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L'ADVERSAIRE D’EMMANUEL CARRÈRE

 L'Article


Emmanuel Carrère

Le 11 Janvier 1993, la France découvre le visage de Jean-Claude Romand, homme qui est accusé d’avoir tué ses parents, sa femme et ses enfants. Puis, au fil des jours, on apprend qu’il a menti tout au long de sa vie, s’inventant une vie de grand médecin à l’OMS alors qu’il tirait ses ressources d’escroqueries auprès de ses proches. Emmanuel Carrère va alors essayer de comprendre ce qui a pu se passer dans la vie de cet homme pour en arriver à une telle extrémité.

Oui, je sais, en termes de lecture, je suis un peu monomaniaque et quand je suis lancé dans un auteur en particulier, j’aime bien éplucher son œuvre jusqu’au bout (voir Lehane, McCarthy ou Murakami…). C’est un peu le cas en ce moment avec Emmanuel Carrère puisque après D’autres vies que la mienne, Limonov ou encore Le Royaume, je me suis mis à L’Adversaire avant d’attaquer très prochainement Un roman russe. Il faut dire que ce livre me taraudait aussi depuis un certain moment car l’affaire Romand reste l’un des faits divers les plus incroyables de ces trente dernières années en France. Comment un homme a-t-il réussi à mentir pendant presque vingt ans à tous ses proches, sans jamais se faire piéger, avant de finir par assassiner ses parents, sa femme et ses enfants ? Emmanuel Carrère se jette justement à cœur perdu dans cette problématique qui semble à première vue complètement inaccessible. C’est d’ailleurs la première fois qu’il écrit ainsi un livre assez difficile à décrire. Ce n’est pas une fiction mais une sorte de carnet de route dans la folle histoire de Romand, où il se met aussi lui-même en scène. On remarquera d’ailleurs que, depuis, il utilise toujours la même façon de faire, ce qui montre que L’adversaire est une sorte de tournant dans sa carrière d’écrivain.

D’ailleurs, le livre raconte beaucoup la difficulté d’écrire sur une telle affaire car trouver le ton juste n’est jamais évident. Et je trouve justement qu’Emmanuel Carrère parvient ici parfaitement à garder une certaine distance avec le protagoniste principal et ses actes en les décrivant de façon très froide et sans aucune emphase (c’est même assez glaçant). Ainsi, on peut dire qu’il ne prend pas vraiment parti et qu’il fait tout pour ne pas juger cet homme. Ne parvenant jamais à percer le véritable mystère de cet homme, il laisse le lecteur face à toutes ces contradictions et ces zones d’ombres sur une vie quand même assez fascinante. Il n’oublie jamais non plus les victimes de cette affaire, la famille comme les amis, à qui il donne une place relativement importante. Le tout dans un style assez concis, qui colle bien au sujet. 

« Je suis entré en relation avec lui, j'ai assisté à son procès. j'ai essayé de raconter précisément, jour après jour, cette vie de solitude, d'imposture et d'absence. D'imaginer ce qui tournait dans sa tête au long des heures vides, sans projet ni témoin, qu'il était supposé passer à son travail et passait en réalité sur des parkings d'autoroute ou dans les forêts du Jura. De comprendre, enfin, ce qui dans une expérience humaine aussi extrême m'a touché de si près et touche, je crois, chacun d'entre nous. »


Avec cette chronique personnelle d’une histoire extra-ordinaire, Emmanuel Carrère nous plonge dans le quotidien d’un homme qui s’était inventé une vie aux yeux des autres mais qui, au fond de lui, était en profonde détresse. C’est celle-ci qu’il nous donne à voir avec ce livre et c’est par moments assez bouleversant. Néanmoins, aucune complaisance pour l’auteur de ces crimes, ce qui évite ainsi un certain malaise. C’est fort.

 

L'adversaire




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