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UN POISSON SUR LA LUNE DE DAVID VANN

 L'Article


David Vann

Jim Vann revient en Californie pour ce qu’il pense être la dernière fois. En effet, accompagné d’un revolver, il a décidé d’en finir avec une vie qui le fait trop souffrir. En revoyant son frère, ses parents, son ex-femme et ses parents, il veut boucler la boucle. Mais tous ces derniers, chacun à leur manière, tentent de lui faire changer d’avis. Avec succès ?

David Vann fait partie de ces auteurs dont je lis systématiquement les nouveaux livres (sauf l’avant dernier, L’Obscure Clarté de l’air, mais je vais vite me rattraper). Je l’avais découvert en prenant un choc assez terrible avec la lecture de son premier ouvrage, l’incroyable Sukkwan Island et depuis, je suis toujours aussi fasciné par on écriture et la manière dont il aborde les fêlures des relations familiales. Aquarium, le dernier que j’ai lu, est l’un des livres les plus poignants et magnifiques que j’ai pu apprécier ces dernière années. Depuis toujours, il y a dans ces récits une vraie noirceur, avec la présence plus ou moins formulée de la maladie, du suicide, de la complexité des liens au sein de la famille et on sent que ce sont des éléments qui sont importants pour lui et même constitutifs de ce qu’il est en tant qu’humain.  Là, avec Un poisson sur la lune, David Vann nous livre finalement presque une explication à tout ce que l’on avait pu percevoir jusque-là. En effet, il nous raconte, entre fiction et réalité, l’histoire de son propre père.

 

Et, autant le dire tout de suite, celle-ci n’est pas joyeuse. En effet, séparé de son ex-femme et de ses enfants et vivant en Alaska, Jim décide de venir retrouver sa famille en Californie afin de dire adieu avant de se suicider. Et c’est donc à une exploration du cerveau de son père que David Vann se livre. Pendant trois jours, on va le suivre, entre deux séances chez le psychothérapeute, des rencontres avec ses enfants, ses parents, son ex petite amie ou un ami, presque toujours accompagné de son frère, qui le veille. On va accompagner ses moments de profond mal-être et de découragement, sa relation au sexe, qui est une véritable addiction et ses quelques rares moments d’euphorie. On observe aussi les conséquences sur ses proches, qu’il ne ménage pas et qui, à leur façon, essaient de l’aider, alors que tout semble perdu. Et cet ouvrage permet aussi d’aborder en fond le sujet du port d’armes aux Etats-Unis, qui est à la fois une liberté mais surtout un danger pour Jim et ceux qui l’entoure (sujet déjà abordé dans Dernier jour sur terre, livre à part dans sa bibliographie).

 

Avec son sens des images, sa manière de décrire la nature alentour, l’auteur parvient vraiment à nous immerger dans cet esprit malade. C’est donc un livre très sombre, dont quelques passages plus éclatants ressortent, comme ce splendide dialogue avec son père. Pour être tout à fait honnête, j’ai eu un peu de mal à rentrer dedans et je n’ai jamais été complètement happé comme cela m’est arrivé pour d’autres livres de cet auteur. J’ai ainsi trouvé la première partie assez répétitive et un peu ennuyeuse par moments. Mais je me dis finalement que c’était pour mieux amener vers les cent dernières pages qui sont vraiment magnifiques, remplies de passages de haute volée. La toute fin, elle, est bouleversante. C’est vraiment un ouvrage très personnel qui explique nombre des sujets que l’on retrouvait au cœur des précédents romans de David Vann. C’est pourquoi sa lecture est essentielle si on aime cet auteur.

« Il se sent si triste, si implacablement triste et perdu, mais il essaie de vivre cette expérience, les derniers instants, et le silence et ce sentiment simple, un nouveau sentiment qu'il n'aura pas à subir pour toujours. Un apaisement.
C'est pire pour lui, que ce soit plus simple à la fin. Injuste. Après toutes les souffrances qu'il a endurées, ces nuits d'insomnie et la douleur terrible et le désespoir des luttes interminables pour se retenir d'appuyer sur la détente.
Et puis appuyer sur la détente quand il ne se sent pas si mal, mais apparemment, c'est souvent à ce moment-là que ça arrive. Pendant une petite période d’accalmie, quand le suicidaire se sent un peu mieux et qu'il a enfin l'énergie de passer à l'acte. »


Avec cette plongée au cœur de la psyché de son propre père, David Vann explore de façon encore plus méthodique les ressorts qui font qu’un homme ne tient plus à la vie, et ce que cela peut impliquer sur ses proches. Si le début du livre m’a semblé un peu longuet, il met en fait en place tout ce qu’il faut pour une dernière partie assez fascinante. David Vann prouve encore une fois qu’il est un auteur unique, qui mérite vraiment qu’on s’y intéresse de près.


Un poisson sur la lune




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