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LIMONOV D’EMMANUEL CARRÈRE

 L'Article


Emmanuel Carrère

Edouard Limonov est un homme qui a traversé la deuxième moitié du vingtième siècle en étant successivement poète en Russie, SDF à New York puis servant d’un milliardaire, écrivain en France, soldat en Serbie et opposant au pouvoir en place en Russie. En somme, il a une vraie vie romanesque. Ca tombe bien, Emmanuel Carrère s’est penché sur son « cas ».

Depuis le temps que j’entendais parler de ce livre, il fallait bien que je m’y attèle un jour. En plus, j’avais découvert Carrère grâce à un autre de ses ouvrages plutôt bouleversant (D’autres vies que la mienne) et son style général m’avait plutôt plu. Ce nouvel ouvrage s’inscrit dans la même lignée, celle de récits plus que de romans. En effet, il raconte toujours en se situant dans son récit. L’auteur n’est donc jamais bien loin et il vient souvent nous éclairer de sa propre expérience pour nous expliquer pourquoi telle ou telle chose est importante ou pourquoi il donne cette vision-là. Il y a comme un regard critique sur son propre récit. Il faut dire ici qu’il en faut car s’attaquer à la vie d’Edouard Limonov n’est pas une simple affaire. D’abord parce que lui-même s’est raconté abondamment dans ses romans mais aussi parce que sa destinée (je crois que l’on peut utiliser ce mot) est incroyable et épouse les contours de l’époque (ou des époques) qu’il a traversé.

C’est d’ailleurs pourquoi ce livre est assez fascinant : en liant l’histoire de Limonov et l’Histoire de la Russie (communiste puis plus) mais aussi du Monde en général, Carrère s’attèle à une tâche qui peut paraître à première vue insurmontable. Mais, dans l’ensemble il s’en sort bien car il sait justement aller à l’essentiel et ne pas trop s’attarder sur des détails insignifiants. Dans ce livre, tout a un sens et rien n’est superflu. On peut regretter parfois quelques digressions de l’auteur mais c’est son style qui veut ça… Et, ce qui est incroyable, c’est qu’il réussit cela alors que l’on parle tout de même d’un roman de presque 500 pages en format poche… C’est pour dire que la vie de Limonov est vraiment incroyable, faite de hauts et de bas, de rebondissements pas possibles et d’évènements toujours plus fous. Si tout ce qui est raconté est vrai (et il n’y a pas de raisons d’en douter), c’est normal que cet homme ait eu droit à un livre alors qu’il est encore vivant car, même dans les rêves des écrivains ou scénaristes les plus fous, on ne peut pas imaginer une telle existence. C’est pourquoi ça se lit véritablement comme un roman d’aventure, au rythme trépident et dont on attend les prochaines péripéties, tout cela en apprenant pas mal de choses sur la Russie de la seconde moitié du Vingtième Siècle. Mais c’est aussi une vraie réflexion sur l’humain en général car on ne sait plus très bien sur quel pied danser à la fin à propos de cet homme qu’on nous décrit parfois comme adorable mais aussi comme un soldat parfois impitoyable. Bref, c’est tout bon…

Un Français arrivant pour la première fois à New York n’est pas surpris ou, s’il l’est, c’est que la ville soit si semblable à ce qu’il en a vu dans les films. Pour eux, enfants de la guerre froide et d’un pays où sont proscrits les films américains, toute cette imagerie est nouvelle. […] Quand on vient de Moscou, c’est comme si on passait d’un film en noir et blanc à un film en couleur.

Limonov est vraiment un livre comme on en fait peu : récit biographique mais surtout grand roman d’aventure et historique. En tant que lecteur, on ne peut être que passionné par la vie de cet homme qui nous fait découvrir à travers ses pérégrinations tout ce qui fait la particularité des cinquante dernières années. Avec son style caractéristique, Carrère rend très bien ce mouvement perpétuel qui agite son personnage principal dont, à la fin, on ne sait plus bien que penser…

Limonov




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