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TimFaitSonCinema
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HER

Theodore vient de vivre une rupture très compliquée avec son ancienne femme. Il a beaucoup de mal à s’en remettre et s’il est très doué professionnellement (il écrit des lettres pour des clients), sa vie personnelle est plutôt morne. Mais tout va changer lorsqu’il va changer de système d’exploitation de l’ordinateur qui l’assiste dans sa vie de tous les jours…
Verdict:

Avec Her, Spike Jonze livre un long métrage très fort, drôle par moments, émouvant à d’autres et marqué par deux vraies grandes performances d’acteurs. C’est aussi un film qui dit à sa façon beaucoup sur le devenir de notre monde. Un long métrage vraiment marquant.

Coup de coeur:

Les performances de Joaquin Phoenix et Scarlett Johansson

La date de sortie du film:

19.03.2014

Ce film est réalisé par

Spike JONZE

Ce film est tagué dans:

Drame amoureux

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 La Critique


Spike Jonze, c’est un peu l’un des enfants chéris du cinéma indépendant américain, comme peut l’être aussi un Wes Anderson qui a tout de même réussi, depuis quelques temps, à pas mal élargir son audience. Surtout connu au départ comme réalisateur de clip, le premier cité avait signé une entrée dans le Septième Art il y a presque quinze ans avec Dans la peau de John Malkovich, que je n’ai jamais vu mais qui avait plutôt plu à l’époque. Ses deux films suivants (Adaptation et Max et les Maximonstres) ont eu un peu plus de mal à trouver du rayonnement (même si la critique était plutôt bonne), ce qui n’a pas vraiment terni son image, notamment auprès d’un certain public, amateur d’un cinéma parfois un peu expérimental. D’ailleurs, ce n’est pas rien s’il est souvent comparé à Michel Gondry, tant pour son parcours que son inventivité. Il a même partagé avec lui un scénariste (Charlie Kaufman). Cette année, il a frappé très fort avec un film qui a beaucoup fait parler de lui à la fois pour son casting (principalement Joaquin Phoenix et un rôle uniquement oral pour Scarlett Johansson) mais surtout pour son scénario, récompensé à peu près partout, et notamment par un Oscar du meilleur scénario original. C’est forcément un long métrage que j’attendais avec impatience, pour le buzz qu’il provoquait, évidemment mais aussi pour deux raisons bien particulières. La première est bien sûr la présence dans le rôle principal de Joaquin Phoenix, sans doute mon acteur préféré, tant il éclabousse de son talent de nombreux films et qui, depuis sa « fausse retraite » (qui avait donné lieu à un « documentaire » réalisé par son beau-frère Casey Affleck), ne tourne plus beaucoup mais uniquement dans des projets de très grande qualité (The Master ou The Immigrant). La deuxième tient dans le fait que ce soit le groupe canadien Arcade Fire qui se soit occupé de la bande originale. Tout cela cumulé me donnait vraiment envie. Et le résultat est à la hauteur des attentes suscitées car Her est un film réussi à différents points de vue et qui est à la fois intelligent et très touchant par moments.

Her, c’est d’abord un vrai projet fort et culotté qui se base principalement sur l’idée d’un monde futuriste où la vie de tout homme est « aidée » par un ordinateur qui a une excellente intelligence artificielle et qui le décharge ainsi de beaucoup de tâches. Cet univers dans lequel les personnages évoluent n’est finalement pas si loin du nôtre. En effet, on retrouve beaucoup d’éléments d’aujourd’hui et les différences ne sont pas si nombreuses, mais elles se situent juste à la marge. Ainsi, le travail sur les costumes et les décors est assez impressionnant car si l’on ne se sent pas à notre époque, rien n’est complètement farfelu. La ville comme les intérieurs d’immeuble ont surtout la particularité d’être extrêmement sobres et épurés. L’environnement global est en tout cas superbement mis en image et donne à tout le long métrage un côté presque réaliste. C’est sans aucun doute délibéré car Her est un film d’anticipation qui dit en fait beaucoup sur les évolutions que notre monde actuel connaît avec une place de plus en plus importante donnée dans la vie des hommes aux applications et machines en tout genre, principalement faites pour leur simplifier la vie. En poussant le curseur à peine plus loin, Her pose de nombreuses questions sur le futur des relations humaines, sur la difficulté de s’ouvrir aux autres quand on est toujours assisté et sur le rôle et le statut des intelligences artificielles. Aujourd’hui, ces systèmes qui sont de plus en plus perfectionnés peuvent faire d’une certaine manière peur tant ils pourraient devenir incontrôlables (ce n’est pas forcément mon cas). Spike Jonze, lui, choisit de s’intéresser plutôt au versant « sentimental » de toutes ces interrogations et pas aux questions plus techniques ou éthiques. En effet, au fur et à mesure qu’ils se connaissent, la relation que peuvent avoir des humains avec cet OS (il y a forcément un rapport à Apple, pub déguisée ?) va nécessairement évoluer. Et c’est bien ce qui arrive à ce personnage qu’est Theodore.

