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TimFaitSonCinema
Deux personnes s’aiment, en France, puis partent s’installer aux Etats Unis où leur mariage commence peu à peu à prendre du plomb dans l’aile. Lui, en plus, reprend contact avec une amie d’enfance…
Verdict:
Objet cinématographique difficilement appréhendable et compliqué à expliquer, ce A la merveille m’a plutôt convaincu même s’il m’a manqué de l’émotion pour le faire passer au stade supérieur. Mais, bon, Malick, ça reste quand même très costaud…
Coup de coeur:

Certaines séquences splendides

La date de sortie du film:

06.03.2013

Ce film est réalisé par

Terrence MALICK

Ce film est tagué dans:

Drame amoureux

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 La Critique


Si vous saviez l’appréhension que j’avais avant d’aller voir ce nouveau film de Terrence Malick. En effet, son précédent m’avait fasciné et profondément marqué. Rarement j’avais ressenti pareilles émotions dans une salle de cinéma. J’avais peur de ne pas aimer ce nouveau film, d’être déçu et même énervé après un réalisateur que j’apprécie vraiment beaucoup pour l’ensemble de son œuvre. D’habitude si rare, le metteur en scène américain invisible a accéléré son rythme de production, puisque de six, sept (ou vingt ans) séparant ses films précédents, le délai est passé brutalement à un an et demi. C’est d’autant plus vrai qu’il est en train d’en retourner un autre avec Natalie Portman, Michael Fassbender, Ryan Gosling (avant de voir qui sera coupé au montage…) Ainsi, A la merveille a été présenté en septembre dernier à la Mostra de Venise, déclenchant un enthousiasme que l’on qualifiera de modeste. Presque toutes les critiques parlaient d’un film sans queue ni tête, sorte de caricature de son propre style, et sans aucun intérêt. Studio Ciné Live a même fait une double page (que je n’ai pas encore lu) sur le fait que A la merveille était une imposture, rien que ça. Ces éléments ne me rassuraient pas forcément avant d’entrer dans la salle. Mais je n’aurais raté pour rien au monde ce nouveau Malick car je me disais que si je ne pouvais ressentir si ce n’est qu’un seul dixième de l’émotion que m’avait procuré The Tree of Life, ça serait déjà pas mal du tout. Et, effectivement, c’est ce qui s’est produit puisque A la merveille n’est pas aussi grand que le film précédent de Malick. Pourtant il reste un bel objet cinématographique, pas forcément facilement appréhendable, mais qui dégage vraiment quelque chose.

Si The Tree of Life était une longue prière sur les questions de vie et de mort, alors A la merveille est une forme de continuité ou de réponse puisque, ici, c’est la notion d’amour qui est approchée. Et ce qui est assez drôle, c’est que par rapport à son film précédent, Malick nous livre ici un long métrage qui est tout à la fois plus et moins radical. En effet, ici, il n’y a pas de « digressions » sur la fabrication du monde (les fameux dinosaures, pour ceux que ça a traumatisé…) et le récit est beaucoup plus linéaire, aussi bien au niveau temporel que spatial. On suit l’histoire entre deux personnes, entre France et Etats-Unis. Mais, en même temps, A la merveille a cela de plus déconcertant qu’il n’y a pas vraiment de récit à proprement parler. C’est plus une succession de séquences qui construit le long-métrage qu’un film construit comme on en a l’habitude. On peut en ce sens parler d’un cinéma de bribes, où la suggestion a toute sa place, et c’est avec cela que le spectateur doit se débrouiller. Le seul véritable fil rouge, c’est la voix-off, spécialité de Malick, qui énonce des idées ou des sensations, sans volonté de narration véritable. A noter qu’elle est en grande partie en français ici. D’ailleurs, un personnage de prêtre intervient aussi largement dans cette « parole », ce qui montre le côté éminemment religieux qui entoure les films de Malick. Honnêtement, ici, ce n’est pas ce que je préfère parce que cette voix-off délivre des phrases d’une banalité parfois assez confondante. Ainsi, plus encore que The Tree of Life, A la merveille est un film qui s’appréhende difficilement et qui demande, en tant que spectateur, de vraiment se mettre dans une posture un peu différente que devant d’autres longs-métrages.

Plus qu’une véritable histoire d’amour, c’est donc une « sensation » d’histoire d’amour ou, pourrait-on presque dire, l’Amour, qui est mis en scène. Et pour cela, on peut faire confiance au réalisateur. En effet, Malick n’a pas son pareil pour filmer l’indicible. En quelques plans, il parvient à mettre en images des sentiments et c’est pour cela que je le trouve si génial. Avec lui, chaque scène prend du sens et c’est surtout dans la succession de plans parfois d’ordres très différents que se construit véritablement son film. Cela peut paraître parfois un peu lunaire mais il faut se laisser porter par un montage par moments assez déroutant. Dans A la merveille, il rend par exemple parfaitement compte d’une forme de désillusion ou de désenchantement du personnage féminin principal, joué par une étonnante Olga Kurylenko. On sent l’esprit de cette femme évoluer devant une Amérique qui la déçoit bien plus qu’autre chose. Ainsi, ce personnage est vraiment le plus intéressant du film car, tout en étant une femme de chair et d’os, elle est presque filmée comme une apparition, un songe, ou l’incarnation d’une idée. Lors d’un grand nombre de séquences, on a vraiment le sentiment qu’elle n’est quasiment plus humaine mais sort un peu de ce monde et en devient donc étrangère. Ainsi, le cinéma de Malick ne tourne jamais à vide et c’est parce qu’il a une façon de faire qui convoque le sensible, l’intime et des ressorts qui tiennent parfois de l’inconscient que tout le monde ne peut pas être touché de la même manière par ses films.

