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TimFaitSonCinema
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ÉTERNITÉ

Sur plusieurs générations, de la fin du dix-neuvième siècle jusqu’à aujourd’hui, on suit le destin des femmes d’une même famille, de leurs mariages à leurs morts, on voit leurs joies et leurs malheurs, leur amour pour les hommes et leurs enfants…
Verdict:

Si le travail de mise en scène est vraiment soigné et que quelques séquences sont plutôt émouvantes, Eternité reste un drôle d’objet cinématographique dont j’ai eu du mal à vraiment percevoir la finalité et qui ne m’a pas vraiment transporté et même agacé par moments. Globalement élégant mais franchement vain.

Coup de coeur:

La qualité de l’image

La date de sortie du film:

07.09.2016

Ce film est réalisé par

Tran ANH HUNG

Ce film est tagué dans:

Drame familial

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 La Critique


Si Tran Anh Hung n’a finalement pas réalisé tant de films que ça depuis le début de sa carrière (Eternité est son sixième en vingt-trois ans), il s’est fait connaître dès son premier qui a remporté la Caméra d’Or au Festival de Cannes et le César de la meilleure première œuvre. Ce long métrage – L’odeur de la papaye verte – est presque devenu au fil des années une forme de symbole de ces films de festivals qui peinent ensuite à convaincre le public, le titre assez mythique n’étant sans doute pas étranger à cette « renommée ». Je ne l’ai jamais vu donc j’aurais du mal à porter un véritable jugement mais on m’a toujours dit que c’était plutôt gratiné. Le réalisateur franco-vietnamien a ensuite remporté un Lion d’Or du Festival de Venise avec Cyclo avant de retomber quelque peu dans l’anonymat durant de longues années. Il en est en partie ressorti, en tout cas pour moi, il y a cinq ans, avec son précédent long métrage, l’adaptation de l’un de mes romans préférés : La ballade de l’impossible d’Haruki Murakami. J’en étais ressorti frustré, forcément, mais plus par les soucis autour de la mise en images d’un livre si magnifique, que par les qualités cinématographiques intrinsèques du film, ce qui est quand même un peu problématique, je l’avoue sans peine. Tran Anh Hung nous revient cette année avec un long métrage une nouvelle fois basé sur un roman (L’élégance des veuves d’Alice Ferney) et qui dispose d’un casting féminin vraiment étonnant avec Audrey Tautou (qui ne fait guère plus d’un film par an depuis quelques années), Bérénice Bejo (qui prend doucement le même rythme) et Mélanie Laurent (que l’on connaît presque plus comme réalisatrice maintenant avec le succès du documentaire Demain). Etant donné que je ne connaissais pas le livre, j’ai pu davantage m’intéresser au film dans ce qu’il a de singulier.

 

Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Eternité est un long métrage vraiment particulier et qu’il a au moins le mérite de ne ressembler à pas grand-chose d’autre de connu. Ce n’est pas pour autant qu’il m’a convaincu, j’y reviendrai, mais le réalisateur a choisi une ligne directrice assez « radicale », que l’on peut presque considérer comme une nouvelle manière de raconter une histoire au cinéma, et il s’y tient jusqu’au bout, coûte que coûte. Et, rien que pour cela, je lui tire mon chapeau. Mais pourquoi donc ce long métrage est-il autant hors des sentiers battus ? D’abord parce qu’il y a extrêmement peu de dialogues et que les comédiens ne doivent pas dire plus de dix phrases chacun au cours du film. En effet, Tran Anh Hung a décidé d’adapter le roman en en tirant principalement des phrases clés qui sont prononcées par une voix-off féminine. Au bout d’un moment, celle-ci devient agaçante et on se demande assez rapidement si elle est véritablement utile, puisqu’elle alourdit plus l’ensemble qu’autre chose. En effet, le film n’aurait-il pas été plus réussi sans l’ajout de ces phrases tirées du livre et qui sont la plupart du temps redondantes avec ce qui se déroule sous nos yeux ou des vérités générales pas toujours intéressantes ? Le choix aurait encore été plus fort (faire un film sans aucune parole) et je suis persuadé que le spectateur y aurait plutôt gagné au change, d’autant que, la plupart du temps, on sent très bien ce qui va se passer. Pour autant, si peu de paroles sont prononcées, le silence ne se fait presque jamais puisque la musique est omniprésente pendant les presque deux heures de récit. L’immense majorité du temps, on a droit à des pièces de piano (dont du Bach, ce qui n’est jamais déplaisant, au demeurant). Là encore, ça finit par lasser car, justement, on sent que c’est un procédé cinématographique, plus qu’autre chose.

 

Finalement, pour raconter cette histoire, le scénario n’utilise pas vraiment de scènes à proprement parler mais plutôt des moments, des fragments de vie qui montrent des états (heureux ou malheureux) plus que des événements à proprement parler (même si de nombreux mariages et naissances scandent le film). Les retours en arrière sont également fréquents, afin de bien insister sur le caractère presque « magique » de ces liens familiaux. Et cette façon de faire ne sert pas véritablement les actrices qui ne sont qu’une petite composante de ce qui s’apparente à de véritables tableaux, où la caméra navigue constamment (au risque de fatiguer le spectateur). Alors, oui, l’image est plutôt belle, avec une lumière naturelle – tons dorés notamment – de qualité, mais ça manque de vie et donne à l’ensemble un aspect presque désincarné. Engoncées dans leurs costumes (qui n’évoluent jamais) et presque enfermées dans leurs grandes demeures bourgeoises à la décoration foisonnante (là encore, le boulot fourni est impressionnant), elles apparaissent presque comme des statues de cire et on aurait presque envie par moments que les actrices se rebellent et sortent du cadre pour se dévoiler et donner réellement corps à leurs personnages. Malheureusement, ce n'est jamais le cas et le film s’étire sur un rythme langoureux, auquel on finit par se faire avec le temps. Il y a même certaines séquences assez émouvantes, même si, dans l'ensemble, le discours global du long métrage m’a un peu gêné (la femme ne semble trouver son bonheur que dans le fait de donner naissance…). Finalement, je suis resté relativement froid devant ce qui ressemble bien trop à un exercice de style pour réellement me convaincre. Pourtant, je suis persuadé qu’il était vraiment possible de faire bien mieux avec ce matériau, mais il aurait fallu insuffler bien plus de vie et ne pas seulement faire de ces destins des prétextes cinématographiques. 




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