Et tout part d’abord d’une rupture amoureuse puisqu’on apprend très vite que si Theodore semble trainer avec lui un vrai mal-être, c’est parce qu’il a beaucoup de mal à se remettre de la séparation assez récente d’avec sa femme. Et c’est très impressionnant la manière dont ce film montre la rupture amoureuse et la violence induite de façon très posée et sans en rajouter. C’est en ce sens absolument bouleversant car il y a juste quelques flashbacks qui montrent les moments de bonheur mais le malheur et la douleur, eux, sont montrés par une sensation globale de détresse chez le personnage principal qui nous étreint rapidement. Tout le film va d’ailleurs se dérouler dans une ambiance assez mélancolique, même si Her est loin de laisser sa part aux chiens en termes d’humour. Il n’est que voir les lettres que Theodore écrit pour son travail, la séquence SM au « téléphone » (très grand moment), le petit personnage hilarant de jeu vidéo ou encore ce test de logiciel « super maman » complètement dingue. Néanmoins, la situation de Theodore n’est pas la plus amusante qui soit et tout bascule en fait dans une séquence très forte qui est celle de sa rencontre avec une jeune femme (réelle). Alors qu’ils passent une bonne soirée et qu’on pense qu’il a trouvé une raison d’avoir goût à la vie, il finit par avoir très peur de l’engagement que demande d’emblée cette jeune femme. C’est à partir de là que sa relation avec son OS va s’intensifier et devenir fascinante pour le spectateur. Mais, au fil du film, ce « couple » formé finira presque par ne plus vraiment choquer, et c’est là l’un des tours de force du film. C’est notamment le cas avec cette « première fois » entre Theodore et le système d’exploitation (dit comme cela, j’avoue que c’est étrange), scène intense et absolument géniale qui se finit dans le noir, comme pour mettre le spectateur dans la même situation que Theodore.

En même temps, dès le titre, les choses sont claires : l’usage de Her personnifie complètement cet OS et en fait un personnage à part entière, bien qu’on en n’entende que la voix. Et pour celle-ci, Spike Jonze fait un choix plus que payant. En effet, c’est Scarlett Johansson qui interprète cette partition assez étrange sur le principe (choix de dernière minute puisque Samantha Morton avait déjà tout enregistré). Outre le fait que cette actrice ait l’une des voix les plus marquantes du cinéma actuel, c’est surtout l’une des comédiennes les plus « fantasmées » au monde. Ainsi, cela participe à ce que vit Theodore puisque, comme lui-même se fait sans doute une projection physique de cette intelligence artificielle, il en est forcément de même pour le spectateur. En tout cas, Scarlett Johansson remplit parfaitement sa tâche et donne véritablement vie à ce qui s’apparente à un vrai personnage. C’est un vrai tour de force car, à la fin, elle nous manque même presque, comme un personnage physique auquel on a pu s’attacher. Je comprends qu’elle ait pu gagner par exemple le Prix d’interprétation au Festival de Rome et que certains aient pu militer pour sa nomination aux Oscars. Dans le rôle pivot de Theodore, Joaquin Phoenix confirme qu’il est aujourd’hui ce qui se fait de mieux en termes de comédien. D’ailleurs, la première scène avec ces variations infimes de sentiments qui se font jour sur son visage suffit à elle seule pour le prouver. Il porte littéralement le film et même dans les moments un peu plus faibles (il y a bien quelques longueurs au milieu), on peut toujours se raccrocher à sa performance. Spike Jonze, lui, accompagne le tout avec une certaine sobriété dans la réalisation. Même si ce film n’est pas classique, il n’y a pas de grands effets mais plutôt une recherche du détail assez poussée. La musique composée d’Arcade Fire accompagne d’ailleurs bien l’ensemble, avec son côté assez sobre et pas du tout tape à l’oreille. Si tout n’est pas toujours parfait dans Her, la fin, avec cette magnifique dernière image et cette jolie chanson, n’est pas loin de finalement tout emporter et de briser les ultimes réticences face à un long métrage quand même assez formidable.




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