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TimFaitSonCinema
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AU-DELÀ

Un ouvrier américain (George) qui est un ancien médium, une journaliste française (Marie) passée tout près de la mort lors du tsunami et un petit anglais (Marcus) qui vient de perdre son frère jumeau : trois destins, rattachés par l'idée de la mort, et qui vont finir par se rencontrer.
Verdict:
Une vraie déception. Le sujet dépasse complètement Eastwood qui se sent obligé de le rattraper en en faisant vraiment trop parfois. Dommage parce que, par séquences, il nous prouve qu'il n'a rien perdu de sa maestria.
Coup de coeur:

Matt Damon

La date de sortie du film:

19.01.2011

Ce film est réalisé par

Clint EASTWOOD

Ce film est tagué dans:

Film choral

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 La Critique


Honnêtement, cela faisait un long moment que ce film me faisait un peu peur et que j'appréhendais quelque peu de me retrouver dans la salle pour aller le voir. Les premières infos sur le projet, les premières photos, la bande annonce, ce que j'avais pu en lire ici et là : rien ne m'incitait à un optimisme farouche. Je sentais venir le traquenard et me dire que je n'allais pas aimer un film d'Eastwood n'était pas la perspective la plus réjouissante... Et alors ? Eh bien... C'est difficile à dire mais je n'ai pas « aimé » Au-Delà. Je n'ai pas détesté, pas trouvé ça vraiment nul mais c'est très décevant, surtout de la part du grand Clint... Je vais de suite m'en expliquer.

Le premier problème vient évidemment de ce qui me faisait le plus « peur » : le thème du film. Traiter de l'Au-delà peut être intéressant mais pas comme cela est présenté dans ce long-métrage. Même si le scénario fait tout pour montrer que cela peut passer pour être réel, il y a quelque chose dans la réalisation qui bloque complètement cela. Eastwood s'appuie trop sur un symbolisme un peu lourd et les scènes où les personnages voient les morts sont particulièrement ratées car, justement, déréalisées. En fait, globalement, il en rajoute vraiment alors qu'un tel sujet aurait pu être traité de façon beaucoup plus fine, en analysant plus la psychologie des personnages, notamment. Et ce qui est énervant, c'est que, ça, justement, c'est une des grandes spécialités d'Eastwood : aller sonder les personnages jusqu'au plus profond d'eux-mêmes. Mais là, de façon assez claire, il est dépassé par le sujet et le scénario et ne sait plus bien où donner de la tête. Le film finit donc par être une sorte de machine, trop bavarde (certaines scènes sont vraiment longues) et dénuée de tout soupçon d'émotion. Même la musique, composée par Eastwood lui-même, na rien de vraiment extraordinaire et ne permet pas à certaines scènes de réellement devenir des passages réussis. Le film est trop détaché d'une certaine réalité et d'un quotidien concret (qu'Eastwood adore pourtant mettre en scène) pour qu'il atteigne un degré supérieur. Le réalisateur s'attaque un peu à ses sujets favoris (la famille ou le religieux notamment) mais ne s'y attarde pas, alors qu'il y avait du potentiel (George et son frère, notamment, dont la relation n'est pas du tout assez creusée). On a vraiment l'impression qu'il réalise ce film comme s'il était dépassé par la grosse machine de son scénario qui doit filer vers une rencontre inéluctable entre les trois personnages centraux.

Car cette structure autour de trois personnages centraux, liés par une même thématique et qui vont finir par se rencontrer, est l'autre faiblesse principale de ce film. En effet, cela ne permet pas au réalisateur de se poser, d'étudier calmement un personnage : ça doit avancer et ca ne peut pas être autrement. Et comme Peter Morgan, le scénariste, ne possède pas la maestria d'un Guillermo Arriaga (période 21 Grammes) pour lier intimement et intelligemment les histoires et les temporalités, on tombe très vite dans le cliché du film choral un peu plan-plan : chacun ses dix minutes, à tour de rôle, jusqu'à qu'on se rencontre pour de bon. Heureusement, il n'y a là que trois histoires et cela offre un minimum de temps pour réellement entrer dedans. Mais on voudrait en savoir plus sur les parties anglaises et américaines, aller plus loin, creuser ces personnages. Ce sont les deux parties les plus réussies, notamment du fait du jeu d'acteur de Matt Damon et d'une réalisation plus intimiste du côté américain et du jeune McLaren ainsi qu'un jeu intéressant sur la couleur de l'image pour la partie anglaise. Par contre, toute la partie française est ratée dans les grandes largeurs. Je n'ai rien contre Cécile de France mais je ne la trouve pas très bonne dans ce film. Elle paraît presque détachée. Il faut dire qu'elle tombe dans le segment du film le plus cliché (les affiches de pub, le discours sur Mitterrand, une vue sur la Tour Eiffel, une vue sur l'Arc de Triomphe) et le moins réaliste. De plus, on ne comprend pas la moitié de ce qui se dit dans tous les passages en France. On a presque l'impression qu'Eastwood, en travaillant en France, a pris le syndrome des films français dont le son est tellement mauvais qu'on est obligés de tendre l'oreille pour réussir à entendre quelques bribes de phrases.

Néanmoins, tout est-il à jeter dans ce film ? Non, principalement parce qu'Eastwood n'est pas un manche (ça, on le sait depuis longtemps). Au cours de plusieurs scènes, on reconnaît sa pate : « spéciales Eastwood »® pour la mort de Jason avec le travelling vertical au dessus de la scène ou pour les scènes dans l'appartement américain avec les travellings dans les couloirs. Il sait toujours parfaitement gérer la question des ombres et lumières (particulièrement vrai dans la partie américaine) et il orchestre certaines scènes de haut-vol. Retenons-en deux : toute l'ouverture du film sur le tsunami et le passage dans le métro londonien (je n'en dis pas plus). Deux séquences qui montrent qu'Eastwood sait encore placer sa caméra et gérer le rythme pour donner une vraie force à l'image. Mais cela reste trop rare dans ce film et c'est quand même dommage. Mais le sujet s'y prête-t-il vraiment ?

Un jour, dans une critique (celle de L'Echange), je me demandais si Eastwood avait toujours des bons sujets ou s'il réussissait à les magnifier. Ce film apporte un bon début de réponse : Eastwood est très fort (ça, c'est sûr) mais avec un sujet et un scénario aussi bancals, il ne peut malheureusement pas faire grand-chose. Il a même tendance à s'enfoncer quelque peu dans la facilité et d'en rajouter. La question suivante est donc : pourquoi a-t-il choisi ce sujet ? Là, cela reste pour moi un mystère. Et puis, cela faisait au moins six ans qu'il restait sur du très haut-niveau en matière de réalisation et un raté est tout de même pardonnable. Espérons que son prochain film – sur J. Hoover, premier directeur du FBI, avec Leonardo DiCaprio – redonne un petit coup de fouet à un Eastwood qui semble s'enfoncer un peu dans une forme de facilité, après un Invictus qui faisait déjà perdre un peu de sa force au cinéma eastwoodien que j'apprécie tant.



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