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MIROIR DE NOS PEINES DE PIERRE LEMAITRE

 L'Article


Pierre Lemaitre

En avril 1940, au plein cœur de la « Drôle de guerre », une femme court, nue, sur un grand boulevard parisien. Elle vient d’être témoin d’un terrible drame dont elle va devoir comprendre la genèse. Le tout au cœur d’une période où l’histoire du pays tout entier est en train de basculer dans l’irrationnel et le tragique.

Voilà le livre que j’attendais le plus en ce début d’année. En effet, Pierre Lemaitre clôt avec cet ouvrage la trilogie qu’il a lui-même appelé « Les Enfants du désastre » commencée avec Au revoir là-haut (qui a obtenu le Prix Goncourt) et poursuivie avec Couleurs de l’incendie. C’est une trilogie même si, à mon sens, chacun des livres est bien indépendant. Evidemment, à chaque fois, le personnage principal avait déjà pu être évoqué dans le premier tome mais son rôle était suffisamment mineur pour ne pas que l’on parle de suite. Après Madeleine Péricourt précédemment, c’est de Louise – la petite fille qui aide Edouard et Albert dans Au revoir là-haut – dont il est principalement question dans Miroir de nos peines. C’est donc plutôt dans un univers plus que dans des protagonistes qu’il faut trouver une continuité. Et, de façon assez logique, puisque cette trilogie se trouve au cœur de l’entre-deux-guerres Pierre Lemaitre s’intéresse ici à la période qui précède l’Armistice du 22 Juin 1940 puisque l’histoire débute là en avril de la même année. Ainsi, l’auteur clôt en beauté son cycle avec un troisième livre une nouvelle fois de très grande qualité.

 

On se retrouve donc au mois d’avril 1940, au cœur de ce qui sera appelé plus tard la « Drôle de guerre » (les hostilités étaient officiellement déclenchées depuis plusieurs mois mais rien ne se passait entre les différents belligérants). Cette manière qu’a Pierre Lemaitre d’ancrer ses histoires au cœur d’un contexte bien précis est très importante car, finalement, ce qui va se passer d’un oint de vue historique est presque le moteur le plus important de son récit. En effet, les événements historiques vont avoir une importance majeure sur la destiné de ses différents personnages. Car, une nouvelle fois, on ne suit pas un seul protagoniste mais bien quatre (leurs histoires vont-elles se rejoindre ? Je vous laisse le découvrir !) avec celle de Louise que l’on connaît un peu, celle de Raoul, soldat téméraire et truqueur, celle de Fernand, garde mobile droit comme la justice et celle de Désiré, imposteur génial. Cette galerie de personnages est traitée avec une profonde tendresse par l’auteur (sans parler des « seconds rôles », absolument délicieux) et Pierre Lemaitre a ce vrai talent de dresser des portraits savoureux et de créer des protagonistes plus qu’attachants.

 

Mais si Pierre Lemaitre a également le génie de mélanger de façon intime et souvent exceptionnelle le tragique et le comique. On passe ainsi en quelques lignes d’une histoire profondément triste à un trait d’humour très bien senti. Et, surtout, l’auteur a une capacité absolument dingue à faire littéralement vivre au lecteur les scènes les plus marquantes, à l’emporter à l’intérieur de celle-ci. En le lisant, on a véritablement l’impression d’être au cœur du récit. Ainsi, on peut presque parler de mise en scène de différents épisodes et du lecteur comme d’un spectateur. C’est notamment pourquoi je souhaite un très bon courage au réalisateur qui sera à la tête du projet d’adaptation (car, cela ne fait aucun doute, ce livre sortira dans une version cinématographique). Réussir à rendre cette énergie, ce « sens du cadre », cette manière de créer des personnages exceptionnels va s’avérer un sacré travail. En tout cas, on peut dire que Pierre Lemaitre a réussi un sacré coup de maitre avec cette trilogie qui s’inscrit selon moi comme un sacré monument de la littérature.

« Lorsque les haut-parleurs placés sur le parvis lancèrent vers la foule éplorée les accents du Veni Creator (« Visite l'âme de tes fidèles...»), puis ceux du sermon de Mgr Beaussart («Venez, saint Michel, qui avez vaincu le démon...») et qu'enfin monta la voix de M. le chanoine Brot, archiprêtre (« Notre-Dame, priez pour nous ! »), il parut évident que, si le gouvernement et les militaires en étaient arrivés à cette extrémité, c'est qu'ils ne savaient plus à quel saint se vouer.  »

 

Pierre Lemaitre possède cette impressionnante capacité à créer du récit et à emmener le lecteur avec lui au cœur des aventures de personnages auxquels, malgré tous leurs défauts, on s’attache nécessairement. Miroir de nos peines est un livre épique, romanesque, émouvant, prenant, souvent drôle… Bref, c’est de la très grande littérature et je suis triste de quitter pour de bon cette trilogie exceptionnelle.

Miroir de nos peines




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