Pour la première fois, Malick tourne un long-métrage qui se déroule à notre époque et cela a toute son importance car c’est aussi pour lui sa première occasion de filmer le monde tel qu’il est aujourd’hui. Et si, pour la partie française, il n’y a pas grand-chose à dire, la façon dont il porte son regard sur une certaine Amérique actuelle est plus qu’intéressant. Comme toujours chez lui, c’est celle des grands espaces. On trouve encore ces plans de nature à perte de vue, mais, ici, c’est dans une forme d’urbanité qu’il arrive à saisir cette dimension spatiale. C’est la ville très étendue, composée de lotissements toujours plus grands et qui grignotent peu à peu de la terre. Mais cette Amérique montrée est loin d’être flamboyante et tout la ramène finalement à une forme de misère : la pollution est présente dans les sols, les gens sont malades et dans la misère sociale,… C’est donc une certaine Amérique de la crise qui est ici le cadre de son récit. Les magasins, et leurs rayons gigantesques, sont aussi traités par Malick qui en fait, par exemple, une piste de danse, comme pour montrer leur côté presque déréalisé. Ainsi, en plus de la Nature dont il est toujours friand (quelques plans par ci par là), le réalisateur n’hésite pas à montrer quelque chose d’assez nouveau pour lui et qui s’inscrit de façon assez vivifiante dans son cinéma. Cela participe grandement au désenchantement dont on a pu parler précédemment.

D’aucuns diront que Malick se caricature : il y a peut-être un peu de vrai là-dedans puisque, par exemple, il reprend des images de son film précédent (ce que j’avais remarqué d’ailleurs) pour les insérer au montage et on reconnaît ici parfaitement son style fait de plans incroyables, d’une véritable fluidité d’une caméra qui semble toujours un peu en apesanteur et capable de suivre les personnages dans leur moindre mouvement et d’une photographie toujours étonnamment parfaite (chaque plan est un tableau à lui tout seul). Mais, en même temps, plutôt que de parler de caricature, je pense personnellement que l’on peut dire qu’il pousse à son paroxysme un style très particulier que ce soit dans la construction même du film (ici, tout n’est qu’un long prêche) que dans la réalisation elle-même, dont nous venons déjà de parler. Toutes les intentions sont poussées jusqu’au bout. Et c’est là qu’est le charme du cinéma de Malick. Ce dernier a une réalisation qui est loin d’être consensuelle puisque ses films sont un peu toujours à la limite de tomber dans le n’importe quoi (surtout les deux derniers). Malick est une sorte d’équilibriste, toujours à flirter avec le ridicule (même moi je le reconnais) mais c’est aussi cela qui fait sa force et sa particularité : aucun film ne ressemble aux siens, de près ou de loin et ses longs métrages sont reconnaissables entre tous. D’ailleurs, cette vraie originalité fait que les réactions face à ses films sont rarement tièdes : on adore ou on déteste. Personnellement, j’ai toujours apprécié sa filmographie et notamment son dernier film, alors que d’autres l’ont trouvé grotesque et grand-guignolesque, ce que je peux tout à fait concevoir. Et ce n’est pas avec ce film que de tels jugements vont changer. En effet, ceux qui n’ont pas du tout aimé The Tree of Life devraient s’abstenir (et je pense que la plupart le feront), sous peine de s’agacer de nouveau.

Au rayon des petites choses qui ne vont pas vraiment dans ce film (parce qu’il y en a), la première place est occupée par l’acteur principal : Ben Affleck. S’il est devenu un bon réalisateur (même si on ne m’enlèvera pas de l’idée que Argo n’était pas le meilleur film de 2012), du côté acteur, c’est toujours plus que limite. Là, il n’a vraiment aucune présence et traverse le film sans qu’il ne marque véritablement aucune scène. Il ne serait pas là que ça serait la même chose. Peut-être est-ce une volonté de Malick de l’effacer au profit des deux femmes de l’histoire ? Je ne crois honnêtement pas mais je pense que l’acteur n’aide vraiment pas, c’est le moins que l’on puisse dire, son personnage à prendre sa place au cœur du film. Le personnage de Rachel McAdams est aussi, à mon goût, trop peu exploité. Il surgit au milieu du film, là encore comme une sorte d’apparition et disparaît presque aussi vite. C’est un peu frustrant. L’autre souci que m’a posé ce film, c’est qu’en dépit d’une mise en scène magnifique, l’émotion manque quelque peu pendant tout le film. Là où The Tree of Life m’avait vraiment pris aux tripes, je suis resté la plupart du temps assez froid cette fois-ci. Et pour le cinéma de Malick, tout de même beaucoup basé sur le fait de procurer au spectateur des sensations particulières, on peut parler ici d’une forme de carence. Cela tient peut-être à un sujet un peu plus intimiste qui correspond moins à la « folie » du réalisateur. Ou encore au fait qu’il ait mis moins de temps à préparer et fignoler son long métrage. Ou encore à une bande-son que je trouve de moindre qualité que celle de ses films précédents. Ces trois réponses peuvent s’entendre même si je me dis aussi qu’on ne peut pas faire un chef d’œuvre à chaque fois. Malick s’y essaie mais s’y casse un peu les dents. J’attends en tout cas avec impatience son nouveau projet, qui sera, j’en suis persuadé, un nouveau ravissement pour les yeux. Pour moi, c’est encore cela qui reste le plus important. Et A la merveille m’a encore en grande partie comblé même s’il ne m’a pas transporté.



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