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TimFaitSonCinema
Ellis et Neck sont deux jeunes adolescents qui vivent sur les bords du célèbre fleuve Mississippi. Un jour, alors qu’ils partent en expédition sur une île à la recherche d’un bateau suspendu à un arbre, ils font la rencontre avec Mud, un homme qui vit à cet endroit et qui, visiblement, cache pas mal de choses…
Verdict:
Même s’il est vrai que la première heure est un peu longuette et que tout n’est pas toujours génial, on ne peut s’empêcher d’être marqué par la beauté visuelle et l’intensité que dégagent ce film. C’est confirmé, Jeff Nichols est donc bien un grand réalisateur.
Coup de coeur:

La beauté plastique du film

La date de sortie du film:

01.05.2013

Ce film est réalisé par

Jeff NICHOLS

Ce film est tagué dans:

Drame

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 La Critique


C’est peu dire que l’on attendait au tournant Jeff Nichols après la réussite qu’était son film précédent (Take Shelter). Celui-ci constituait son deuxième long-métrage, et il faisait suite à un Shotgun stories remarqué par la critique mais sorti de façon plus confidentielle dans nos contrées… Le deuxième, par contre, avait fait beaucoup plus de bruit et m’avait surpris en tout début d’année dernière, par son côté extrêmement puissant mais aussi par son écriture fouillée qui instillait une frontière toujours floue entre réalisme et fantastique et qui parlait de façon détournée de l’Amérique profonde et de ses peurs. A Cannes, l’an dernier, celui que l’on dit être le nouveau prodige du cinéma américain présentait donc son nouveau film en compétition officielle et il a plutôt été vu d’un bon œil par ceux qui ont la chance de la visionner. Néanmoins, à l’heure du palmarès, il est reparti bredouille, ce qui a pu en étonner plus d’un. Personnellement, ce qui m’étonne un peu plus, c’est qu’il ait fallu attendre un an (puisque le Festival 2013 commence dans deux semaines) pour avoir droit à des copies en France. Je trouve ce délai particulièrement long, surtout pour un film aussi attendu et dont on entend parler depuis si longtemps. Voir un film un an après les premières séances officielles a même quelque chose de presque agaçant. Mais, bon, il a fallu prendre son mal en patience. Et, au final, le spectateur est plutôt récompensé puisque Mud (raccourcissons le titre officiel…) est un vrai beau film, pas parfait, mais qui dégage vraiment quelque chose et qui confirme par la même occasion que son réalisateur doit vraiment être suivi avec beaucoup d’attention. Oui, Jeff Nichols est bien l’une des nouvelles têtes hollywoodiennes à surveiller de très près.

Ce qui marque le plus dans ce film, et que l’on retient le plus à la sortie de la séance, c’est son côté formellement extrêmement réussi. En fait, pour dire les choses plus simplement, c’est visuellement assez magnifique. Toutes les scènes sont travaillées et sont filmées à la perfection. Le réalisateur réussit notamment très bien à gérer le jeu des lumières et nous offre certains plans absolument géniaux. Mais c’est surtout sur la durée que c’est impressionnant car presque rien n’est à jeter dans ce film. Et, de mon côté, je trouve même qu’il se « malickise » un peu avec ce film, e qui est loin d’être un défaut. C’est peut-être parce que je veux voir la patte de ce réalisateur génial partout mais, néanmoins, on remarque qu’il nous offre beaucoup de plans de nature qui ressemblent parfois de très près à ce que peut faire Malick (notamment avec les arbres inondés de soleil). Ce sont ici des plans beaucoup plus courts et qui ne sont pas là « innocemment » puisqu’on peut remarquer qu’au début de chaque nouvelle séquence importante, on trouve trois ou quatre plans qui font débuter ce nouveau passage. C’est donc une manière aussi de rythmer son film et de séparer de façon plus nette les différents éléments qui le composent.

Mais, en même temps, derrière cette enveloppe plastique étonnamment belle, on a parfois l’impression que le film tourne un peu à vide. C’est notamment vrai dans une première moitié qui n’est pas exempte de quelques longueurs et qui, à certains moments, serait presque un peu ennuyeuse. Heureusement que les images sont jolies !! Mais on se rend aussi compte à la fin que cette première partie est essentielle pour poser les bases de ce qui se déroulera à la fin. Jeff Nichols prend néanmoins son temps, c’est le moins que l’on puisse dire. Dans son écriture, il veut peut-être traiter un peu trop de thèmes différents, qui, tous, tournent autour de l’idée générale de violence : les questions entre les parents d’Ellis sur un départ de cet endroit particulier où ils habitent, les mystères de Mud et son histoire d’amour contrariée avec Juniper, les premières histoires amoureuses d’Ellis… Au bout d’un moment, tout cela se mélange un petit peu trop et on perd le fil de ce qui est vraiment essentiel au film. Mais on peut se dire aussi que, justement, c’est dans ce lien tissé entre tous ces thèmes que se trouve le réel intérêt de Mud. C’est d’ailleurs autour du personnage d’Ellis que tournent toutes ces intrigues et c’est lui le vrai pilier du film. Par contre, la deuxième moitié monte en puissance de façon assez intelligente pour finir sur un quart d’heure final de très haut niveau. Tous les thèmes qui ont été abordés plus ou moins profondément au cours du film refont surface et se cristallisent en deux ou trois séquences très fortes. Il y a en tout cas vraiment quelque chose qui se dégage de ce film et qui ressemble à une lame de fond qui, peu à peu, ne peut que toucher le spectateur. Cela tient aussi sans doute dans la manière dont ce film brasse différents styles et est ainsi difficile à définir (drame, thriller, fresque,…). C’est sûr que c’est moins surprenant et déroutant que Take Shelter mais ça n’en reste pas moins très beau.

En plus, ce film s’inscrit dans une nouvelle « mode » lancée par le « jeune cinéma américain » : celle de filmer ces Etats-Unis un peu en marge, à l’écart de ce que l’on a comme image de la première puissance mondiale. Ici, ce sont les bords du fleuve Mississippi où vivent des personnages qui cherchent à rester reclus (ce voisin d’en face un peu intriguant notamment) et pour qui la « ville » – une petite bourgade, en fait – fait plus peur qu’autre chose et apparaît comme quelque chose à repousser absolument. C’est une Amérique plutôt déshéritée, encore très marquée par une forme de violence sourde et qui semble chercher à se réinventer, tout en tissant un lien très fort avec son environnement. Dans ce rapport direct à la nature, et plus particulièrement à l’eau, on peut voir une relation avec Les Bêtes du Sud Sauvage, autre film mis en scène par un tout jeune réalisateur et qui développait, de manière différente, des thèmes finalement pas si lointains. Tout cela est un peu cristallisé dans ce personnage central de Mud, magnifiquement interprété par un Matthew McConaughey qui prouve, film après film, qu’il est bien plus que le beau gosse auquel on l’a réduit dans sa jeunesse et pendant de longues années. Il est plein de mystères mais est aussi une forme de symbole de cette Amérique qui se cherche et qui ne sait plus bien où elle en est. Jeff Nichols parvient parfaitement à filmer tout cela et le mérite lui en revient entièrement, d’autant qu’il a aussi écrit ce film qui, malgré quelques longueurs en son cœur, n’en reste pas moins un vrai grand long-métrage comme on aimerait en voir beaucoup plus souvent.



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