c’est une façon d’en revenir toujours à une sorte de dénominateur commun. Le Client est vraiment centré sur les deux personnages principaux et, au fur et à mesure du film, on va sentir le mouvement de bascule psychologique chez chacun d’eux et ce que ça implique pour leur couple. Chacun réagit très différemment à ce qui s’est passé et on ne peut pas dire que le scénario juge chacune des manières de se comporter : tout le monde est d’une certaine façon ambigu, notamment dans les non-dits qui sont très importants. Peu à peu, le couple qui semblait au départ si uni, va se déchirer devant une situation qui les touche de façon intime mais qui impacte également leur vie sociale. En effet, on sent à travers cette histoire le poids et l’héritage de la société iranienne toute entière qui, même pour une classe moyenne éduquée comme celle montrée ici, est essentielle et peut complètement transformer le comportement. Ainsi, ici, c’est la honte (par rapport aux voisins, aux amis,…) qui prend de plus en plus d’importance et fait peu à peu d’Emad un autre homme, prêt à tout pour se venger. En ce sens, Le Client est un sacré témoignage sur la société iranienne mais aussi sur la ville de Téhéran qui, bien qu’elle essaie de se moderniser (voir les chantiers qui ne s’interrompent jamais) reste toujours ancrée dans des logiques passéistes. Au niveau de la mise en scène, Asghar Farhadi fait plutôt sobre et efficace, ce qui colle bien à son sujet. Et il dirige parfaitement tous ses comédiens. Personnellement, encore plus que le jeu de Shahab Hosseini, j’ai été particulièrement convaincu par celui de l’actrice Taraneh Allidousti, mélange détonnant de force et de douceur. Ses regards dans la dernière demi-heure valent bien plus que n’importe lequel des discours…




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