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DERNIER JOUR SUR TERRE DE DAVID VANN

 L'Article


David Vann

En février 2008, Steve Kazmierczak est l’auteur d’une tuerie dans son université où il tuera cinq personnes et en blessera dix-huit autres avant de se suicider. David Vann tente alors de reconstituer le plus fidèlement possible le parcours de ce jeune homme qui, peu à peu, s’est enfoncé dans une forme de folie destructrice. Et il met cela en regard de sa propre existence, lui qui a reçu à treize ans les armes de son père qui vient de se suicider et qui, enfant, jouait à tirer sur les chiens des voisins. Pourquoi n’ont-ils finalement pas eu le même destin ?

Livre sorti un peu catimini chez nous, puisqu’il avait été publié depuis trois ans aux Etats-Unis, ce Dernier jour sur terre est un écrit qui, d’une certaine façon, n’a pas grand-chose à voir avec les romans écrits par Vann mais qui explique tout de même beaucoup de choses sur ses thèmes de prédilection et la noirceur qui caractérise son œuvre. Ce qui a visiblement fasciné l’auteur à propos de cette tuerie en particulier c’est que, en se penchant un petit peu sur le passé de son auteur, il y a clairement vu en miroir sa propre vie. Et c’est bien là le point de départ du livre qui, dans toute sa première partie, met vraiment en parallèle les deux existences qui se répondent tant elles se ressemblent : enfance malheureuse, inadaptation sociale, rapport étrange aux armes. C’est absolument fascinant car on connaît le destin des deux hommes et on voit pourtant des mécanismes identiques se mettre en place.

Néanmoins, après le premier tiers, le livre devient clairement le récit de la vie de Steve, alors que celle de l’auteur n’est plus mise en parallèle. Les points communs n’existent sans doute plus autant mais il est un peu dommage que l’auteur ne se penche pas davantage sur le moment où, vraiment, l’un a basculé et l’autre pas. Pendant deux-cent pages, on va ensuite suivre la longue descente aux enfers de Steve qui va le conduire à son acte. C’est absolument fascinant et la manière qu’a l’auteur d’être hyper précis, parfois répétitif est une volonté pour plonger le lecteur au cœur d’un système mis en place (ou qui se met en place) autour de l’auteur des faits. En interrogeant des anciens camarades, en retranscrivant des échanges de mails ou en décrivant avec une précision chirurgicale les faits et gestes de Steve, il ne laisse aucun répit au lecteur. Mais c’est aussi la société américaine dans son ensemble, et notamment son rapport aux armes, qui est visée par ce livre par moments terrifiant tant il est froid, méthodique et glaçant. 

« A l’automne de son année de Première, quand Steve fait sa première tentative de suicide, sa vie est déjà détruite. Et les choses empirent, avec régularité, mois après mois.

Je peux comprendre certains aspects de cette vie, notamment le fait d’être un paria. J’ai fini par me détacher de tous mes amis à l’automne de mon année de Première. Nous faisions tous partie de l’orchestre de l’école, comme Steve et son ami Adam, et un jour nous sommes partis en excursion scolaire à un parc d’attractions dans le sud de la Californie. J’en étais arrivé à détester Ian VanTuyl, je fantasmais de le tuer, de l’abattre avec une de mes carabines. »

 

Livre à part dans la bibliographie de David Vann, Dernier jour sur terre  s’apparente bien plus à un essai et est une œuvre très intéressante pour ce qu’elle dit d’une certaine Amérique d’aujourd’hui (mais aussi des thèmes de prédilection de son auteur). En menant un réel travail de journaliste, David Vann plonge le lecteur dans une longue descente en enfer, et cela de façon totalement implacable. Certaines séquences sont même saisissantes. Un livre choc.

Dernier jour sur terre




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