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TimFaitSonCinema
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BARBARA

Barbara est une médecin qui travaille dans une clinique sur les bords de la Baltique, en Allemagne de l’Est. On comprend qu’elle a sans doute tenté de fuir vers l’Ouest vu la surveillance sévère à laquelle elle est soumise. Elle attend alors une possibilité d’émigrer…
Verdict:
Un beau film sur une période sombre de l’histoire allemande. Tout en délicatesse, le réalisateur parvient à nous faire rentrer dans l’univers assez dur de cette femme, magnifiquement interprétée par Nina Hoss.
Coup de coeur:

Nina Hoss

La date de sortie du film:

02.05.2012

Ce film est réalisé par

Christian PETZOLD

Ce film est tagué dans:

Drame

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 La Critique


L’Allemagne du cinéma nous avait déjà parlé de différentes façons de la période où deux pays si différents cohabitaient en « un seul ». Par l’humour (le très drôle Good bye Lenin !) ou par l’intermédiaire d’un drame policier (l’incroyable La vie des autres), il avait réussi à cerner les différentes facettes de cette époque sombre. Mais ce sujet semble inépuisable, notamment pour une nouvelle génération de cinéastes qui, jeunes, ont connu cette période et qui ont sans doute besoin de la raconter pour ne pas qu’on oublie les difficultés qui ont existé pendant tout ce temps. De plus, cette période a quelque chose d’extrêmement « cinématographique » puisqu’elle contient en elle les notions d’enfermement à grande échelle, de surveillance ou encore de mensonges et de manipulations. Autant de thèmes qui peuvent faire l’objet de traitements très différents dans des longs-métrages et qui seront toujours intéressants à exploiter et à montrer. Christian Petzold, lui, décide de partir de l’histoire d’une femme, médecin dans cette clinique et qui cherche pendant tout le film à sortir du carcan dans lequel elle est enfermée par les autorités.

De cette femme, on ne sait presque rien, mais on le devine par bribes, surtout à travers la façon dont les personnes se comportent avec elle. En effet, ce n’est pas elle qui risque de dévoiler son intimité, taiseuse comme elle est. La seule indication donnée l’est lors de la séquence d’ouverture du film : « Allemagne de l’Est, 1980 ». C’est mince car très peu précis mais cela veut aussi tout dire pour le spectateur : nous nous retrouvons donc en plein cœur, tant géographique que temporel, de cette période noire. Barbara apparaît alors un peu comme une forme de représentation de ce que pouvait produire ce terrible régime. Son interprète est vraiment excellente. Le personnage qu’elle joue n’est pas forcément facile à appréhender, du fait de sa complexité et de son côté renfermé sur elle-même. Nina Hoss, elle, parvient à exprimer beaucoup sans parler, ce qui n’est pas toujours évident et elle s’impose sans aucun numéro de bravoure mais plutôt par une présence constante. En tout cas, elle campe une Barbara à laquelle le spectateur s’attache véritablement.

Elle est seule, dans un logement plutôt spartiate et tout le monde semble épier ses moindres faits et gestes. D’ailleurs, la STASI est clairement dans son dos étant donnée la façon dont la surveillance est sévère et les fouilles régulières tout autant que traumatisantes. Même à son travail, l’intégration semble complexe. Seul son collègue médecin lui prête vraiment attention mais peut-être trop aux yeux d’une Barbara qui le voit plus comme un potentiel espion. Cette relation avec ce médecin est le cœur du long-métrage. C’est autour de celle-ci que s’articule le changement de mentalité de Barbara. Il y a au départ une vraie méfiance qui va peu à peu laisser place à une confiance professionnelle avant que la relation ne devienne autre. Cela est aussi montré par les lieux où cet homme et cette femme se rencontrent : d’un espace public (la clinique) aux espaces privés de chacun de leurs appartements. Le film se conclut sur une scène magnifique entre ces deux personnages : un regard où tout se passe sans que rien ne soit dit. Car si cette femme ne parle pas beaucoup, le réalisateur parvient parfaitement à montrer le mélange de sentiments qui habite cette femme : à la fois l’ennui, l’inquiétude toujours présente, mais aussi une sorte de force intérieure qui la pousse à croire en une possible évasion. C’est autour de ces différentes sensations et de ces rencontres que cette femme va peu à peu voir son univers et ses certitudes évoluer.

Pendant la séance, j’ai eu l’impression qu’il manquait quelque chose à ce long-métrage mais j’ai du mal à vraiment définir quoi : peut-être un enjeu dramatique plus fort ou encore une façon de casser un rythme qui s’installe de façon un peu trop marquée selon moi. Dans la façon de réaliser, Christian Petzold n’hésite parfois pas à rallonger un peu trop certaines séquences de manière artificielle et pas forcément utile, alors que d’autres passages auraient peut-être mérité un peu plus de temps pour se déployer entièrement. Au moins, le film a pour lui une ligne dramatique assez claire : les rebondissements ne sont pas nombreux et on sent venir assez tôt la fin et le réalisateur ne fait rien pour nous en empêcher. Car là n’est pas vraiment l’enjeu mais plutôt dans la façon dont cette femme fait un choix particulièrement compliqué, à la fois pour elle mais aussi pour ses proches qui l’attendent.

Là où le film est très fort, c’est sans la façon qu’il a d’instiller tout du long une forme de pression insidieuse assez intéressante. On ressent véritablement, en tant que spectateurs, la méthode mise en place sur la population et plus particulièrement sur Barbara. On se sent même jusqu’au bout « enfermé » avec elle. Cela passe par le rappel régulier de la surveillance étroite donc le personnage central fait l’objet. Mais dans presque toutes les séquences, un élément visuel ou sonore vient nous rappeler cette tension permanente. Le son a en effet une importance primordiale dans cette mise en place de la pression et donc, dans la mise en scène de Christian Petzold. Bruits d’un vent étourdissant, portes qui claquent, voitures qui démarrent ou ralentissent : tout peut être potentiellement dangereux. La réalisation est, là, suffisamment intelligent pour que cette tension soit soutenue sans vraiment en avoir l’air, plus par bribes qu’autre chose. C’est là qu’elle est la plus terrible. C’est en ce sens un film prenant et qui mérite une place de choix dans la filmographie allemande sur cette période.


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mht 09.05.2012, 07:42

Très belle et juste critique Tim, de ce film magnifique et prenant ! Je suis cent pour cent d'accord avec tes analyses sauf sur un point (donc c'est pas du cent pour cent !) : l'avant dernier paragraphe, car pour moi, il ne manque rien et je n'ai pas ressenti de longueurs ...L'actrice joue superbement et on s'attache tellement au personnage qu'on ne s'ennuie pas une seconde.
Même si le cadre historique a déjà été beaucoup exploité et pour cause, cette approche est originale et novatrice. Miracle du cinéma ....
Bilan : ça fait plaisir d'aller au cinéma pour voir de tels films !


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