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TimFaitSonCinema
Ils sont huit moines trappistes dans un monastère des monts de l'Atlas en Algérie. Alors que leur sécurité devient de moins en moins sûre, ils décident de continuer à rester pour aider les habitants de la région...
Verdict:
Un film d'une très grande beauté porté par une réalisation exceptionnelle et des acteurs habités. Un long métrage touché par la grâce.
Coup de coeur:

La pureté de la réalisation

La date de sortie du film:

08.09.2010

Ce film est réalisé par

Xavier BEAUVOIS

Ce film est tagué dans:

Drame historique César du Meilleur film

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 La Critique


« Je ne savais pas que c'était un film catho » a dit avant la séance une jeune devant nous (elle croyait même que c'était un film sur des moines du Tibet... c'est pour dire). C'est une des questions principales qui se pose autour de ce film. Peut-on le qualifier de « film catho » ? Je crois qu'une telle appréciation est si ce n'est erronée, du moins très incomplète. Nous allons nous en expliquer ici.

Bien sûr, le film nous donne à suivre la vie de ces huit moines habitant un monastère au cœur de l'Atlas algérien, tout près d'un village dont ils sont très proches (d'ailleurs, toutes les scènes montrant les relations entre ces deux communautés sont révélatrices et intéressantes, notamment lors de ce dialogue où une femme du village, s'adressant aux frères dit : « les oiseaux, c'est nous, la branche, c'est vous » : tout un symbole). On sait très bien quel sort sera réservé à ces moines : la mort. D'ailleurs, Xavier Beauvois ne s'aventure pas dans la polémique « politique » autour de cette affaire (ont-ils été assassinés par des terroristes du GIA, s'agit-il d'un complot des services secrets algériens ou d'une terrible bavure de l'armée ?) et c'est mieux ainsi car là n'est pas du tout le sujet de son film. En effet, il s'intéresse à ce qui a poussé ces moines à rester à cet endroit alors que le danger se faisait de plus en plus pressant.

Mais bien plus que ça, Des Hommes et des Dieux est un film sur la foi dans ce qu'elle a de plus complet : la foi en Dieu bien sûr, mais aussi la foi en l'homme et la foi en l'avenir. Néanmoins, l'aspect religieux n'est pas à négliger. D'ailleurs, tout le film est construit comme une messe puisque la première scène au cœur du monastère s'ouvre par un signe de croix et la dernière scène où on les voit prier se finit par le sacrement de l'eucharistie. Entre temps, le film est rythmé par des scènes de prières chantées (chants d'ailleurs magnifiques). Celles-ci sont filmées en plans fixes, comme pour mieux s'imprégner de la solennité du moment. Le long métrage s'intéresse à la fois à la question de la communauté et de son évolution mais aussi à des destins plus individuels. Pour ce qui est de l'aspect plus « collectif », nous pouvons noter que la présentation des frères est très intéressante : elle se fait peu à peu au cours de la première moitié du film : on les découvre par l'activité qu'ils exercent dans la communauté (celui qui cuisine, le médecin, celui qui travaille la terre, ceux qui font du miel). Cette façon de connaître peu à peu ces moines nous permet de rentrer progressivement dans la communauté, de façon subtile, comme si nous étions un visiteur à part entière. Les destins individuels sont très importants pour deux personnages en particulier. C'est d'abord le cas pour Frère Christian, le prieur du monastère, dont on sent bien que la mission de guider la communauté (et d'en assumer les choix) lui pèse particulièrement. On le suit dans des moments d'introspection qui sont autant d'instants très forts (la scène près du lac : quelle beauté !). L'évolution de Frère Christophe, au cours du film, est très intéressante. Alors qu'il est un fervent partisan du départ au début, il décide finalement, avec les membres de la collectivité, de rester, suite à un voyage intérieur, qu'il nous est partiellement donné de suivre.

