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TimFaitSonCinema
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SUZANNE

Suzanne est une jeune femme que l’on va suivre pendant presque vingt-cinq ans dans ses galères comme dans ses moments les plus beaux. Mais son histoire est aussi celle de sa famille proche, notamment son père et sa sœur qui s’inquiètent beaucoup pour elle…
Verdict:
Suzanne est un film étonnant dans sa construction, fascinant dans la manière dont il est interprété et absolument bouleversant par moments. Dans l’ensemble, c’est une vraie réussite, car ce long métrage touche vraiment au cœur. Katell Quilévéré frappe en tout cas très juste.
Coup de coeur:

La façon de raconter cette histoire

La date de sortie du film:

18.12.2013

Ce film est réalisé par

Katell QUILLÉVÉRÉ

Ce film est tagué dans:

Drame familial

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 La Critique


Suzanne n’était pas dans mes « radars » de fin d’année concernant les films à ne pas rater. Je dois bien avouer que je l’avais même raté. Pourtant, plusieurs indices auraient dû sérieusement m’inciter à m’y intéresser de plus près. D’abord le pedigree de la réalisatrice dont c’est le deuxième film alors qu’elle n’a que trente-trois ans. Son premier (Un poison violent) avait visiblement plutôt été apprécié par les (peu de) personnes qui l’avaient visionné (je n’en faisais pas partie mais la distribution avait été très confidentielle). Ensuite la présence au casting de Sara Forestier, qui, malgré son jeune âge, a déjà le choix dans les projets qu’elle veut grâce à son talent et les multiples récompenses qu’elle a déjà amassée. On peut se dire que si elle s’est investie autant dans ce film, c’est forcément qu’il y a quelque chose derrière. Voir aussi François Damiens au générique ne gâche rien. Enfin, un dernier élément était le côté assez intrigant du pitch puisqu’on parle du fait de suivre une jeune femme sur environ vingt-cinq ans, le tout en une heure et demie. Une telle façon de faire n’est pas courante et interpelle forcément. Tout cela mis bout à bout aurait vraiment du me pousser à m’y intéresser d’avantage mais, parfois, on fait les mauvais choix de départ. L’important est bien évidemment de les réparer et, finalement, je suis allé voir ce film. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce fut une riche idée car, en cette fin d’année, on tient sans doute là l’un des tous meilleurs longs métrages réalisés en 2013. C’est en tout état de cause l’un des plus forts émotionnellement mais aussi celui qui est sans doute l’un des plus intéressants dans la manière de faire du cinéma (du scénario à la mise en scène). On tient là une des véritables petites pépites que le Septième Art français est encore capable de nous offrir et pour laquelle on ne peut que s’enthousiasmer.

Suzanne se révèle d’abord être un film assez fascinant dans la façon dont il est construit. En effet, en une heure et demie, on suit vingt-cinq ans environ (même si on ne peut pas être certain) de la vie d’une femme. On apprend à la connaître quand elle est jeune fille (six ou sept ans) et la dernière scène la montre avec le fils qu’elle a eu au lycée, qui a bien grandi et est devenu un jeune adolescent. On peut se dire que cela va être un résumé très rapide, sans grand intérêt car pas assez creusé. Et bien c’est une voie tout à fait différente que choisit le scénario. En effet, tout le long métrage est construit sur des épisodes qui se succèdent et qui sont discontinus dans le temps. C’est quand même chronologique mais il y a des ellipses très nombreuses qui rythment Suzanne. De plus, le personnage principal n’est pas toujours présent : il apparaît, il disparait, il revient, il repart,… Et le film se construit autant dans ce qui est montré que dans ce qui est « hors champ ». Cette façon de faire a deux caractéristiques majeures. La première, c’est qu’elle ne laisse à l’image que ce qui est important. On a ainsi droit à une sorte de condensé d’émotions pour tous les personnages. Tout le superflu est évacué manu militari afin de gagner en « efficacité ». Mais, surtout, avec une telle structure, la réalisatrice emmène le spectateur avec elle car celui-ci est obligé de s’imaginer tout ce qui a bien pu se passer pendant tout le temps où l’on n’a pas vu l’héroïne. On la voit évoluer devant nous mais, finalement, on sait très peu de choses d’elle, ce qui renforce aussi une certaine forme d’identification à ce personnage de femme finalement ordinaire, dont le destin va devenir d’une certaine façon extraordinaire car hors des sentiers battus et de ce qui est moralement convenu dans notre société.

