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TimFaitSonCinema
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ELLE

Michèle, qui dirige d’une main de fer une maison d’éditions de jeux vidéo, est agressée et violée à son domicile. Elle décide d’y faire face en ne prévenant pas la police et en continuant sa vie et toutes ses contrariétés familiales presque comme si de rien n’était. Mais l’homme la traque et elle décide de rentrer avec lui dans un jeu de manipulation, qui va peu à peu dégénérer…
Verdict:

Elle est un film vraiment troublant, où une Isabelle Huppert magistrale campe une femme aux multiples contradictions. Entre thriller, drame familial et satire sociale, Verhoeven offre une œuvre loin d’être « évidente » et qui ne peut pas laisser le spectateur indifférent. Personnellement, ça m’a plutôt plu…

Coup de coeur:

Isabelle Huppert

La date de sortie du film:

25.05.2016

Ce film est réalisé par

Paul VERHOEVEN

Ce film est tagué dans:

Drame César du Meilleur film

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 La Critique


Et voilà (enfin) Paul Verhoeven de retour derrière la caméra. En effet s’il avait tourné quelque chose il y a deux ans, il s’agissait d’un film de 55 minutes qui n’a jamais été sorti en France au cinéma. De fait, la dernière œuvre du réalisateur hollandais qui a eu « droit » à une diffusion en salle a maintenant dix ans et il s’agit de l’un des films qui m’a le plus marqué dans mes premières années où je commençais à beaucoup aller au cinéma : Black Book. Film de guerre à la fois très prenant dans le fond et très maitrisé sur la forme, c’était une vraie réussite et j’attendais de voir ce que ce réalisateur allait bien pouvoir faire par la suite. Et ce fut long… Plutôt que de retourner aux Etats-Unis, où il s’est véritablement fait connaître grâce à RoboCop, Total Recall et, surtout, Basic Instinct, c’est en France que l’on retrouve Verhoeven avec l’adaptation d’un roman de Philippe Djian et un casting assez impressionnant (Hupper, Lafitte, Consigny, Efira, Berling,…). Ce qui est assez drôle, c’est que le metteur en scène souhaitait tourner ce long métrage en langue anglaise et situer l’histoire à Boston. Mais il n’a jamais réussi à trouver les financements, beaucoup estimant que tourner sur un sujet aussi polémique aux Etats-Unis n’était pas possible. Ce retour en grâce d’un réalisateur n’ayant jamais laissé indifférent s’est enfin manifesté par une sélection en compétition officielle au Festival de Cannes, où, si le film est reparti bredouille, il n’en a pas moins reçu un accueil très chaleureux de la part des critiques. De mon côté, j’étais vraiment intrigué de voir ce qu’allait pouvoir donner un tel long métrage, tourné dans une langue qui n’est pas maitrisée par le réalisateur et sur un sujet quand même assez sulfureux.

 

D’ailleurs, le long métrage débute sur cette fameuse scène du viol, autour de laquelle tout le scénario va tourner. Mais, comme un premier pied de nez, Verhoeven prend le parti de ne pas la montrer au spectateur mais plutôt de faire un plan sur le chat de cette femme qui, lui, regarde la scène d’un air aussi indifférent qu’un animal peut avoir. Tout est hors-champ, et si, plus tard, on revivra cette séquence plus directement, on comprend d’entrée de jeu que le réalisateur ne cherche pas à tout montrer ni à tout expliquer mais plutôt à insinuer une atmosphère assez malsaine, faite de faux-semblants et de manipulation. Car ce qui est peut-être le plus étrange, c’est qu’après son agression, cette femme va faire presque comme si de rien n’était, continuant à vivre sa vie très remplie, entre l’entreprise de jeux vidéos qu’elle dirige et tous les tracas familiaux qu’elle a à gérer. D’ailleurs cet aspect est plutôt intéressant car ce sont toutes ces relations (avec un ex-mari, un fils, une mère, un amant ou une amie de toujours) qui construisent véritablement un personnage central qui n’est pas plus expliqué que cela en dehors. Par moments, on peut trouver certains passages un peu longuets ou quelques protagonistes pas forcément hyper intéressants, mais on se rend compte au final que tout a son importance et participe à la compréhension de Michèle, même si son comportement n’est pas toujours facile à suivre. L’enfance de cette femme ressurgit par moments et pourrait donner des pistes de compréhension de son attitude générale, mais là encore, le scénario en reste à un niveau très succinct. Finalement, il n’y a que ses actions et sa façon de se comporter avec les autres qui permet de prendre conscience du véritable caractère de ce personnage. Et celui-ci est à la fois complexe et fascinant.

 

Car plutôt que se laisser abattre par ce qui lui est arrivée, Michèle va tout faire pour retourner la situation à son « avantage » et y trouver un certain plaisir malsain. En faisant cela, elle retrouve un certain contrôle sur son violeur mais également sur sa vie. Ainsi, la scène du repas de Noël où Michèle reçoit chez elle sa famille et ses voisins est le symbole de la jouissance qu’elle peut avoir de complètement maitriser toutes ses relations et de manipuler chacun pour arriver à ses fins. S’il y a un suspense, il n’est pas vraiment du côté de l’identité de l’agresseur, puisqu’on le sent dès le départ, mais plutôt sur la manière dont cette relation trouble entre la victime et le bourreau va se transformer pour devenir assez inattendue. Ainsi, Elle parle également des pulsions et de la façon de les contrôler. C’est pourquoi ce film est troublant, jouant toujours sur un fil parfois ténu, n’hésitant pas non plus à manier un certain humour noir ou à brosser un tableau assez caustique d’une certaine bourgeoisie. Mais Verhoeven réussit son coup car il ne tombe jamais dans une caricature de son personnage principal. Néanmoins, Elle n’est pas facile à appréhender et laisse une drôle de sensation lorsqu’il se termine, le spectateur ne sachant pas trop quel sentiment avoir sur cette femme plus que compliquée à cerner. Dans ce jeu de manipulation, Isabelle Huppert s’en donne à cœur joie, jouant sur toutes les nuances de cette femme bourrée de contradictions. Elle est entourée de seconds rôles, à qui Verhoeven semble avoir donné une partition qui colle parfaitement à l’image que l’on s’en fait (Lafitte en voisin parfait, Berling en ex un peu perché) mais qui se révéleront finalement sous un autre jour au cours du long métrage. Tous parfaitement dirigés, ils participent également à la réussite de ce long métrage qui marque, mine de rien, le retour d’un grand réalisateur.



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Fiz 30.06.2016, 21:54

En effet c'est un film plutôt troublant... mais qui ne tient pas toutes ses promesses jusqu'au bout.
Dans sa première partie, le film est en effet dérangeant par son climat malsain qui rappelle l'univers de Michael Haneke. Isabelle Huppert est parfaite dans son personnage ambiguë et pervers.
Mais une fois le suspense levé et l'identité de l'agresseur dévoilée, le film perd nettement en crédibilité et par suite il baisse en intérêt et en intensité. L'histoire, au final assez invraisemblable, ne parvient ainsi pas à conserver toute la tension présente dans le film au départ.
En résumé, c'est un bon film qui n'a pas empêché une légère déception: on pouvait vraiment s'attendre à quelque chose de plus fort et de plus dérangeant.


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