Mais, la question n'est pas de savoir si le spectateur que nous sommes approuve le choix de ces moines (celui de rester malgré le danger évident) mais nous ne faisons que l'accompagner et le respecter. Et c'est, selon moi, une des grandes forces du film. Il ne se veut nullement explicatif ou démonstratif. Il s'offre juste à nous comme une évidence limpide, celle que ces hommes ont choisi en leur âme et conscience et qu'ils ont fait ce qu'ils estimaient le mieux. Mais Des Hommes et des Dieux est un film et il nous faut donc nous intéresser à ce qui fait la particularité de ce film et là encore, il y a de nombreuses choses à dire. D'abord, ce qui est particulièrement marquant, c'est la pureté du cadre, des plans et des séquences. Rien n'est brusqué, tout est toujours maîtrisé à la perfection. Les plans sont toujours magnifiques, et tous semblent évidents, presque faciles... Certaines scènes, pas forcément les plus importantes ou celles qui sont vraiment clés, en deviennent vraiment exceptionnelles. Ainsi, lors de la fête en l'honneur du petit enfant du village, la caméra, dans un même mouvement, nous montre la joie du village, celle des moines avant de monter voir les femmes du village qui se trouvent au dessus de la maison : confondant à la fois de simplicité, de beauté et de maîtrise. Une des constantes du film est dans cette volonté du réalisateur d'aller au plus près des visages de ces comédiens. Que ce soient au cours des prières ou des discussions, Xavier Beauvois s'efforce d'approcher au plus proche les sentiments qui nourrissent les personnages. Toutes les scènes qui se passent au cours des chapitres (moments de discussion entre les moines) sont notamment très importantes. La scène du dernier repas, dont nous reparlerons, est la démonstration parfaite d'une telle réalité.

Ce film est magnifique dans sa totalité mais nous pouvons tout de même relever certaines scènes qui ressortent et qui sont particulièrement marquantes. Selon moi, deux, au moins, méritent de s'y intéresser plus particulièrement. La première est celle où les chants religieux « combattent » le bruit infernal des pales d'hélicoptère : une sorte de résumé de tout le destin de ces moines. Mais c'est surtout la scène du dernier repas, absolument époustouflante, qui me laisse un souvenir émerveillé et ému. Sur la musique du Lac des Cygnes, les frères partagent un dernier repas (que l'on peut donc voir comme une cène). Le réalisateur capte leurs émotions en commençant par tourner autour de la table, puis peu à peu, il se rapproche des visages, puis des yeux. Tous les frères sont ainsi « sondés » et on peut y lire le mélange d'espoir et de crainte. Absolument magnifique et c'est une scène qui hante assez longtemps l'esprit du spectateur, qui comprend très bien que c'est le dernier repas. Enfin, comment ne pas évoquer le dernier plan, absolument époustouflant et qui clôt de façon magnifique ce long métrage. Alors que le film a débuté dans un grand soleil, il se finit dans le brouillard le plus complet.

Ce film est surtout éblouissant par sa façon de prouver que la force du visuel reste très importante quand ce qu'on montre est pertinent. Il n'est pas besoin de longs discours ou de grands dialogues quand tout peut être montré par l'image. C'est la magie du cinéma et Des Hommes et des Dieux nous le rappelle de façon splendide. Il y a un nombre incalculable de scènes silencieuses qui en disent bien plus long que n'importe quelle parole. Pour cela, il faut aussi des comédiens au diapason et Xavier Beauvois a réussi à créer une équipe d'acteurs absolument parfaite dans leurs rôles respectifs avec des mentions particulières à Michael Lonsdale, Olivier Rabourdin et Jacques Herlin, absolument grandioses. Finalement, comme une conclusion à cette longue critique, il me faut tout simplement dire qu'il est rare de voir une telle adéquation entre la forme et le fond : un dépouillement de la réalisation qui se rapproche directement de celle de ces hommes qui ont tout donné pour rester fidèles à leurs principes de vie. Tout simplement immense.

REVU LE 19/09/2010



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