Toggle navigation
TimFaitSonCinema

RÉPARER LES VIVANTS DE MAYLIS DE KERANGAL

 L'Article


Maylis de Kerangal

Pendant vingt-quatre heures, nous allons suivre une transplantation cardiaque : entre la mort de celui qui donne son cœur et l’opération qui va permettre à celle qui le reçoit de pouvoir reprendre sa vie. De nombreuses personnes seront impactées par un événement exceptionnel et aucune ne pourra être indifférente à ce qui se passe.

Maylis de Kerangal fait partie de ces auteurs dont je suis tout particulièrement l’actualité. En effet, j’ai lu tous ses ouvrages (Naissance d’un pont, Corniche Kennedy, Tangente vers l’est ou encore Je marche sous un ciel de traîne dont je n’ai pas fait la critique) et, à chaque fois, j’ai été vraiment touché à la fois par le fond et la forme. Les deux sont bien sûr liés mais il ya chez cette écrivain une manière de raconter les choses, à l’aide de très longues phrases, d’énumération d’adjectifs afin d’être le plus précis possible, qui m’interpelle et me fait vraiment quelque chose. Pourtant, quand j’ai entendu parler de son nouveau projet, j’ai pris un peu peur. En effet, il s’agit de raconter une transplantation cardiaque et moi pour qui l’univers médical (et surtout tout ce qui concerne l’hôpital) reste un monde à largement éviter, le sujet était forcément sensible. Mais je m’y suis quand même plongé. Et j’ai bien fait car c’est une nouvelle fois un grand livre qu’elle nous offre.

 

Il y a toujours chez elle une réelle capacité à mêler les destins pour construire par petites touches une sorte d’épopée où tout le monde a une place essentielle à un moment donné. En quelques lignes, elle nous fait comprendre qui sont chacun des personnages, ce qui les caractérise et ce pourquoi ils sont importants. Mais, surtout, là, elle parvient à aller au plus profond des êtres et des sentiments qui les habitent. Car le sujet est rude et Maylis de Kerangal ne fait rien pour le contourner ou l’éviter par des métaphores ou des figures de style. Non, elle attaque les choses frontalement et de la famille au médecin qui s’occupe de la transplantation, tout le monde est sondé. Elle n’épargne pas grand-chose non plus du point de vue médical mais, de façon assez étrange, ça passe plutôt pas mal. Bref, c’est assez grand et ça mérite vraiment que l’on s’y intéresse de très près.

« Ce qu’est le cœur de Simon Limbres, ce cœur humain, depuis que sa cadence s’est accélérée à l’instant de la naissance quand d’autres cœurs au-dehors accéléraient de même, saluant l’événement, ce qu’est ce cœur, ce qui l’a fait bondir, vomir, grossir, valser léger comme une plume ou peser comme une pierre, ce qui l’a étourdi, ce qui l’a fait fondre – l’amour. »


Maylis de Kerangal signe là un livre magnifique. C’est puissant, parfois bouleversant et c’est un vrai plaidoyer pour la transplantation cardiaque. Pour autant, la douleur de ce que cela représente n’est jamais absente. Un très grand livre, qui marque durablement, et qui donne à réfléchir sur soi et sur les autres. Vraiment, cette femme s’inscrit de plus en plus comme l’une des grandes écrivaines françaises contemporaines.

Réparer les vivants




 Rédiger Un Commentaire