Car Suzanne est avant tout un film sur l’amour fou, celui qui fait perdre toute raison et qui peut entrainer des actes qui paraissent insensés. En effet, par amour pour un jeune homme dont on comprend qu’il traine dans des trucs louches, Suzanne va abandonner les siens, et notamment son jeune fils. C’est absolument terrible et le spectateur aurait envie de la condamner et la rejeter pour cela mais Katell Quilévéré réussit l’exploit de ne pas juger Suzanne et de nous montrer tout simplement comment certains choix de vie peuvent être décisifs et comment, parfois, on peut être totalement perdu et aveuglé. Il y a aussi une vraie volonté de ne pas sombrer dans une certaine forme de misérabilisme et c’est ici très important. Pourtant, il y aurait vraiment de quoi faire entre le fait qu’elle ait perdue sa maman très jeune, qu’elle soit enceinte à seize ans, qu’elle fugue ou qu’elle finisse en prison. Sur tout cela, le scénario évite de porter un jugement en ne montrant presque pas toutes ces périodes mais plutôt en en faisant justement des ellipses qui laissent le spectateur s’imaginer ce qu’il souhaite. Mais Suzanne est aussi une histoire de famille puisque, dans sa façon de vivre, la jeune femme va aussi avoir un impact sur sa sœur dont elle est extrêmement proche (il faut les voir les deux siffler les garçons, scène absolument géniale qui retourne les habituels clichés) mais aussi sur son père, visiblement dévasté par la mort de sa femme et qui ne sait plus bien comme s’occuper de ses filles finalement si différentes. Ça pourrait paraître banal comme histoire et, d’une certaine manière, ça l’est mais, en même temps, chaque personnage a vraiment sa personnalité et révèle quelque chose de fort. Tant est si bien qu’on a presque l’impression qu’il y aurait de quoi faire un film sur chacun des membres de cette famille. Mais la force de Suzanne se trouve aussi dans cette manière de « condenser » ces destins familiaux et de les relier de façon à n’en faire qu’un.

La mise en scène de Katell Quilévéré répond tout à fait à cette manière de raconter l’histoire de cette jeune femme. En juxtaposant des séquences parfois très disjointes dans le temps, il y a pour le spectateur un vrai besoin de comprendre rapidement de quoi il en retourne et, pour cela, la réalisatrice s’y prend très bien. Elle ne cherche jamais à trop en faire mais reste dans une forme de simplicité et même de spontanéité très agréable et parfois (d)étonnante. Il y a bien quelques petites longueurs par ci par là, mais qui viennent aussi du fait que, justement, à certains (rares) moments, la mise en scène ne trouve pas la bonne distance, le point de vue adéquat ou la façon de raconter un épisode. On est presque surpris et ça « choque » un peu. Mais, dans l’ensemble, c’est très bien géré et on trouve même certaines scènes tout simplement impressionnantes, notamment dans l’émotion qu’elles suscitent. Ce n’est jamais surfait et semble plutôt assez simple. Tout cela sans doute parce que c’est excessivement sincère. C’est le cas notamment pour les scènes de parloir ou celle, extraordinaire, de la douane. En plus, le film monte progressivement en puissance et, peu à peu, on sent l’émotion de plus en plus venir, avant de finir dans des dernières séquences absolument déchirantes et émouvantes au possible. L’usage de la musique a aussi une très grande importance et démontre aussi toute la sensibilité et l’intelligence de la mise en scène. En effet, à travers la bande originale, on comprend bien l’évolution temporelle de cette histoire puisque les musiques se font de plus en plus récentes (avec un petit passage par Noir Désir) et font donc écho aux changements de chacun des personnages. Pour ce qui est de la musique composée exclusivement pour ce film, un vrai travail est effectué avec des retours de thèmes qui correspondent à des états d’âme du personnage central.

