Toggle navigation
TimFaitSonCinema

AQUARIUM DE DAVID VANN

 L'Article


David Vann

Caitlin a douze ans et, tous les jours, elle attend sa maman après les cours dans un aquarium où elle observe les poissons qui ne cessent de la fasciner. Elle y fait la rencontre d’un vieil homme qui, lui aussi, trompe sa solitude devant les créatures marines et auprès duquel elle va peu à peu se confier. Quand la mère de Caitlin découvre cette relation, tout change, malheureusement…

David Vann est un auteur que j’ai découvert grâce à son premier roman qui frappait très très fort (Sukkwan Island) et, depuis, je me suis attaqué à chacun de ses écrits, très vite après leur sortie en France.  Pour les trois suivants (Dernier jour sur terre est une œuvre très intéressante mais à part dans sa bibliographie), je peux dire que j’ai été de moins en moins convaincu, avec un dernier (Goat Mountain) que j’ai même trouvé par égards assez prétentieux. Désolations et Impurs m’avaient davantage plu même si les thèmes de prédilection de l’auteur ainsi que le côté extrêmement noir de ses histoires perdaient un peu en force au fur et à mesure. En quatre romans, on peut tout de même dire que David Vann s’est forgé un style d’écriture reconnaissable ainsi qu’une œuvre cohérente, autour notamment du thème des dysfonctionnements familiaux et de tout ce qui peut en découler de plus terrible. Aquarium, son nouveau livre, étant sorti en octobre, je me suis assez rapidement précipité dessus et, après avoir fini un ancien Lehane, j’ai pu l’attaquer. Et j’ai franchement eu du mal à le lâcher. Car, une nouvelle fois, David Vann nous offre ici un roman absolument magnifique et qui a fini par me pousser sur la fin dans mes derniers retranchements d’émotion.

Sans tout dévoiler, parce que la rupture narrative amenée par une surprise fait partie du charme et de l’intérêt de l’œuvre de David Vann (il n’est que voir la rupture complètement dingue de Sukkwan Island), on peut dire que, une nouvelle fois, David Vann traite de la question des liens familiaux, principalement entre une mère et sa fille. Dès le début, on sent que quelque chose ne tourne pas rond et l’auteur a une faculté assez impressionnante pour instiller une petite musique de plus en plus dissonante. Son livre devient presque un thriller affectif, dont le spectateur a vraiment du mal à sortir. La montée en puissance des sentiments est progressive et la deuxième moitié du roman est une marche inexorable vers un drame que l’on devine (surtout quand on connaît l’auteur…), avec des respirations plus ou moins longues. Les notions de passé, de pardon ou encore d’inexorabilité sont véritablement au cœur de tous les enjeux et trouvent là une magnifique illustration. Mais Aquarium est aussi un livre sur l’adolescence, sur le désir et la soif de liberté. Car l’histoire est racontée à travers les yeux d’une jeune fille de douze ans qui se souvient une vingtaine d’années plus tard de ce qui a pu se passer. Cela donne un ton particulièrement poétique au livre, notamment lors de toutes les scènes dans l’aquarium où les descriptions des poissons sont très belles.

Le tout donne un livre assez incroyable, qu’il est presque impossible de lâcher tant on se retrouve happé par cette histoire. Et que dire des vingt dernières pages qui sont véritablement exceptionnelles à la fois par la puissance dramatique mais, surtout par leur ouverture optimiste. C’est vraiment un très grand moment de lecture, comme on en vit finalement assez peu. Ça m’a en tout cas vraiment redonné envie de relire Désolations et Sukkwan Island (dans cet ordre-là, d’ailleurs), ses deux premiers ouvrages, qui m’avaient déjà marqué par cette intensité dramatique de tous les instants. Aquarium confirme en tout cas que David Vann fait bien partie de la veine des très grands auteurs américains et qu’il a d’une certaine façon repris le flambeau d’un Cormac McCarthy qui semble définitivement avoir arrêté d’écrire, pour notre plus grand malheur…

« Le vieil homme se tourna alors vers moi, s’agenouilla, un geste qui parut douloureux. Il prit mes mains dans les siennes. Une peau froide et humide, rêche. Ecoute, dit-il. Tu commences juste. Tu as une longue vie qui t’attend. Moi, il ne m’en reste qu’un peu. D’autres hommes se mettront à genoux devant toi, plus tard, ils t’offriront leur vie, mais je t’offre davantage. Offrir la fin d’une vie, c’est bien plus, et mes raisons sont bien plus pures. Je t’aime plus qu’aucun homme ne t’aimera jamais. J’essayai de retirer mes mains, mais il tint bon. Il y aura des périodes difficiles. Déroutantes. Tu ne seras pas contente. Mais souviens-toi juste que je t’aime et que je ferai n’importe quoi pour toi, à partir d’aujourd’hui. »


David Vann livre avec Aquarium une œuvre toute à la fois cruelle et magnifique
. Plus lumineux que ses précédents ouvrages, ce roman devient de plus en plus puissant au fil des pages, sans perdre d’une certaine poésie propre à l’écriture de l’auteur. Les dernières pages, absolument splendides, mènent à des sommets d’émotion et sont porteuses d’un espoir presque inattendu. Elles ouvrent peut-être un nouveau chapitre dans l’œuvre du romancier américain, moins noir mais tout aussi intense. Très grosse claque littéraire !

Aquarium



Avatar Gravatar

mht 05.02.2017, 11:33

Livre très marquant, découvert grâce à Tim : je n'avais jamais rien lu de David Vann !
Très belle critique aussi, compète et riche ! Tout y est juste, vrai, y compris sur l'écriture poétique et la tension dramatique.
MAIS livre parfois insoutenable quant à la violence de plusieurs scènes qui en disent long sur la pathologie de certaines relations familiales !
Mais Tim a raison : il faut traverser ce pages pour découvrir une forme de lumière et d'optimisme qui illustrent la résilience !
Merci Tim de m'avoir fait découvrir ce roman mais je n'ai pas trop envie de lire les précédents du même auteur s'ils sont encore plus noirs !


 Rédiger Un Commentaire