Mais si cette grande fresque d’une famille finalement ordinaire est réussie à ce point et criante de vérité, c’est aussi parce que Katell Quilévéré arrive à tirer le meilleur d’un casting finalement assez détonnant. Outre les seconds rôles tenus très sobrement par des actrices chevronnées telles que Anne Le Ny ou Corinne Masiero, on retrouve ici Paul Hamy, un acteur débutant (et déjà vu furtivement dans Elle s’en va) et une Adèle Haenel qui peine à se faire véritablement une place malgré des débuts très prometteurs (Naissances des pieuvres de Céline Sciamma) dans des rôles déjà plus importants. Les deux sont très bons car ils s’inscrivent tout à fait dans l’ambiance générale du film et leurs apparitions sont toujours marquantes. Mais que dire de François Damiens et de Sara Forestier ? Le premier continue son exploration d’un univers plus dramatique (après, notamment, La Délicatesse) et il est tout simplement immense dans ce rôle de père perdu face aux choix de sa fille mais qui ne peut s’empêcher de l’aimer et, donc, d’essayer de l’aider. L’acteur prouve une nouvelle fois qu’il est capable de tout, jouant ici tout en retenue et en justesse. Le César du meilleur second rôle masculin ne devrait cette fois-ci pas être loin du tout. Et je pense que Sara Forestier, elle, peut préparer une petite place pour un troisième César (qui serait un deuxième en tant que meilleure actrice). En effet, elle est tout simplement immense, réussissant à jouer cette Suzanne à tous les âges avec la même sincérité et la même justesse. Elle est à la fois lumineuse et perdue, amoureuse et abandonnée, jeune et déjà marquée par les épreuves de la vie, charmante et horripilante… Pleine de contrastes, elle est surtout une jeune femme totalement libre, et que cette liberté va finir par perdre. Sara Forestier donne surtout à son personnage des regards (d’amour ou de détresse) qui sont bouleversants et qui ne peuvent que toucher le spectateur. Tout comme ce film qui restera comme l’un des sommets de l’année et qui confirme bien que le cinéma français est loin d’être mort et qu’il se renouvelle sans cesse…


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jct 30.12.2013, 12:28

Sorry Tim, même si "on ne peut qu'être ému, bouleversé etc par ce film", je suis resté à la porte... Je n'ai pas été particulièrement ému, plutôt assez horripilé par le personnage de Suzanne. Son père est très juste, c'est vrai. Mais je trouve surtout qu'il y a un côté convenu à cette histoire de fille perdue par son amour pour un truand au grand coeur, ce truand qui respecte les codes d'honneur de l'amour et de la fidélité, qui chouchoute son bébé. Tout ça 'a semblé un peu cousu de fil blanc. Bon, je ne vais évidemment pas dire que le film est mauvais ou que Sara Forestier n'est pas une bonne actrice, mais le mouchoir est resté terriblement sec dans ma poche. Comme quoi on peut ne pas être particulièrement ému par ce film sans être non plus une brute épaisse....
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mht 09.01.2014, 13:35

ce film est unique !
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vuvu 10.01.2014, 21:25

L’incroyable soif d’amour omniprésente durant tout le film m’a touchée. Je reste sensible à cette soif intarissable qui donne ses chemins de traverse… l’Amour arrive finalement à rassembler les blessés de la vie ! Le regard de Suzanne toujours lointain devient enfin un regard pétillant sur la vie… Film qui me remue.


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